Etre libre est-ce ne se soumettre a rien ?
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«
[Introduction]
L'absence de contraintes définit-elle la liberté ? N'être soumis à aucune autorité, aucune obligation, aucune règle
est-ce être libre ? Soyons attentif à la formulation du sujet : il ne demande pas si être libre, c'est n'être soumis à
rien, mais si être libre, c'est ne se soumettre à rien.
La différence de formulation est importante.
Dans la première
formulation, il y a une réaction à quelque chose d'extérieur ; dans la seconde formulation, le sujet est d'emblée actif
: il refuse de l'intérieur la soumission.
On est soumis à, on se soumet ou on ne se soumet pas à : l'un réagit, l'autre
agit.
Cette précision faite, essayons de répondre à la question posée.
[I.
Être libre, est-ce n'avoir aucune contrainte?]
Le sens commun définit la liberté comme le pouvoir de faire ce qui plaît, de se libérer de toutes les contraintes qui
pèsent sur notre vie, qu'elles soient familiales, politiques, sociales.
N'être soumis à rien semble donc un signe de
liberté.
Certes, ne pas être soumis à un travail harassant, au chômage, à la maladie, ne pas être emprisonné, avoir
une vie confortable, etc., sont le signe manifeste d'une certaine liberté face aux contingences matérielles.
Mais
peut-on vivre en ne se pliant à rien ? L'ermite qui vit solitairement et refuse de se soumettre à la vie en société, le
passionné qui satisfait sa passion et refuse d'agir raisonnablement, le révolté qui refuse les lois, sont-ils libres ?
En fait, le débat sur la liberté est un débat sans fin puisque certains philosophes posent la liberté comme l'essence
même de l'homme (cf.
Rousseau, Sartre), alors que d'autres nient la possibilité de cette liberté, du libre arbitre (cf
les stoïciens, Spinoza).
C'est pourquoi il faut préciser ici que la question de la liberté ne se pose que dans sa relation
politique, au sens large, et morale à l'homme.
Il s'agit davantage des libertés que de la liberté métaphysique.
Car il ne suffit pas de vouloir être libre, il faut accepter les conséquences de cette liberté.
Il y a en effet un prix à
payer pour la liberté, en termes de risque, de dévouement, et très souvent il y a refus de payer le prix social,
civique, économique de la liberté.
Ceux qui pensent être libres en ne se soumettant pas aux lois de la société, se
soumettent cependant à leurs propres règles, et reproduisent de manière plus violente les lois qu'ils refusent, faisant
abstraction du «vivre ensemble ».
Il sont donc bien soumis à quelque chose et non pas à rien.
Il semble impossible
de vivre sans être soumis à quelque chose.
Qu'est-ce alors qu'être libre, si la liberté humaine ne peut jamais être
absolue ?
[II.
À quelles conditions est-on libre?]
S'il est impossible d'être libre absolument, c'est-à-dire de n'avoir aucune
contrainte, qu'est-ce qu'être libre ?
Nous comprenons bien qu'en tant qu'être biologique nous devons nous plier
aux lois de la nature.
Naître ici, dans ce pays, parler une langue plutôt qu'une
autre, vivre en démocratie, toutes choses que l'on n'a pas choisies en venant
au monde.
C'est en côtoyant les autres que nous découvrons la liberté, que
nous l'expérimentons.
En tant qu'être doué de raison, qu'est-ce qu'être libre ?
Rousseau écrit dans Le Contrat social que « l'obéissance à la loi qu'on s'est
prescrite est liberté ».
C'est le contraire de la liberté définie comme absence
de contraintes.
On oppose communément la liberté à la loi.
Se soumettre à la loi, ce serait ne
pas ou ne plus être libre.
Mais n'obéir à aucune loi, serait-ce être libre ? Mais
il faut s'entendre sur le terme liberté et sur le terme loi..
Il y a un premier sens du mot libre qui est négatif : être libre c'est ne pas être
empêché de faire ce qu'on a envie de faire.
On emploie le terme libre dans ce
sens à propos des choses comme à propos des hommes : retirer d'un chemin
les arbres qui font obstruction, c'est libérer le passage, ne pas retenir un
oiseau dans sa cage, c'est le laisser libre de s'envoler, ne pas empêcher
quelqu'un de s'étendre sur le gazon d'un jardin public, c'est le laisser libre de
le faire.
Toute loi comporte des interdictions.
Dès lors toute loi réfrène la
liberté, prise en ce sens négatif.
C'est le seul sens que Hobbes donne au mot
liberté.
Selon Hobbes, dans l'état de nature, chacun est empêché à tout moment, dans ses mouvements et ses
entreprises, par autrui qui est virtuellement son ennemi.
Mais les lois d'un Etat - institué en vue justement de mettre
fin à cet état de guerre qu'est l'état de nature - empêchent les individus de se nuire les uns aux autres.
L'autre sens du mot liberté n'est réservé qu'à l'homme, et caractérise ce que Kant appelle l'autonomie : obéir, à la loi
dont on est, en tant qu'être raisonnable, l'auteur, ou encore, obéir à sa propre raison.
Obéir à sa raison, c'est être
pleinement responsable de sa conduite.
Etre libre, c'est s'obliger soi-même à une conduite raisonnable, s'interdire
certains débordements, en un mot c'est obéir à la loi qu'on s'est prescrite.
La loi peut s'entendre ici dans un sens moral, comme dans un sens politique.
Autrement dit, les obligations
auxquelles on se soumet volontairement et librement (alors qu'on subit bon gré malgré une contrainte) sont morales,
ou bien civiques.
C'est dans ce sens-ci d'obligation civique que Rousseau l'entend d'abord.
Rousseau dans le Contrat
Social jette les bases d'un Etat dont les lois constituent des obligations et non des contraintes : car c'est le peuple
souverain, plus exactement la volonté générale (selon la règle de la majorité) qui décide des lois.
Ainsi chacun
d'entre nous, en tant que citoyen, est libre parce qu'il se soumet aux lois dont il est l'auteur, en tant que membre
de la volonté générale..
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