Faut-il apprendre à voir ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
Faut-il ?: est une question qui peut se poser à deux niveaux :
• la nécessité physique / matérielle / naturelle / économique / sociale, c'est-à-dire la contrainte des choses.
• l'obligation morale, le devoir.
Doit-on ?
[Introduction]
Ce sujet contient un étrange paradoxe: la vue semble être, en effet, un don de la nature et non le résultat d'un
apprentissage.
Les yeux du petit enfant se dessillent très vite sans que personne lui apprenne à voir.
L'énoncé du
sujet semble donc sous-entendre que, nous qui croyons spontanément voir le monde correctement, nous ne le
verrions en réalité peut-être pas assez précisément.
Il nous serait donc possible, comme à l'issue de tout
apprentissage, de faire des progrès dans notre manière de voir.
Mais qui pourrait nous apprendre à mieux voir? Nous
nous interrogerons d'abord pour savoir si notre vue s'avère parfois défaillante et pour quelles raisons.
Puis nous
rechercherons qui pourrait nous apprendre à mieux voir.
[Voyons-nous mal le monde ? A quoi sommes-nous aveugles ?]
Les philosophes, de Platon à Descartes, n'ont pas cessé de mettre en cause le caractère trompeur des sens.
Nos
sens ne sont pas « ajustés au monde », ajoutera Hannah Arendt.
Ils sont notre principale source d'information sur la
réalité mais cette source est imparfaite.
« Tout ce que j'ai reçu jusqu'à présent pour le plus vrai et assuré, je l'ai
appris des sens, ou par les sens: or, j'ai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs, et il est de la
prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés » : ainsi Descartes fait-il le constat
d'échec des sciences et particulièrement celui de la vue au XVIIe siècle, c'est-à-dire au moment où les découvertes
de Galilée faisaient apparaître que la Terre tournait sur son orbite, contrairement à ce que nos yeux nous avaient
imposé avec la plus absolue certitude.
Non seulement nos yeux ne nous donnent pas une représentation exacte du monde mais nous avons nous-mêmes
tendance à être bien peu observateurs: « Il fallait être Newton pour percevoir que la Lune tombe sur la Terre quand
chacun voit qu'elle ne tombe pas », disait Paul Valéry.
Ne préférons-nous pas une apparence sommaire mais
confortable plutôt qu'une vérité qui dérange ? L'histoire des sciences regorge de situations dans lesquelles autant
nos sens que notre crédulité ont été pris en défaut.
Nous avons trop tendance à nous fier aux apparences autant dans les efforts que nous faisons pour connaître le
monde par l'intermédiaire de la science que dans les rapports que nous entretenons avec autrui.
Dans un dialogue
de Platon, Le Banquet, Alcibiade compare Socrate à ces coffrets dans lesquels les Grecs rangeaient leurs bijoux et
qu'ils avaient coutume d'orner de figures monstrueuses.
Chez Socrate, soutient Alcibiade, comme dans les coffrets à
bijoux, la véritable beauté est intérieure.
N'avons-nous pas souvent tendance à préférer la superficielle beauté que
nous révèle la vue à la beauté véritable souvent cachée ?.
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