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Faire son devoir: cette formule vous semle-t-elle suffire à exprimer toute la vie morale ?

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« Position de la question: C'est une conception assez courante que, pour être pleinement moral, il faut faire "plus que son devoir", qu'il ne faut pas seulement obéir aux règles, mais aller au delà des règles.

Certaines conceptions de l'héroïsme et du mérite semblent en accord avec cette manière de voir.

L'acte héroïque, doit-on est l'acte exceptionnel qui dépasse les normes ordinaires.

Quant au mérite, il ne s'attache, croit-on, qu'à ces actes exceptionnels : il n'y a pas de mérite à ne faire que son devoir. I.

Une fausse conception du devoir. Ces façons de penser reposent, à notre avis, sur une fausse conception du devoir, plus ou moins confondu avec les règles sociales courantes.

Or, même lorsqu'il s'exprime sous la forme de règles bien déterminées, le devoir moral ne se confond pas avec les règles sociales.

C'est seulement par rapport à cette fausse conception du devoir qu'on peut dire que la moralité consiste parfois à faire « plus que son devoir ». II.

La transcendance du devoir. A.

— Le devoir est, avant tout, la loi de la raison pratique, en tant que la raison est normative et constitutive de valeurs.

Sa transcendance, qui explique son caractère obligatoire, est celle de la raison par rapport à nos tendances spontanées, à nos sentiments, à tous les éléments empiriques de notre nature.

C'est pourquoi, contrairement à ce que l'on pense souvent, tout acte moral est méritoire parce qu'il implique que le sujet se hausse à ce niveau supérieur en triomphant, par un effort de volonté, des obstacles qui peuvent s'y opposer. B.

— Mais la raison elle-même ne doit pas être conçue, à la façon des rationalistes classiques, comme une faculté rigide, fixée en des cadres immuables.

A côté ou plutôt au delà de la « raison constituée » dont les normes paraissent ainsi figées, il y a la « raison constituante » qui est la raison vivante.

Ainsi s'explique, comme le dit A. LALANDE, que la moralité paraisse aller parfois « au delà des normes » et qu'il y ait des sortes de « supra-valeurs d'action » : « Les préceptes moraux communément approuvés sont la raison "constituée" de l'ordre pratique, les axiomata média acquis à un moment donné.

On peut les formuler, en faire un programme d'éducation.

Mais ces règles de conduite raisonnable, bienveillante, délicate, ne sont que l'expression relative, et toujours perfectible, des tendances qui constituent la moralité.

» Au delà, il y a la raison constituante dont l'une des directives « et peutêtre la plus essentielle en morale » est de « réagir contre l'égoïsme naturel qui se manifeste dans l'opposition des êtres vivants les uns aux autres et dans la lutte pour la vie ».

L'ordre purement biologique consiste en un « dynamisme par lequel chaque être organisé tend à la conquête de tout ce dont il pourra se nourrir ou qu'il pourra dominer ».

Mais, de quelque manière qu'on dénomme cet instinct d'expansion vitale, « dans les individus ou dans les groupes : totalitarisme à l'intérieur, impérialisme au dehors, égocentrisme, pleonexia1, l'ordre humain en est le contraire...

On ne peut pas faire que la moralité sorte du dynamisme ».

Être juste, c'est imposer soi-même des limites à sa « volonté de puissance » ; aimer, c'est se réjouir du bonheur d'autrui plus que du sien.

« Si cela est vrai, ajoute A.

LALANDE, nous n'avons pas de peine à comprendre la sympathie, l'enthousiasme que provoquent le sacrifice, l'héroïsme, même inutile, le dévouement, même mal compris.

C'est qu'ils sont...

une manifestation éclatante de cet effort pour renoncer à tout ramener à soi, dont les petites règles morales de la vie courante ne sont que la menue monnaie » (La Raison et les normes, p.

191-193). C.

— II s'en faut cependant que, même en pareils cas, l'acte moral s'oppose au devoir.

Bien au contraire, celui qui les accomplit a le sentiment qu'il obéit à un devoir, à une obligation d'ordre supérieur.

GUYAU, dans sa Morale sans obligation, cite le cas de ces ouvriers d'un four à chaux qui, pour sauver l'un de leurs camarades, se sacrifièrent spontanément les uns après les autres et il rapporte cette parole de l'un d'eux : « Mes compagnons se mouraient, il fallait y aller.

» Cette parole est à rapprocher de ce témoignage de Saint-Exupéry à propos d'un pilote de guerre qui s'expose sciemment à la mort : « On monte en avion au milieu de la nuit, même si le temps est à la brume ou à l'orage, parce qu'on doit prendre le départ à cette heure-là ».

L'obligation se trouve alors sublimée jusqu'à l'héroïsme et au sacrifice. Conclusion.

C'est rapetisser le devoir moral que de le réduire à l'observance des « petites règles morales de la vie courante ».

La moralité consiste toujours à « faire son devoir », mais ce devoir peut être héroïque.. »

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