Faut-il accorder une valeur au désir ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet
La question « faut-il » porte sur un devoir, que ce devoir vienne de l'extérieur – on a ou on n'a pas le droit de faire
telle chose parce que la loi, ou l'opinion publique, ou les opinions de tierces personnes considèrent cette chose
comme interdite ou mauvaise –, ou de l'intérieur – on fonde pour soi-même l'obligation ou l'interdiction de telle ou
telle chose, après avoir fait une évaluation de cette chose.
L'objet concerné ici par ce devoir est le fait d' « accorder une valeur au désir ».
« Accorder une valeur à quelque
chose », c'est lui reconnaître un mérite, une qualité par laquelle elle n'est pas vaine.
La valeur d'une chose en effet,
c'est son prix, c'est l'estime qu'il faut lui accorder.
C'est ainsi d'ailleurs que l'on peut appeler « valeur » en soi un
concept, un idéal auquel on attribue un statut de principe important pour la conduite de notre vie.
On désigne par
désir, enfin, une inclination forte vers un objet, que cet objet soit un bien matériel, une personne ou un idéal.
La
philosophie s'est souvent montrée méfiante à l'égard du désir, l'accusant d'être aveugle ou irrationnel et de
détourner l'homme de l'exercice de la raison.
Le sujet invite donc à mettre en doute une position traditionnelle en philosophie, celle qui soutient la vanité et
l'absence de valeur du désir.
Une alternative se présente alors : ou bien l'on reprend la critique du désir menée par
une certaine partie de la tradition philosophique, ou bien l'on en prend le contre-pied pour fonder l'idée de la valeur
du désir, ou pour définir les conditions auxquelles l'on doit accorder une valeur au désir – peut-être y a-t-il lieu de
définir plusieurs types de désirs, ou encore plusieurs types de rapports au désir, auxquels il faudrait accorder des
valeurs différentes.
Il faudra préciser également de quel type de devoir il s'agit alors, en considérant ce qui le fonde.
Proposition de plan
I.
Les dangers et les illusions du désir
La première partie examinera la position d'une part importante de la tradition philosophique à l'égard du désir : le
désir est trompeur et illusoire, et il est nuisible à l'exercice de la pensée rationnelle, d'autant plus qu'il est puissant
et convaincant.
Il est une force émanant du corps, et cette force vient s'opposer à celle de l'intellect, supérieure
mais moins accessible spontanément.
Il faut donc refuser de lui accorder de la valeur, de manière à préserver
l'intégrité de la raison.
Platon, Phédon
« Socrate - A ressentir avec intensité, plaisir, peine, terreur ou désir, alors, si grand que soit le mal dont on puisse
souffrir à cette occasion, entre tous ceux qu'on peut imaginer, tomber malade par exemple ou se ruiner à cause de
ses désirs, il n'y a aucun mal qui ne soit dépassé cependant par celui qui est le mal suprême ; c'est de celui-là qu'on
souffre, et on ne le met pas en compte !
Cébès - Qu'est-ce que ce mal, Socrate ?
Socrate - C'est qu'en toute âme humaine, forcément, l'intensité du plaisir ou de la peine à tel ou tel propos
s'accompagne de la croyance que l'objet précisément de cette émotion, c'est tout ce qu'il y a de plus clair et de
plus vrai, alors qu'il n'en est point ainsi.
Il s'agit alors au plus haut point de choses visibles, n'est-ce pas ?
Cébès - Hé ! absolument.
Socrate - N'est-ce pas dans de telles affections qu'au plus haut point l'âme est assujettie aux chaînes du corps ?
Cébès - Comment, dis ?
Socrate - Voici : tout plaisir et toute peine possèdent une manière de clou, avec quoi ils clouent l'âme au corps et
la fichent en lui, faisant qu'ainsi elle a de la corporéité et qu'elle juge de la vérité des choses d'après les affirmations
mêmes du corps.
»
Transition : cette position est pessimiste quant à la capacité de la raison à prendre spontanément le pas sur le
désir.
Cela ouvre à une interrogation sur la capacité de la raison à résister au désir, ou encore à l'intégrer dans son
fonctionnement.
Avant de répondre à cette question, il faut examiner un second aspect du désir : le désir est
souvent défini comme manque – on désire ce que l'on ne possède pas, et le désir s'éteint dès que la chose
convoitée est acquise.
C'est un second angle d'attaque possible pour répondre à la question de la pertinence de
l'idée d'une valeur du désir.
II.
Le désir ne vaut que parce qu'il est privation : peut-on alors parler d'une valeur du désir ?
La définition du désir comme manque est également très présente dans la tradition philosophique.
Le désir est alors
compris comme une peine, comme une douleur, parfois vaine puisque l'objet désiré ne peut pas forcément être
acquis.
Si l'homme est une victime du désir, il est difficile d'attribuer une valeur à ce dernier.
Rousseau, Emile ou de l'éducation, II.
»
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