Etre soi-meme, cela a t il un sens?
Publié le 24/12/2024
Extrait du document
«
« Être soi-même », cela a-t-il un sens ?
.« Faites comme chez vous ! » dit l’hôte à ses invités.
Mais combien d’entre nous
oseraient réellement agir comme s’ils étaient « chez eux » ? Rentrer chez l’hôte, l’autre,
c’est accepter de sortir de soi et d’entrer dans une mise en scène où chaque geste est
influencé par des règles implicites.
« Le monde est un vaste théâtre », affirmait alors
Shakespeare : une scène universelle où chacun porte un masque et interprète son rôle.
Dans ce contexte, « être soi-même », cela a-t-il un sens ? Une expression souvent vue et
entendue à travers nos écrans et au sein de nos discussions avec nos proches, mais tout
autant détournée pour être synonyme d’affirmation du « petit moi » narcissique et égoïste.
Pourtant, derrière cela se cache une des préoccupations philosophiques les plus
anciennes : la vérité sur soi, une vérité qui ne peut se réduire à cette illusion qu’est le
repli sur son « petit moi ».
Mais cette vérité est-elle envisageable ? « Être soi-même », est-ce un idéal atteignable ou
voué à l’échec ? D’un côté, cette expression a effectivement un sens rationnel, ancré
dans l’idée d’une essence personnelle unique qu’il faut chercher à découvrir et à
exprimer.
Cependant, divers facteurs tendent à empêcher d’ « être soi-même » et
d’atteindre cette vérité sur soi.
Enfin, comment nous est-il possible d’être nous-mêmes
alors que, paradoxalement, nous changeons constamment à travers notre évolution et
notre devenir ?
.Être soi-même » constitue avant tout une expression pourvue d’un sens rationnel,
c’est-à-dire logique et, par principe, opposé à l’absurde.
L’une des raisons les plus
évidentes réside dans le fait que je ne peux être moi-même et un autre, je suis quoiqu’il
arrive la même personne.
Effectivement, il m’est impossible d’être autre que ce que je
suis, et il convient alors d’être moi-même car cela engage une vérité sur ma personne.
Même fou, je continue à être moi-même, car on trouve au-delà de ma démence des traits
de ma personnalité qui demeurent inchangés.
Ainsi, une personne développant des
troubles mentaux, tels que la schizophrénie par exemple, est toujours reconnu par ses
amis ou sa famille.
Ses goûts, son physique, son sens de l’humour, ses passions ou
encore ses valeurs les plus intimes prennent le dessus sur sa maladie, et il n’est pas
considéré comme un autre auprès de ses proches.
Dès lors, « être soi-même » renvoie
d’abord à une notion d’essence de l’être : c’est ce que je suis vraiment, ce qui fait que je
suis ce que je suis.
.Il m’est nécessaire, pour trouver ce moi véritable, de me découvrir et de chercher
en moi-même ce que je suis de façon à vivre conformément à ma véritable valeur.
Pour
ce faire, j’exerce la raison en me pensant comme objet.
Grâce à ma conscience, plus
particulièrement ma conscience théorique qui m’offre la faculté de penser et de connaître,
il m’est possible d’effectuer une expérience de dédoublement ou je me pense au même
titre qu’un objet extérieur.
Tant que je pense, je suis moi-même.
Et cela est bien ce
qu’avance le philosophe révolutionnaire des temps modernes, René Descartes, en
trouvant la première vérité indubitable de ses Méditations Métaphysiques, le « cogito,
ergo sum » : je suis, j’existe, puisque je pense.
Prenons le cas d’une artiste décidant de
se conformer aux attentes de son public et de créer des œuvres non pas par passion,
mais par volonté de plaire.
Au fil du temps, cette dernière commence à se questionner en
exerçant sa raison et en se plaçant comme objet de penser, et réalise alors ses vrais
plaisirs artistiques qui lui permettent de s’épanouir pleinement en créant des œuvres
authentiques qui la reflète réellement.
.Je m’efforce donc d’ « être moi-même » dans une quête rationnelle vers
l’authenticité qui me permet de m’éloigner du mensonge social, où règne l’obsession de
plaire, pour ainsi m’épanouir hors de l’assujettissement au regard de l’autre et de ses
opinions, et m’avancer vers la vertu.
Cette révolution qu’est l’authenticité est représentée
avec excellence par le philosophe des Lumières : Rousseau.
Pour ce dernier, cette
authenticité repose dans une certaine sincérité, une « vérité du cœur ».
Il faudrait alors
écouter et suivre sa conscience comme un guide infaillible, sans se laisser influencer par
les attentes sociales.
Le philosophe valorise alors une transparence des plus totales
envers soi-même, ou seule la conscience, plus précisément la conscience morale, est le
juge du bon ou du mauvais.
Rousseau prône également un retour à une « nature
originelle », non corrompue, dans laquelle l’individu peut se reconnecter avec une part de
lui-même, perdue à cause de l’exigence de la civilisation.
Ce « retour à la nature » veut
alors un rejet total de cette civilisation, qui déforme l’individu en lui imposant des valeurs
artificielles.
En un sens, cela est une forme d’ipséité, c’est-à-dire de fidélité à soi-même et
aux autres.
C’est alors à partir de ces idées que l’on connaît le mode de vie de
l’ « ermite », vivant isolé dans la nature afin de se reconnecter avec une part perdue de
soi, ou par conviction religieuse.
Pensons par exemple au philosophe américain du XIXe
siècle, Henry David Thoreau.
Pour lui, il n’y a aucune loi plus sacrée que celle de la
nature.
Il publie alors en 1854 le récit Walden, ou la vie dans les bois.
Toutefois, cette
vision d’écart et de rejet de la civilisation de Rousseau connait des limites et peut être
critiquée puisque, bien que prônant l’authenticité et l’indifférence au regard des autres, il
semble préoccupé par sa propre image, sa démarche d’exposer sa sincérité le rendant
soucieux de la manière dont il est perçu.
.Si « être soi-même » s’apparente être source d’une essence personnelle unique de
l’être, atteignable par une quête rationnelle vers l’authenticité et de compréhension de
notre moi véritable, de multiples éléments peuvent m’empêcher d’atteindre cet objectif.
Comme l’a expliqué Rousseau, le facteur principal qui freine mon accès à l’idéal qu’est
l’authenticité est la civilisation, ou, en d’autres termes, la société dans laquelle j’évolue.
En effet, je suis forcé à m’adapter à des conduite attendues par les autres,
conformément à mon rôle dans la société : les conduites normatives.
Ces conduites
m’entrainent à ressentir un sentiment d’aliénation, à savoir d’asservissement aux
différentes contraintes extérieures créées par ces dernières.
Ce phénomène a été
longuement étudié et mis en avant par des sociologues tels que Emile Durkheim, le père
fondateur de la sociologie moderne, dans ses Règles de la méthode sociologique en
1895, ou Pierre Bourdieu dans La Distinction : Critique sociale du....
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