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Étudiant le grave problème de la main-d'oeuvre qualifiée, un sociologue contemporain distingue plusieurs conceptions de l'apprentissage. Voici comment il caractérise l'une d'elles : « L'esprit techniciste (c'est-à-dire celui qui envisage les problèmes de

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introduction. — La remise en train de l'industrie, à la suite d'une guerre qui causa tant de bouleversements, tant de destructions et qui suspendit la formation d'un personnel qualifié, puis l'organisation du Marché Commun, posent de graves problèmes. Il faut produire, produire rapidement et abondamment. Or, les hommes compétents manquent autant que les machines et les matières premières. Comment préparer les ouvriers de demain ? Comment organiser l'apprentissage ? Il est de ce dernier une conception techniciste » que nous allons exposer ; ensuite, nous la discuterons. I. — EXPOSÉ A. Le technicisme. - Une technique consiste dans l'ensemble des procédés de production ou, d'une façon plus large, des procédés aptes à obtenir un but pratique déterminé. Ainsi, il y a une technique du fer et une technique du bois, une technique de la prospection des terrains pétrolifères, une technique de la publicité et de la propagande ; il y a aussi une technique de la dissertation, de l'art oratoire, du travail scientifique. Mais, lorsque le terme est employé absolument, il désigne la technique industrielle constituée par l'ensemble des méthodes destinées à obtenir le produit le meilleur possible et le plus économiquement possible. Ainsi, la technique diffère de la science : tandis que celle-ci ne vise qu'à faire comprendre et à faire connaître, la technique est orientée vers l'action et la production. La science consiste dans un savoir ; la technique dans un savoir faire. On entrevoit par là ce que peut être le « technicisme ». Le suffixe -isme, en effet, marque souvent le caractère exclusif d'une théorie qui ne voit qu'un côté des choses : c'est ainsi que s'opposent étatisme ou socialisme et individualisme, classicisme et romantisme, traditionalisme et modernisme... Par suite, le technicisme se caractérise par la tendance, dans l'organisation du travail industriel, à ne tenir compte que des procédés matériels d'exécution ou du moins à les mettre au premier plan de ses préoccupations. L'esprit « techniciste » se préoccupe de préciser rigoureusement comment l'ouvrier doit tenir son outil, quelle doit être l'allure de ses mouvements pour que le rendement atteigne le maximum et que l'ouvrage soit impeccable...; il fait abstraction des intérêts humains et moraux du travailleur, ne le considérant, en tant que technicien, que comme un instrument de production.

« Étudiant le grave problème de la main-d'oeuvre qualifiée, un sociologue contemporain distingue plusieurs conceptions de l'apprentissage.

Voici comment il caractérise l'une d'elles : « L'esprit techniciste (c'est-à-dire celui qui envisage les problèmes de l'industrie sous l'angle exclusivement ou principalement technique) exclut comme superflu, et peu réaliste, l'apprentissage qui relie la culture générale aux connaissances professionnelles.

» Discutez, après l'avoir expliquée, la conception « techniciste » de la formation professionnelle. introduction.

— La remise en train de l'industrie, à la suite d'une guerre qui causa tant de bouleversements, tant de destructions et qui suspendit la formation d'un personnel qualifié, puis l'organisation du Marché C ommun, posent de graves problèmes.

I l faut produire, produire rapidement et abondamment.

Or, les hommes compétents manquent autant que les machines et les matières premières.

C omment préparer les ouvriers de demain ? C omment organiser l'apprentissage ? Il est de ce dernier une conception techniciste » que nous allons exposer ; ensuite, nous la discuterons. I.

— EXPOSÉ A.

Le technicisme.

- Une technique consiste dans l'ensemble des procédés de production ou, d'une façon plus large, des procédés aptes à obtenir un but pratique déterminé.

Ainsi, il y a une technique du fer et une technique du bois, une technique de la prospection des terrains pétrolifères, une technique de la publicité et de la propagande ; il y a aussi une technique de la dissertation, de l'art oratoire, du travail scientifique.

Mais, lorsque le terme est employé absolument, il désigne la technique industrielle constituée par l'ensemble des méthodes destinées à obtenir le produit le meilleur possible et le plus économiquement possible. A insi, la technique diffère de la science : tandis que celle-ci ne vise qu'à faire comprendre et à faire connaître, la technique est orientée vers l'action et la production.

La science consiste dans un savoir ; la technique dans un savoir faire. On entrevoit par là ce que peut être le « technicisme ».

Le suffixe -isme, en effet, marque souvent le caractère exclusif d'une théorie qui ne voit qu'un côté des choses : c'est ainsi que s'opposent étatisme ou socialisme et individualisme, classicisme et romantisme, traditionalisme et modernisme...

P ar suite, le technicisme se caractérise par la tendance, dans l'organisation du travail industriel, à ne tenir compte que des procédés matériels d'exécution ou du moins à les mettre au premier plan de ses préoccupations.

L'esprit « techniciste » se préoccupe de préciser rigoureusement comment l'ouvrier doit tenir son outil, quelle doit être l'allure de ses mouvements pour que le rendement atteigne le maximum et que l'ouvrage soit impeccable...; il fait abstraction des intérêts humains et moraux du travailleur, ne le considérant, en tant que technicien, que comme un instrument de production. B.

L'apprentissage « techniciste ».

— Il est facile dès lors de dire ce que sera un apprentissage organisé dans l'esprit du « technicisme ». Il y aura un apprentissage.

