Existe-t-il une contradiction entre l'affirmation de la liberté humaine et l'affirmation scientifique du déterminisme ?
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• L'affirmation de la liberté humaine pose en effet le problème du rapport de l'homme avec la nature.
De fait, la
nature (le monde), pour peu que nous la pensions, que nous essayions de la comprendre, nous apparaît comme le
règne du déterminisme : tout phénomène a une ou plusieurs causes et « s'explique » par sa ou ses causes.
Comprendre quelque chose, c'est donc nécessairement le déterminer.
• Or, l'homme fait partie de la nature, du monde : comment donc peut-il concilier sa liberté avec le déterminisme
naturel ? Les principales et classiques réponses possibles sont les suivantes :
a) Poser que le déterminisme naturel n'est pas absolu, et qu'il existe une certaine contingence naturelle (cf.
par
exemple, le clinamen des atomes chez Épicure et Lucrèce) qui s'accroîtrait à mesure que l'on passe de l'ordre
physique à l'ordre biologique et à l'ordre humain.
D'après les philosophes atomistes, la création du monde serait imputable à l'entrechoquement hasardeux des
atomes.
Selon le matérialisme épicurien, tout est matériel.
Tout est en devenir, seuls les atomes sont indivisibles et
éternels.
Leur rassemblement obéit aux lois du hasard.
C'est le thème du "clinamen" qui est une déviation spontanée
des atomes par rapport à leur chute verticale dans le vide, déviation spatialement et temporellement indeterminée,
et qui permet aux atomes de s'entrechoquer.
Ce concept fut inventé par Épicure et repris par Lucrèce pour
préserver la liberté et l'incertitude au sein d'une théorie physique déterministe.
b) Poser un dualisme fondamental entre la matière et l'esprit.
La nature, le monde de la matière, est le lieu d'un
déterminisme rigoureux, tandis que l'esprit, la pensée, est celui de la liberté.
Cf.
le dualisme cartésien : en tant que
corps, l'homme appartient à la nature et est soumis à ses lois, mais en tant qu'âme, que pensée, il leur échappe.
c) Poser que le déterminisme de la nature est total et que l'homme n'y échappe pas ; que la liberté humaine est
donc illusoire.
Le rationalisme cartésien nous montre déjà qu'une volonté infiniment libre,
mais privée de raison, est une volonté perdue.
Plus nous connaissons, plus
notre liberté est grandie et fortifiée.
Si nous développons notre connaissance
au point de saisir dans toute sa clarté l'enchaînement rationnel des causes et
des effets, nous saisirons d'autant mieux la nécessité qui fait que telle chose
arrive et telle autre n'arrive pas, que tel phénomène se produit, alors que tel
autre ne viendra jamais à l'existence.
Pour Spinoza, une chose est libre quand
elle existe par la seule nécessité de sa propre nature, et une chose est
contrainte quand elle est déterminée par une autre à exister et à agir.
Au
sens absolu, seul Dieu est infiniment libre, puisqu'il a une connaissance
absolue de la réalité, et qu'il la fait être et exister suivant sa propre
nécessité.
Pour Spinoza et à la différence de Descartes, la liberté n'est pas
dans un libre décret, mais dans une libre nécessité, celle qui nous fait agir en
fonction de notre propre nature.
L'homme n'est pas un empire de liberté dans
un empire de nécessité.
Il fait partie du monde, il dispose d'un corps,
d'appétits et de passions par lesquelles la puissance de la Nature s'exerce et
s'exprime en nous, tant pour sa propre conservation que pour la nôtre.
Bien
souvent nous croyons être libres, alors que nous ne faisons qu'être mus, par
l'existence de causes extérieures :
la faim, la pulsion sexuelle, des goûts ou des passions qui proviennent de
notre éducation, de notre passé, de notre culture.
Nul homme n'étant coupé
du milieu dans lequel il vit et se trouve plongé, nous sommes nécessairement
déterminés à agir en fonction de causes extérieures à notre propre nature.
"Telle est cette liberté humaine que tous
les hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs, et
ignorants des causes qui les déterminent."
d) Poser que le déterminisme de la nature est rigoureux et que l'homme ne peut s'y soustraire ; que cependant sa
volonté n'est déterminée que par elle-même, et que donc la liberté humaine consiste à accepter et à vouloir la
nécessité (cf.
le stoïcisme).
La source de tout bien et de tout mal que nous pouvons éprouver réside strictement dans notre propre volonté.
Nul
autre que soi n'est maître de ce qui nous importe réellement, et nous n'avons pas à nous soucier des choses sur
lesquelles nous n'avons aucune prise et où d'autres sont les maîtres.
Les obstacles ou les contraintes que nous
rencontrons sont hors de nous, tandis qu'en nous résident certaines choses, qui nous sont absolument propres,
libres de toute contrainte et de tout obstacle, et sur lesquelles nul ne peut agir.
Il s'agit dès lors de veiller sur ce
bien propre, et de ne pas désirer celui des autres ; d'être fidèle et constant à soi-même, ce que nul ne peut nous
empêcher de faire.
Si chacun est ainsi l'artisan de son propre bonheur, chacun est aussi l'artisan de son propre
malheur en s'échappant de soi-même et en abandonnant son bien propre, pour tenter de posséder le bien d'autrui.
Le malheur réside donc dans l'hétéronomie : lorsque nous recevons de l'extérieur une loi à laquelle nous obéissons et
nous soumettons.
Nul ne nous oblige à croire ce que
l'on peut dire de nous, en bien ou en mal : car dans un cas nous devenons dépendants de la versatilité du jugement
d'autrui, dans l'autre nous finissons par donner plus de raison à autrui qu'à nous-mêmes.
Enfin, à l'égard des opinions.
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