Existe-t-il des actes inhumains ?
Extrait du document
«
La première réponse serait que c'est impossible, tout du moins dialectiquement.
Il faut discuter la coïncidence de
ces deux termes, ce paradoxe.
Comment un homme peut-il être humain et inhumain en même temps ? Comment estce possible ? Qu'est-ce qui permet, dans l'humanité de l'homme, qu'un même homme puisse être humain et inhumain
? Cela ne serait-il pas contradictoire ? Ou ne serait-il pas plus juste de dire que l'inhumanité fait partie de tout
homme, comme une part de lui ? Le fait que l'énoncé présuppose que cette inhumanité soit possible ne démontre-t-il
pas que humanité et inhumanité vont ensemble ? On peut alors aussi travailler sur le « peut-il » de l'énoncé : si
cette qualification est possible, n'est-il pas de notre devoir de la rendre impossible ? La réponse à la question de
l'énoncé serait idéalement : « non, on ne devrait pas pouvoir ».
Sous quels principes devons-nous nous baser pour
nous défendre d'accepter une telle qualification ?
Introduction et problématique.
Est-il légitime d'affirmer, à propos d'une activité synthétique de la personne, d'une disposition de moyens en vue de
fins, que ce mouvement se situe en dehors de l'essence humaine ou de la condition humaine, qu'il est, en quelque
sorte, étranger à l'être représentant les qualités et les caractéristiques de notre espèce ? Tel est le sens de cet
intitulé énigmatique.
En quelle acception peut-on dire que nos actes sécrètent de l'étrange, de l'humain, du barbare,
de l'étranger à nous-mêmes ? Les exemples, hélas, ici seront nombreux, pour nous permettre de mieux comprendre
le sujet.
Un acte inhumain, étranger à notre nature.
Songeons à la barbarie nazie, aux camps de concentration.
Mais les nazis furent des hommes, jugés dans le cadre d'un procès à Nuremberg, par des hommes.
Quel que soit le
type d'approche, quelque chose ici nous gène et nous égare.
Des questions alors se posent et s'imposent.
L'humanité est-elle au fond de tout individu ? Mais alors comment pourrait-on être inhumain ? Peut-être bien la
question retrouve-t-elle un sens dans le registre de l'imaginaire.
L'inhumain ne se lie-t-il pas à l'imaginaire et ne
s'inscrit-il pas au plus profond de l'humanité de l'homme, au sein de sa terrible liberté ?
[Il y a certaines valeurs culturelles et morales qui définissent l'humanité.
Les actes qui ne les respectent
pas peuvent être qualifiés d'inhumains, comme est inhumaine toute attitude qui tend à nier autrui.]
L'être humain ne peut pas rester indifférent à autrui
«Je suis responsable d'autrui sans attendre la réciproque, dût-il m'en coûter la vie», écrit Emmanuel Lévinas, dans
Éthique et infini.
Est humain celui qui ne traite pas son prochain comme une chose, comme une bête, mais comme
son semblable.
Tout comme moi, mon semblable est un être intelligent, sensible.
C'est en tant que tel que je lui dois
le respect.
Pour Lévinas, l'éthique est la « voie royale vers l'absolument autre » (Préface).
En effet, le désir d'infini n'est pas un
désir au sens habituel et négatif de manque mais une expérience sans retour possible de soi vers l'autre, du familier
vers l'étranger.
Car « l'absolument autre, c'est autrui » (Rupture de la totalité), autrui n'est donc pas la négation de
moi-même, ce qui impliquerait encore une relation d'identité, mais il est positivement « l'absolument autre ».
Autrui
me révèle le sens de l'éthique comme « rapport non allergique du Même et de l'Autre » (L'Être comme bonté).
L'éthique trouvant son sens premier dans la relation de face à face, elle présuppose une ouverture à « l'absolument
autre » que seul le visage d'autrui permet d'entrevoir.
L'éthique est bien originellement une « optique » mais sans
image, car la vision est encore une totalisation.
Or le visage empêche le regard de se fixer, il nous tourne vers un
au-delà, un ailleurs ; il figure « l'infiniment autre » qu'on ne parviendra jamais à totaliser.
Le visage d'autrui se donne
à voir comme « révélation » de l'Autre dans sa nudité et sa fragilité.
Il m'appelle alors à la responsabilité infinie
devant lui.
« Je pense plutôt que l'accès au visage est d'emblée éthique.
C'est lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front,
un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet.
La meilleure
manière de rencontrer autrui, c'est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux ! Quand on observe la couleur
des yeux, on n'est pas en relation sociale avec autrui.
La relation avec le visage peut certes être dominée par la
perception, mais ce qui est spécifiquement visage, c'est ce qui ne s'y réduit pas.
Il y a d'abord la droiture même du visage, son expression droite, sans défense.
La peau du visage est celle qui reste
la plus nue, la plus dénuée.
La plus nue, bien que d'une nudité décente.
La plus dénuée aussi: il y a dans le visage
une pauvreté essentielle.
La preuve en est qu'on essaie de masquer cette pauvreté en se donnant des poses, une
contenance.
Le visage est exposé, menacé, comme nous invitant à un acte de violence.
En même temps le visage
est ce qui nous interdit de tuer.
»
Lévinas, « Ethique et infini ».
Lévinas commence par opposer perception d'un objet et rencontre authentique d'autrui.
Quand je pose l'autre
comme objet, je le projette sur une surface d'objectivité : il m'apparaît comme un tableau à décrire, une surface à.
»
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