Faire son devoir, est-ce renoncer au bonheur ?
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Si le bonheur est le but de l'homme et si le devoir est une obligation, ne peut-on être heureux en faisant son devoir
? N'entre-t-il pas dans le devoir d'être heureux (Épicure) ? Ou le devoir, envisagé comme contrainte, empêche-t-il
d'être heureux ? Moralement, devoir et bonheur sont-ils incompatibles ? Si le devoir est un choix (reposant sur la
liberté), est-ce que ce choix implique le renoncement au bonheur ? L'obligation par principe ne suppose-t-elle pas
l'impossibilité de se laisser aller au bonheur qui se présente de manière contingente ? Le devoir n'est-il que pure
contrainte ? S'il est choix, il est aussi adhésion à un choix, donc pas aussi antinomique qu'il n'y paraît avec le
bonheur.
Il peut exister aussi un plaisir de faire son devoir, voire le bonheur du devoir accompli.
Le bonheur est-il
forcément incompatible avec la modération, la réflexion dans ses choix ? N'existe-t-il pas un bonheur relevant de la
raison, de la morale ? Kant refuse tout sentiment dans la définition du devoir, tout plaisir ou satisfaction à avoir face
au devoir bien fait, car ensuite on pourrait faire son devoir pour retrouver cette sensation de joie.
Pour lui, devoir et
bonheur ne peuvent être en rapport, mais exister indépendamment.
I - Le bonheur comme souverain bien
a) Pour l'ensemble de la philosophie grecque, le bonheur est le bien suprême parmi tous les biens réalisables.
Ainsi,
pour Aristote, le bonheur est-il le souverain bien, le bien par excellence, seul bon en lui-même, et par rapport auquel
tous les autres ne sont que des moyens.
b) Si le bonheur apparaît comme une finalité universelle, les hommes divergent quant aux moyens à utiliser pour
l'atteindre.
Mais la plupart des philosophes ont établi une conjonction entre le bonheur et la vertu, qui consiste à se
conduire avec rectitude et droiture.
La raison est ainsi au principe de la vie heureuse ; la sagesse (phronèsis),
source de toutes les autres vertus, ne fait qu'un avec la vie heureuse.
Elle est le bonheur même.
c) Parmi les trois types de vie distingués par Aristote : la vie de jouissance, la vie politique, la vie contemplative,
seule la dernière peut nous assurer le bonheur ; l'activité de l'âme conforme à la vertu et à la raison réalise l'homme
dans sa définition d'« animal raisonnable ».
Par l'activité théorique et contemplative, l'homme satisfait la part divine
qui est en lui.
Le bonheur est dans l'exercice et l'usage de la vertu.
Pour Aristote, le bonheur est la fin suprême, au-delà de laquelle on ne saurait penser d'autres
fins.
Il a donc une valeur de bien en soi.
Mais il ne réside ni dans la recherche effrénée de
plaisirs, ni dans la bonne fortune (la chance), mais dans l'activité raisonnable et maîtrisée qui
prend comme fin l'accomplissement plénier de soi-même en accord avec la vertu.
La plupart
des hommes ne pouvant mener une vie conforme à la vertu intellectuelle de la sagesse et
atteindre ainsi dans la vie contemplative le Souverain Bien, doivent agir selon la vertu de
prudence (« phronésis »), en évitant les deux extrêmes de la démesure et de l'inertie.
Il s'agit
donc de discerner dans chaque situation où est le juste milieu (médiété) de manière à
combiner harmonieusement le souhaitable et le possible.
Le juste milieu doit se rechercher
aussi bien pour les états affectifs ou passions (ainsi le courage est le juste milieu de la
témérité et de la peur) que pour les actions (ainsi la libéralité est le juste milieu de la
prodigalité et de la parcimonie).
Une telle sagesse pratique unit étroitement l'aspiration au bonheur et la
vertu.
Prendre comme fin suprême une amélioration de soi, viser des
actions les meilleures possibles, n'exige pas le renoncement à tous les
plaisirs.
A première vue, l'existence d'un objet suprêmement désirable qui serait la
cause finale des activités humaines ne fait pas de doute.
Tous les
hommes désirent être heureux , constate Aristote dans l' « Ethique à
Micomaque ».
Le bonheur constitue le souverain bien, car il est recherché comme une fin absolue et non relative.
Chaque activité particulière tend vers quelque bien : la médecine vers la santé, l'art militaire vers la victoire, l'art
financier vers la richesse.
Ces biens, cependant, ne sont pas poursuivis pour eux-mêmes, mais seulement comme
des moyens en vue d'une fin plus haute qui est le bonheur.
Toutes les fins particulières se subordonnent à cette fin
suprême unique qui n'est plus un moyen en vue d'une fin ultérieure, mais qui est recherché en elle-même et pour
elle-même.
Nous désirons être heureux pour être heureux.
Toutefois, constate Aristote, s'il y a convergence sur le nom de ce bien suprêmement désirable, il y a divergence
concernant sa nature.
Quel est cet objet mystérieux qui appelle tous nos voeux ? Le stagirite recense les objets
possibles et définit sur cette base trois grands types de vie : la vie de jouissance, plus particulièrement propre à la
foule, la vie politique, à laquelle aspirent surtout les gens cultivés soucieux de l'honneur, et la vie contemplative
prisée par les sages
Il examine d'abord la vie de jouissance et s'interroge sur la question de savoir si le désir tend au plaisir comme à sa
fin ultime.
Aristote ne rejette pas l'hédonisme, car il concède que toute activité sensible ou intelligible
s'accompagne de plaisir lorsqu'elle s'exerce dans des conditions favorables, mais il ne saurait consentir à l'assimiler
au bien suprême pour plusieurs raisons.
La foule qui aspire à une vie de jouissance ne vise pas les plaisirs raffinés de.
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