En effet, ce n'est pas tout apprentissage qu'exclut le « technicisme », ainsi qu'on pourrait le croire à une lecture rapide du texte reproduit dans l'énoncé de notre sujet, mais une forme particulière d'apprentissage : celle qui relie la culture générale aux connaissances professionnelles. En effet, un ouvrier spécialiste ne s'improvise pas ; il a besoin d'apprendre son métier, mais le techniciste ne voit pas au-delà de cet apprentissage. C elui-ci consistera uniquement à se familiariser avec les techniques du métier.

Inutile de poursuivre la formation humaine que donne l'étude de la langue, de l'histoire, des sciences : comme il ne s'agit que de préparer de bons producteurs, ce seraient là exercices superflus : ce n'est pas parce qu'il goûtera la poésie symbolique qu'un ajusteur aura un coup de lime plus précis.

Il n'est même pas opportun de relier la culture générale acquise antérieurement aux connaissances professionnelles accumulées à l'époque de l'apprentissage : le temps n'est plus, s'il fut jamais, de philosopher ou de rêver devant son établi ; il faut produire et non penser.

Celui qui rêverait d'ouvriers vivant dans l'atmosphère spirituelle créée par la culture désintéressée du lycée d'autrefois serait bien chimérique et tournerait le dos au réel. II.

— DISCUSSION A.

La valeur de la technicité.

— On ne saurait méconnaître la valeur des efforts faits par les techniciens de l'organisation industrielle pour obtenir du travail humain le meilleur rendement possible. En elle-même, la rationalisation est dans la ligne du progrès.

Elle consiste, en effet, le mot le dit, à mettre plus de raison ou d'esprit dans notre activité matérielle ; elle exige de la part de ceux qui la conçoivent la mise en jeu d'un ensemble fort complexe de qualités intellectuelles.

C eux-là même qui la réalisent peuvent y trouver l'occasion d'un assouplissement profitable. Mais c'est surtout dans ses effets que le progrès de la technique industrielle constitue un progrès tout court : il conditionne en effet l'abondance de la production d'où résultera une élévation générale du niveau de vie et un bien-être sans lequel la vie de l'esprit ne saurait se développer. B.

Les vices d'un apprentissage « techniciste ».

— Le défaut essentiel d'un apprentissage organisé suivant les principes du technicisme » est d'oublier que l'ouvrier ne se réduit pas au producteur.

C 'est aussi un homme qui, en tant que tel, doit rester ouvert aux grands problèmes humains, ce qui suppose une culture générale. Si le « technicisme » allait jusqu'à l'abandon de tout souci de culture générale durant la période d'apprentissage, il prendrait son parti de la déshumanisation de la grande masse des travailleurs industriels.

L'apprentissage, en effet, est une initiation au métier, le noviciat de la profession : on n'y prend pas seulement des tours de main, mais encore un esprit.

Si l'apprenti n'est préoccupé que de sa qualification professionnelle, il sera plus tard un ouvrier sans horizon, concentré sur une tâche minuscule et se rapprochera de plus en plus du robot.

Par suite, il baissera même du point de vue professionnel, devenant incapable des adaptations ou des initiatives qui font l'ouvrier supérieur et de cette « éducation permanente », devenue de plus en plus nécessaire. Le « technicisme » ne va pas ordinairement si loin : aux leçons et aux travaux pratiques ayant pour but la préparation du métier il ajoute des études destinées à continuer la formation générale commencée à l'école, mais sans les lier à la formation professionnelle ; le futur ouvrier des constructions navales écoute le même cours de géographie qu'un professeur du lycée répétera demain devant un auditoire tout autre.

C ette dualité n'est pas bonne pour l'apprenti. En effet, l'essentiel, pour lui, consiste alors dans l'acquisition de l'habileté professionnelle, qui lui vaudra des emplois rémunérateurs.

D'ailleurs, son goût naturel va vers le travail manuel plus que vers les livres de culture générale ; c'est pourquoi il négligera ces derniers et subira dans un ennui passif les cours de culture humaine qu'il ne pourra esquiver.

Une fois les mois d'apprentissage passés, il n'aura même pas l'idée de compléter une culture dont il n'éprouve pas le besoin. Il l'aura d'autant moins que la manière dont cet enseignement est distribué lui donne l'impression qu'il n'est pas fait pour lui : l'histoire littéraire ou politique, les problèmes scientifiques ou sociaux, c'est bon, pensera-t-il, pour les élèves des lycées ou des facultés qui se destinent à des professions dans lesquelles ce savoir est utile : pour lui, il reste complètement en marge de sa vie. A ussi cet enseignement sera-t-il complètement négligé.

C eux qui l'ont mis au programme auront cru faire beaucoup pour élever le niveau intellectuel du futur ouvrier.

En fait, le résultat sera à peu près nul. Conclusion.

— P our éviter le technicisme de la formation professionnelle, le moyen le plus efficace semble d'organiser les enseignements de culture générale autour de l'apprentissage du métier.

« Les travaux à l'établi et à la machine fournissent de nombreuses occasions pour expérimenter les règles et les lois de la géométrie, de la mécanique et de la technologie.

De même, les questions posées par le métier peuvent servir de bases à un grand nombre d'opérations et de problèmes d'arithmétique...

Elles débutent par l'étude de la région, l'influence de son climat, de sa situation, de ses voies d'accès et de ses ressources sur les métiers régionaux », etc.

A insi, tout en formant le travailleur d'une profession, on peut maintenir à l'esprit cette ouverture qui fait l'homme.. »

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