FAUT-IL APPRENDRE À ÊTRE LIBRE ?
Extrait du document
«
INTRODUCTION
La question semble paradoxale : selon le sens commun, l'idée d'apprentissage suppose un effort, une discipline, une
contrainte.
Apprendre est de l'ordre de l'acquis.
Au contraire, la liberté semble naturelle, spontanée, dégagée de
toute contrainte.
Ainsi, si l'on a besoin d'apprendre à être libre cela signifie qu'on ne l'est pas.
La liberté ne serait
pas donnée.
I.
La liberté ne s'apprend pas
• C'est par l'expérience de la solitude que l'on se connaît libre.
Puisque la
liberté est l'absence de contraintes, «on ne peut être vraiment soi qu'aussi
longtemps qu'on est seul ; qui n'aime donc pas la solitude n'aime pas la
liberté, car on n'est libre qu'étant seul », (Schopenhauer, Le Monde comme
volonté et comme représentation).
En effet, la société étant régie par des
lois, exige des compromis.
C'est un obstacle à la liberté.
Seule la solitude
garantit la liberté.
• Puisque la liberté est par excellence l'absence de contraintes, être libre
c'est désobéir, c'est transgresser les interdits.
L'anarchiste Bakounine
considère la désobéissance d'Adam et Ève comme le « premier acte de
l'humaine liberté ».
• Être libre c'est ainsi assouvir tous ses désirs.
Tel est le point de Calliclès
dans le Gorgias de Platon.
II.
Mais la liberté comme naturellement absence de contraintes est
illusoire
• On aboutirait à une liberté synonyme de barbarie.
• Assouvir tous ses désirs c'est être esclave de ses passions.
Ainsi, celui qui
ne se maîtrise pas n'est pas libre.
• « Il n'y a donc point de liberté sans Lois, ni où quelqu'un est au-dessus des Lois : dans l'état même de nature,
l'homme n'est libre qu'à la faveur de la Loi naturelle qui commande à tous.
» (Rousseau).
D'emblée, nous ne sommes
pas libres.
Nous avons à le devenir.
Il n'y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu'un est au dessus des lois ; dans l'état même de nature
l'homme n'est libre qu'à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous.
Un peuple libre obéit, mais il ne
sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n'obéit qu'aux lois et c'est par la
force des lois qu'il n'obéit pas aux hommes.
Toutes les barrières qu'on donne dans les républiques au
pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l'enceinte sacrée des lois : ils
en sont les ministres, non les arbitres, ils doivent les garder, non les enfreindre Un peuple est libre,
quelque forme qu'ait son gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l'homme, mais
l'organe de la loi.
En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne
sache rien de plus certain.
Il est possible de préserver sa liberté intérieure, sa liberté de penser, même sous la contrainte.
Le courage et la
volonté sont indispensables à une telle liberté.
Ils permettent d'être libre même si on ne fait pas ce que l'on veut.
De
ce fait, il semble que l'obéissance à un individu ou à des lois n'interdise pas la liberté.
La liberté individuelle et la
liberté collective peuvent toutefois s'opposer.
Mais la liberté ne peut faire l'économie d'une forme ou d'une autre de
nécessité.
La question reste de savoir si on est libre ou si on le devient.
éléments d'explication
• Rousseau cherche à définir un État idéal, dans lequel pourraient être conciliées liberté et vie communautaire.
Nous
avons en effet définitivement quitté l'état de nature.
Il ne nous est plus possible de vivre seul, indépendant d'autrui;
il faut renoncer à une liberté naturelle dans laquelle chacun, n'ayant aucun rapport avec autrui, a « un droit illimité à
tout ce qui le tente et qu'il peut atteindre», droit « qui n'a pour bornes que les forces de l'individu » (Contrat social
I, 8).
Mais l'existence sociale, devenue nécessaire, engendre souvent la servitude la plus humiliante, la plus dégradante,
destructrice de notre humanité même («renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme », 1.4).
Comment
donc articuler vie sociale et liberté ?
• À cette question, ce texte apporte des éléments de réponse; le principe en est que toute dépendance n'est pas
négation de liberté.
En effet :
a) Dépendre des lois, leur obéir mais n'obéir qu'à elles, non à la volonté capricieuse d'un autre homme, c'est déjà la
situation de l'homme dans l'état de nature, si l'on précise du moins que les lois, ici, sont celles de la nature, les lois
scientifiques, les seules qu'il connaisse et qui s'imposent à tous.
Cette dépendance a des forces impersonnelles qui
limitent nos actions mais ne blessent jamais notre humanité ni ne l'humilient, Rousseau voudrait en quelque sorte la
restaurer sur le plan civil : l'idéal serait que l'homme social soit soumis à des lois politiques qui auraient quelque
chose de l'impersonnalité, de l'inflexibilité, de l'égalité des lois purement naturelles.
Alors seraient évitées les
dépendances avilissantes..
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