Expliquez cette assertion d'Aristote : Il n'y a pas de science du particulier : il n'y a de science que du général ?
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«
Expliquer cette assertion d'Aristote : Il n'y a pas de science du
particulier : il n'y a de science que du général.
A.
— La connaissance du particulier est forcément, pour nous, inadéquate à
son objet : il nous est, en effet, impossible de connaître tous les cas
possibles, passés, présents, futurs, car leur nombre est indéfini; impossible
aussi de connaître à fond, d'épuiser la compréhension d'un seul individu, parce
que cette compréhension est pour ainsi dire illimitée.
C'est pourquoi l'individu
est indéfinissable : Omne individuum ineffabile.
Ce qui faisait dire à Pascal : «
Nous ne savons le tout de rien.
»
B.
— Au surplus, une pareille science serait inutile, inféconde.
La
connaissance du particulier, de l'accidentel, du phénomène qui passe, peut
sans doute amuser et distraire l'imagination, mais elle ne peut servir à rien
pour prévoir l'avenir et maîtriser la nature.
C.
— Objection des sophistes : S'il n'y a de science que du général, la
science est impossible, car dans la nature il n'y a rien de général, de fixe,
d'absolu, d'immuable; le particulier seul est réel; il n'y a que des individus caducs, des faits passagers...
— On a déjà répondu aux sophistes que, sous cette multiplicité de phénomènes, il y a quelque chose qui ne change
pas, qui ne passe pas : ce sont les rapports.
Et voilà précisément l'objet de la science.
Elle ne s'arrête qu'à ce qui
est essentiel.
Elle prend pour objet, non les individus divers, changeants, mais leurs formes communes,
impérissables, leur essence (rapports de coexistence : types), non les phénomènes fugitifs, mais leurs rapports
constants, leurs lois stables, universelles, nécessaires (rapports de succession : lois).
Que pensez-vous de cette formule : « Il n'y a de science que du général » ?
« L'homme désire naturellement savoir », dit Aristote dès les premiers mots de sa « Métaphysique » : les «
pourquoi » incoercibles de l'enfant, la curiosité de l'adulte à l'affût des nouvelles, les patientes recherches du
savant en quête de l'explication d'un phénomène, sont des effets divers de cette tendance foncière chez
l'homme, de ce désir de savoir.
Mais que désirons-nous savoir, ou, si l'on veut, qu'est-ce que savoir ? Toute connaissance mérite-t-elle d'être
appelée savoir ou science ? ou faut-il réserver ce titre à une connaissance supérieure, et dire avec Aristote
qu' « il n'y a de science que du général » ?
Tout d'abord, nous pouvons connaître des objets particuliers, et cette connaissance est le but, de la part de
vrais savants, de nombreuses recherches.
En premier lieu, il y a une connaissance de l'individuel: je connais des individus ; non seulement des hommes
que je distingue entre tous mais encore des animaux, des choses, des faits : je sais que la mercière du coin a
ouvert son magasin à 8 h.
5, que j'ai rencontré et salué devant la mairie un ami de ma famille.
Il est même des sciences qui n'ont pour objet que des réalités individuelles.
S'il y a une géographie générale, la
géographie proprement dite reste dans l'étude du particulier : il n'existe qu'une chaîne des Pyrénées, qu'une
Garonne, qu'une plaine de la Beauce.
L'historien aspire plus ou moins à découvrir les lois générales de
l'évolution des sociétés ; mais son rôle propre est de reconstituer des faits uniques dans tout le cours des
temps, comme la bataille de Cannes ou la journée du 18 brumaire.
D'ailleurs, la science du général repose sur la connaissance de l'individuel.
On ne saurait en douter pour les sciences de la nature.
Elles partent nécessairement de l'individuel, seul réel :
l'observation porte sur des objets particuliers, et si l'hypothèse généralise, l'expérimentation la contrôle en se
référant de nouveau à des faits individuels.
La connaissance de l'individuel est donc au moins l'instrument
indispensable des sciences de la nature.
Sans doute, les sciences mathématiques partent de définitions qui sont générales.
Mais les notions
mathématiques furent obtenues, à l'origine, par abstraction de données sensorielles concrètes et individuelles,
et elles ne sont comprises que grâce à notre expérience perceptive.
En sorte que la science la plus générale
elle-même exige la connaissance de l'individuel.
Il n'en est pas moins vrai que, comme le disait Aristote, il n'y a de science que du général.
Tout d'abord, il n'y a de connaissance du singulier qu'au moyen d'idées générales.
Sans doute, la sensation
atteint l'objet individuel et concret dans son originalité propre ; mais entendre ou voir n'est pas connaître.
Pour
connaître, il faut appliquer au fait connu une notion générale : je connais une fleur lorsque, je puis dire que.
»
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