Expérience et raisonnement ?
Extrait du document
«
L'expérience n'est ainsi scientifique que si elle s'inscrit dans un raisonnement — dont l'analyse a été
classiquement fournie par Claude Bernard, qui montre en particulier que l'expérience, en tant que faisant partie d'un
montage expérimental, n'en constitue qu'une étape, et non la première.
Elle est en effet précédée par l'observation,
puis par la formulation d'une hypothèse, et doit mener, si elle vérifie cette dernière, à une loi.
L'observation scientifique elle-même ne ressemble en rien à une observation banale, puisqu'elle est capable de
repérer un phénomène problématique, dont l'explication n'existe pas encore.
Ce repérage n'est possible que si l'esprit
est déjà informé de l'état actuel du savoir, et habitué à ne pas considérer les simples phénomènes dans leur
apparence immédiate pour s'intéresser aux lois qui, en-deçà de ces derniers, les rendent possibles.
C'est dire qu'un
individu sans formation scientifique qui pénètrerait dans un laboratoire alors qu'on y effectue une observation ne
risque même pas de deviner en quoi consiste ce que l'on cherche à observer.
Quant à l'hypothèse (ou « explication anticipée », selon une formule de Claude Bernard), elle doit être la plus «
simple » possible, et ne pas multiplier les concepts.
Sa mise au point suppose la conception d'une relation
déterminante entre un élément admis comme cause et le reste du phénomène.
De plus, cette relation de cause à
effet doit être à l'avance conçue comme quantifiable.
On voit ainsi que l'élaboration de l'hypothèse implique un
travail important d'analyse intellectuelle du phénomène.
Ce n'est qu'après ces deux premiers temps que l'expérience à strictement parler est organisée.
Par définition, elle
consiste à reconstituer le phénomène à expliquer en n'y faisant varier que l'élément (momentanément, jusqu'à
vérification) tenu pour déterminant.
L'objectif de cette variation « artificielle » (et contrôlée) est double : il s'agit
d'une part de vérifier la validité de l'hypothèse, de l'autre, de quantifier la relation causale, puisque la connaissance
scientifique vise, non directement les qualités, mais bien des déterminations dont l'expression achevée est
mathématique.
Lorsque l'hypothèse se révèle ainsi juste grâce à l'expérience, une loi est formulable directement, par induction.
On
peut donc considérer que le but de l'expérience scientifique est bien la découverte de cette loi finale, destinée à
s'intégrer dans une théorie plus générale.
Autrement dit, l'expérience n'est scientifique qu'à la condition de s'intégrer
dans un cadre théorique global, présent aussi bien dans la préparation de l'expérience (observation et organisation
du protocole expérimental) que dans son déroulement (intervention d'instruments de mesure, qui sont des
applications de théories antérieures) et dans sa finalité, ce qui peut se résumer par une formule classique : on
expérimente avec sa raison (et non avec sa perception)..
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