Faut-il apprendre à être libre ?
Extrait du document
«
INTRODUCTION
La question semble paradoxale : selon le sens commun, l'idée d'apprentissage suppose un effort, une discipline, une
contrainte.
Apprendre est de l'ordre de l'acquis.
Au contraire, la liberté semble naturelle, spontanée, dégagée de
toute contrainte.
Ainsi, si l'on a besoin d'apprendre à être libre cela signifie qu'on ne l'est pas.
La liberté ne serait
pas donnée.
I.
La liberté ne s'apprend pas
• C'est par l'expérience de la solitude que l'on se connaît libre.
Puisque la liberté est l'absence de contraintes, « on
ne peut être vraiment soi qu'aussi longtemps qu'on est seul ; qui n'aime donc pas la solitude n'aime pas la liberté,
car on n'est libre qu'étant seul », (Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation).
En effet, la
société étant régie par des lois, exige des compromis.
C'est un obstacle à la liberté.
Seule la solitude garantit la
liberté.
Puisque la liberté est par excellence l'absence de contraintes, être libre c'est désobéir, c'est transgresser les
interdits.
L'anarchiste Bakounine considère la désobéissance d'Adam et Eve comme le « premier acte de l'humaine
liberté ».
• Être libre c'est ainsi assouvir tous ses désirs.
Tel est le point de Calliclès dans le Gorgias de Platon.
« Gorgias : Veux-tu savoir ce que sont le beau et le juste selon la nature ? Hé bien, je vais te le dire
franchement ! Voici, si on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles,
et ne pas les réprimer.
Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au service de si
grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu'elles peuvent désirer.
Seulement, tout le monde n'est pas
capable, j'imagine, de vivre comme cela.
C'est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênée
qu'elle est de devoir dissimuler sa propre incapacité à le faire.
La masse déclare donc bien haut que le dérèglement
est une vilaine chose.
C'est ainsi qu'elle réduit à l'état d'esclaves les hommes dotés d'une plus forte nature que celle
des hommes de la masse ; et ces derniers, qui sont eux-mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui les
combleraient, font la louange de la tempérance et de la justice à cause du manque de courage de leur âme.
Socrate : Mais, tout de même la vie dont tu parles, c'est une vie terrible ![…] En effet, regarde bien si ce
que tu veux dire, quand tu parles de ces genres de vie, une vie d'ordre et une vie de dérèglement, ne ressemble pas
à la situation suivante.
Suppose qu'il y ait deux hommes qui possèdent, chacun, un grand nombre de tonneaux.
Les
tonneaux de l'un sont sains, remplis de vin, de miel, de lait, et cet homme a encore bien d'autres tonneaux, remplis
de toutes sortes de choses.
Chaque tonneau est donc plein de ces denrées liquides qui sont rares, difficiles à
recueillir et qu'on obtient qu'au terme de maints travaux pénibles.
Mais, au moins, une fois que cet homme a rempli
ses tonneaux, il n'a plus à y reverser quoi que ce soit ni à s'occuper d'eux ; au contraire, quand il pense à ses
tonneaux, il est tranquille.
L'autre homme, quant à lui, serait aussi capable de se procurer ce genre de denrées,
même si elles sont difficiles à recueillir, mais comme ses récipients sont percés et fêlés, il serait forcé de les remplir
sans cesse, jour et nuit, en s'infligeant les plus pénibles peines.
Alors, regarde bien, si ces deux hommes
représentent chacun une manière de vivre, de laquelle des deux dis-tu qu'elle est la plus heureuse ? Est-ce la vie de
l'homme déréglé ou celle de l'homme tempérant ? En te racontant cela, est-ce que je te convaincs d'admettre que
la vie tempérante vaut mieux que la vie déréglée ? […]
Gorgias : Tu ne me convaincs pas, Socrate.
Car l'homme dont tu parles, celui qui a fait le plein en lui-même
et en ses tonneaux, n'a plus aucun plaisir, il a exactement le type d'existence dont je parlais tout à l'heure : il vit
comme une pierre.
S'il a fait le plein, il n'éprouve plus ni joie ni peine.
Au contraire, la vie de plaisirs est celle où on
verse et reverse autant qu'on peut dans son tonneau ! » Platon, « Gorgias ».
II.
Mais la liberté comme naturellement absence de contraintes est illusoire
• On aboutirait à une liberté synonyme de barbarie.
• Assouvir tous ses désirs c'est être esclave de ses passions.
Ainsi, celui qui ne se maîtrise pas n'est pas libre.
• « Il n'y a donc point de liberté sans Lois, ni où quelqu'un est au-dessus des Lois : dans l'état même de nature,
l'homme n'est libre qu'à la faveur de la Loi naturelle qui commande à tous.
» (Rousseau).
D'emblée, nous ne sommes
pas libres.
Nous avons à le devenir..
»
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