Faire le mal, est-ce seulement désobéir aux lois ?
Extrait du document
«
Le sujet de discussion porte sur la limite entre le droit et la morale.
Pour bien comprendre la question, il faut se
rappeler que les lois définissent en général non pas le bien et le mal, mais le juste et l'injuste; le bien et le mal
appartiennent plus au registre moral et religieux qu'au registre juridique.
Commettre une faute n'est pas commettre
un péché.
On tâchera de trouver, pour appuyer la discussion, des exemples d'actions qui ne sont pas interdites par
la loi et qui pourtant peuvent être condamnées moralement.
On pourra également réfléchir sur la distinction entre
l'action extérieure et l'intention intérieure.
Introduction
Lorsque nous reprochons à autrui de faire une chose mauvaise, nous sommes parfois amenés à reconnaître que
cette action est en fait tout à fait justifiée et qu'elle a simplement des conséquences désagréables pour nous.
D'où
la nécessité de savoir sur quelle norme nous nous appuyons pour savoir si quelqu'un (ou nous-mêmes) fait le mal ou
le bien.
Faire le mal, notamment, est-ce seulement désobéir aux lois?
Discussion
La référence aux lois semble tout d'abord être un repère utile pour établira distinction entre « faire le mal » et «
nous faire du mal » : les lois constituent une norme générale qui permet de dépasser la simple réaction subjective.
En ce sens, Spinoza a raison de dire que le péché se définit comme la désobéissance à une règle voulue par la
communauté tout entière.
Alors qu'une action légale a fréquemment des conséquences secondaires désagréables
pour tel ou tel membre de la société, la désobéissance aux lois est une faute objective et non plus seulement un
désagrément subjectif.
Les lois constituent de plus une norme officielle que « nul n'est censé ignorer ».
Nous pouvons ainsi clairement
distinguer l'action mauvaise de l'erreur due à l'ignorance.
Lorsque nous disons qu'un individu fait le mal, nous sousentendons qu'il le fait en connaissance de cause.
Transition
La désobéissance aux lois semble donc bien être un critère probant pour déterminer si quelqu'un fait le bien ou le
mal.
Et pourtant on peut se demander si l'opposition du bien et du mal ne va pas au-delà de la distinction entre le
légal et l'illégal.
On sait en effet que toute législation peut être contournée ou détournée au profit personnel de l'individu.
On peut
donc dire que faire le mal, c'est parfois non pas désobéir aux lois, mais les réduire au statut de moyens pour .
notre
profit.
La considération des lois ne permet de juger que la conduite extérieure de l'individu et non ses intentions, sur
lesquelles porte en général le jugement moral sur le bien et le mal.
De plus, l'application des lois requiert toujours une interprétation tenant compte des circonstances particulières.
Si
cette démarche n'est pas faite, les lois peuvent être inhumaines.
L'application de la loi « dans toute sa rigueur »
peut être mise au service d'un esprit de vengeance.
Enfin, les lois changent d'un pays à l'autre.
"Sur quoi [le souverain] la fondera-t-il, l'économie du monde
qu'il veut gouverner ? Sera-ce sur le caprice de chaque
particulier ? Quelle confusion ! Sera-ce sur la justice ? Il
l'ignore.
Certainement, s'il la connaissait, il n'aurait pas établi cette
maxime, la plus générale de toutes celles qui sont parmi les
hommes, que chacun suive les moeurs de son pays ; l'éclat de
la véritable équité qui aurait assujetti tous les peuples, et les
législateurs n'auraient pas pris pour modèle, au lieu de cette
justice constante, les fantaisies et les caprices des Perses et
Allemands.
On la verrait plantée par tous les États du monde
et dans tous les temps, au lieu qu'on ne voit rien de juste ou
d'injuste qui ne change de qualité en changeant de climat
[...].
Plaisante justice qu'une rivière borne ! Vérité au-deçà des
Pyrénées, erreur au-delà.
De cette confusion arrive que l'un dit que l'essence de la
justice est l'autorité du législateur, l'autre la commodité du
souverain, l'autre la coutume présente ; et c'est le plus sûr :
rien, suivant la seule raison, n'est juste de soi ; tout branle
avec le temps.
La coutume fait toute l'équité, par cette seule raison qu'elle est reçue ; c'est le
fondement mystique de son autorité.
Qui la ramène à son principe, l'anéantit."
Blaise Pascal, Pensées (1670).
Ce que défend ce texte:.
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