Existe-t-il de belles choses ou y a-t-il seulement une belle représentation des choses ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
SEULEMENT:
* Sans rien ou personne de plus que ceux qui sont indiqués : Il est resté deux jours seulement.
* À l'exclusion de toute autre chose : J'ai fait cela seulement pour lui rendre service.
* Marque l'opposition, la restriction : Je voudrais bien y aller, seulement je n'ai pas le temps.
CHOSE (n.
f.) 1.
— Désigne la réalité (res en latin : chose) en gén.
; cf.
DESCARTES : « chose pensante »
(âme), « chose étendue » (matière).
2.
— Désigne la réalité, envisagée comme déterminée et statique, existant hors de la représentation ; en ce sens,
KANT utilise l'expression « chose en soi ».
3.
— (Par ext.) À partir du sens 2, désigne la réalité inanimée, hors de son rapport à la pensée (le monde des
choses).
Rem.
: la chose se distingue de l'objet en ce que ce dernier est construit ; cela n'implique pas que la chose
soit chose en soi ; ce qui est chose se constitue comme ce qui est maniable, ce qui est disponible ; autrement dit,
l'objet se réfère à la pensée, la chose à l'action ; le monde des choses, c'est le monde qui se détermine dans la
pratique, et y résiste ; à partir du sens 3, le réaliste confond volontiers la chose et l'objet (cf.
DURKHEIM : « Il faut
considérer les faits sociaux comme des choses »).
4.
— Chosisme : attitude qui consiste à considérer la réalité
comme une chose au sens 2.
• La question posée ici est paradoxale.
C'est-à-dire qu'elle va plus ou moins heurter l'opinion commune.
Mettre en
doute l'existence des belles choses voilà qui peut vous surprendre ; ou encore penserez-vous c'est le propre de la
philosophie que de lancer cette sorte de jeu de mots.
Mais prenons-nous en à l'opinion commune selon laquelle il est possible d'énumérer de belles choses (fleurs,
paysages, tableaux, poèmes, etc.) le propre de l'art étant de représenter ces belles choses.
Il y aurait donc un
beau.
On pourrait sinon le définir du moins le décrire.
Il se présenterait à nous d'une façon aussi évidente qu'une
chose dans la perception.
En ce cas nous devons nécessairement conclure que l'on peut faire une liste objective
des belles choses et qu'il ne peut y avoir de discussion à leur propos.
Il existerait d'indiscutables beautés de même
qu'il y a par exemple des démonstrations mathématiques: tous s'accordent sur leur vérité.
Pour les belles choses, et vous le savez bien, il n'y a rien de tel.
L'expérience nous le montre : tel paysage émeut
l'un et laisse l'autre indifférent, telle poésie jugée sublime hier peut demain me paraître grandiloquente.
Nous faisons
constamment l'expérience de la diversité voire de la contradiction de nos jugements respectifs, et même de nos
impressions successives, sur le beau.
On est tenté de dire devant un jugement différent du nôtre: je ne sais pas si
cela est beau, mais cela me plaît.
• Cette réflexion nous conduit à revenir à la question posée.
Elle pourrait se formuler maintenant de façon plus
convaincante ; l'on peut bien demander en effet: le beau est-il dans le spectacle ou dans l'oeil qui regarde?
Répondons affirmativement à la deuxième partie de la question.
De nouvelles questions surgissent.
Car si le beau est
seulement dans l'oeil qui regarde et donc subjectif comment expliquer l'évidence qui envahit devant la chose ou
l'oeuvre? Se peut-il qu'un goût purement subjectif puisse s'imposer avec tant de force! Et comment alors expliquer
que nous soyons prêts non seulement à discuter mais encore à nous disputer pour défendre notre jugement sur la
couleur de..., notre goût pour...?
• Revenons encore à la question posée.
Le terme de représentation n'est-il pas bien au centre du sujet? Une
représentation c'est d'abord l'action de mettre devant les yeux ou l'esprit de quelqu'un.
Par exemple dans une
représentation théâtrale, il y a une certaine distance, les personnages existent librement devant nous.
La
représentation s'adresse à la vue et à l'ouïe c'est-à-dire à des sens désintéressés, spirituels, si on les oppose au
toucher qui s'approprie, voire use l'objet.
Mais la représentation en un sens plus précis c'est aussi le fait de rendre sensible un objet absent ou une idée au
moyen d'une image, d'une figure, d'un signe.
Apparaît ici l'idée d'une transposition, d'une existence sur un autre
registre que celui de la perception commune.
On peut justement noter que la beauté qui s'impose à nous dans une
oeuvre d'art n'a parfois aucun rapport avec ce qu'elle représente.
Nous trouvons belle certaine nature morte
représentant des fruits alors que des fruits semblables posés sur une table ne nous inspireraient peut-être même
pas le désir de goûter.
• Enfin vous pouvez remarquer qu'il est question de « belles choses» au pluriel, et de la «belle représentation» des
choses au singulier.
Ce ne sont pas les roses qui sont belles mais la représentation qu'en donne le poète et qu'il
nous fait découvrir.
Et puisqu'il s'agit avec cette question d'étudier le caractère contradictoire de l'expérience
esthétique, cela sera grandement facilité par la connaissance d'une thèse kantienne dont la question posée reprend
sous forme interrogative une affirmation centrale: il n'y a pas de belles choses, il y a seulement une belle
représentation des choses.
Avouons ici que la compréhension exacte du sujet est largement facilitée par la connaissance de la théorie
kantienne du beau et du jugement esthétique, qui est développée dans la première partie de la «Critique de la
faculté' de juger».
Mais vous avez pu comprendre en analysant l'énoncé qu'il est possible sans avoir lu cette oeuvre
de parvenir à une formulation correcte des idées qui donnent tout son sens au sujet.
Ces exemples étaient destinés à vous faire percevoir les difficultés que présentent les énoncés d'apparence simple..
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