Explication du texte de Heidegger Thème : Rapport de l’homme à la technique
Publié le 21/02/2022
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Explication du texte de Heidegger
Thème : Rapport de l’homme à la technique ; Question : En quoi notre rapport aux objets techniques est-il inadéquat, est-il
possible de rectifier ce rapport sans rejeter globalement le monde technique — et comment ? Thèse : Notre rapport au monde
technique est insatisfaisant car il établit une domination de la technique sur l’homme ; il faut donc corriger ce rapport, cette
correction ne pouvant s’établir que sur une double reconnaissance : reconnaissance de l’utilité de la technique, et
reconnaissance de la supériorité légitime de l’homme sur le monde technique.
Plan : Heidegger commence par récuser la
posture d’une critique radicale et indifférenciée du monde technique, aboutissant à un rejet global (l.
1-4) ; pourtant, il
reconnaît le danger inhérent à notre rapport au monde technique, qui est d’abord un danger de soumission (l.
4-6) Pour
Heidegger, ce rapport n’est en rien nécessaire : il est possible d’instaurer un rapport alternatif à la technique, qui supprime la
privation de liberté (l.
7-10).
Un tel rapport se fonde sur un retour à l’essence de la technique, qui est d’être utilisée par
l’homme : il faut rappeler les objets techniques à leur statut de moyens pour nos désirs, et non de juges de ce que nous
sommes (l.
10-14).
Pour Heidegger, un tel rapport au monde technique est à même de lever toute ambiguïté : loin d’exiger de
nous une attitude méfiante, inquiète à l’égard des objets du monde technique, ce retour à l’essence de la technique est capable
de nous permettre de retrouver un rapport paisible et cohérent à l’égard des objets techniques : un rapport serein (l.
15-20).
Heidegger commence par clarifier l’enjeu de son propos : le but du texte n’est pas d’effectuer une critique radicale de la
technique.
La technique n’est pas « l’œuvre du diable », c'est-à-dire qu’elle n’est pas intrinsèquement mauvaise ; or si la
technique n’est pas une chose nécessairement néfaste, il est absurde de vouloir la rejeter ou l’anéantir.
Ce qui permet d’affirmer que la technique n’est pas mauvaise en soi, c’est d’abord qu’elle nous est utile.
Plus encore,
Heidegger affirme qu’elle nous est nécessaire, puisque nous « dépendons » du monde technique.
En quoi la technique nous
est-elle nécessaire ? Elle nous est nécessaire pour survivre, car c’est grâce à la technique que l’homme peut produire les
moyens de sa subsistance (par l’agriculture, l’industrie, etc.), se protéger des rigueurs de la nature (par la fabrication de
logements, de vêtements, de systèmes de défense contre les prédateurs, etc.) ; mais elle est également nécessaire à notre
épanouissement culturel (scientifique, artistique, etc.) Dans la mesure où le monde technique réunit tous les objets créés par
l’homme afin de transformer la nature, il est évident qu’il est impossible de renoncer à la technique sans renoncer à la fois à
notre sécurité et à notre bien-être.
C’est précisément parce que l’essence des objets techniques est de nous être utiles que
Heidegger peut écrire qu’ils nous « mettent en demeure de les améliorer sans cesse » : car un objet technique est d’autant plus
parfait (c'est-à-dire conforme à son essence) que son utilité est grande pour nous ; or il est toujours possible d’accroître cette
utilité en augmentant l’efficacité ou le rendement des objets techniques.
Si la nature des objets techniques est de nous être
utile, il est infiniment préférable de les améliorer que de les anéantir !
La technique n’est donc pas un mal ; mais notre rapport à la technique, nous dit Heidegger, est mauvais.
Non pas parce que
nous en serions dépendants : nous sommes dépendants de l’eau et du soleil pour survivre, ce n’est pas une raison pour
apprendre à vivre sans boire ou sans soleil.
C’est le mode de dépendance qui doit être critiqué : car cette dépendance est
devenue si forte, nous dit Heidegger, qu’elle s’est faite esclavage ; un esclavage d’autant plus violent qu’il ne nous apparaît
même pas, que nous n’en prenons pas conscience.
Quelle différence devons-nous effectuer entre dépendance et esclavage ? Être dépendant d’une chose, c’est avoir besoin de
cette chose pour être ce que l’on est (un être vivant), ou ce que l’on veut être (épanoui).
Etre l’esclave d’une chose, c’est être
contraint de lui obéir, c’est être placé dans une situation de soumission face à cette chose ; dire de l’homme qu’il est devenu
l’esclave des objets techniques, c’est donc affirmer que dorénavant c’est la technique qui dicte à l’homme ce qu’il doit faire,
ce qu’il doit penser, ce qu’il doit être.
Comment comprendre cet accroissement de la dépendance ? Et comment justifier le fait
que cet accroissement mène à l’esclavage ?
On peut considérer qu’il y a accroissement de notre dépendance à l’égard d’une chose lorsque toutes les alternatives à cette
chose disparaissent, ou lorsqu’elle cesse d’être une option recommandable pour devenir une nécessité absolue.
Or le propre
des objets techniques est bien de faire disparaître leurs alternatives (notamment naturelles) ; avant l’invention de
l’automobile, tous les individus se rendaient à leur travail à pied (ou à cheval) ; mais si, dans un premier temps, l’automobile
a permis de faciliter et d’accélérer leurs déplacements, elle est dorénavant devenue nécessaire pour tous les individus qui
n’ont plus la possibilité d’habiter à proximité de leur lieu de travail.
Les objets techniques ont par ailleurs tendance à glisser
du facultatif à l’obligatoire, dans la mesure où ce qu’ils rendent possible devient lui-même ce qui rend possible autre chose,
dont on découvre avoir besoin, etc.
L’acquisition d’un téléphone portable ou l’accès à Internet n’est plus une « option » pour
les cadres d’entreprises : c’est un impératif.
Dans le domaine technique, ce qui était vu hier comme un luxe est aujourd’hui
considéré comme semi-vital (TV, etc.).
Dans quelle mesure cet accroissement de la dépendance mène-t-il à une forme d’esclavage ? C’est ce qu’éclaire la suite du
texte, qui nous indique ce que l’homme peut et doit éviter dans son rapport aux objets techniques.
Car telle est l’idée-clé du
texte de Heidegger : l’asservissement à l’égard des choses techniques n’est pas une conséquence nécessaire de leur usage :
« nous pouvons nous y prendre autrement ».
Comment donc concilier l’usage des objets avec la sauvegarde de notre liberté ?
La réponse de Heidegger est simple : il suffit de s’en servir « normalement », « comme il faut qu’on en use ».
En d’autres.
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