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ÊTRE LIBRE EST CE NE PAS CONNAÎTRE CE QUI NOUS DETERMINE

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« L'homme, comme le dirait Rousseau dans la Profession de foi du vicaire savoyard, a le sentiment intime de sa propre liberté : l'on se sent libre dès lors que l'on prend conscience de sa propre conscience.

Prendre conscience de soi et de sa propre activité d'être pensant, c'est donc avoir le sentiment irréductible de la structure inconditionnée de son propre être, qui ne dépend pas des choses extérieures au moi s'atteignant lui-même.

Or, un acte ne peut être dit libre que s'il est effectif, et dans son effectivité, cet acte peut toujours être expliqué, c'est-à-dire que l'on peut toujours reconstituer a posteriori une chaîne causale ayant déterminé cette action prétendue libre.

Ainsi, la liberté ne procèderait pas d'une connaissance de soi, mais bien d'une ignorance de ce qui n'est pas soi et qui détermine tout ce qui constitue le Moi.

Mais la liberté procède-t-elle d'une connaissance rationnelle, ou bien d'un sentiment intime irréductible à tout raisonnement ou à toute démonstration possible ? Connaître ce qui nous détermine nous empêche-t-il d'être libre ? La liberté, en ce sens, excède-t-elle le déterminisme connaissable ? I.

Etre libre, c'est ne pas connaître les causes extérieures qui nous déterminent : la perspective spinoziste Chez Spinoza, la liberté est une illusion, en tant qu'il conçoit un déterminisme universel qui comprend le Moi lui-même, qui est pris dans le même réseau de causalité que le reste de l'univers.

Se sentir libre, chez Spinoza, c'est ignorer quelles sont les causes qui déterminent mon acte présent ; ainsi, malgré mon sentiment intérieur, il est possible, par la raison, de démystifier ce sentiment par une démonstration des chaînes causales objectives qui déterminent mon être pensant.

Il n'y a donc pas de rupture ontologique entre le Moi et le monde : il y a une même continuité (monisme), donc un même déterminisme universel. Le rationalisme cartésien nous montre déjà qu'une volonté infiniment libre, mais privée de raison, est une volonté perdue.

Plus nous connaissons, plus notre liberté est grandie et fortifiée.

Si nous développons notre connaissance au point de saisir dans toute sa clarté l'enchaînement rationnel des causes et des effets, nous saisirons d'autant mieux la nécessité qui fait que telle chose arrive et telle autre n'arrive pas, que tel phénomène se produit, alors que tel autre ne viendra jamais à l'existence.

Pour Spinoza, une chose est libre quand elle existe par la seule nécessité de sa propre nature, et une chose est contrainte quand elle est déterminée par une autre à exister et à agir.

Au sens absolu, seul Dieu est infiniment libre, puisqu'il a une connaissance absolue de la réalité, et qu'il la fait être et exister suivant sa propre nécessité.

Pour Spinoza et à la différence de Descartes, la liberté n'est pas dans un libre décret, mais dans une libre nécessité, celle qui nous fait agir en fonction de notre propre nature.

L'homme n'est pas un empire de liberté dans un empire de nécessité.

Il fait partie du monde, il dispose d'un corps, d'appétits et de passions par lesquelles la puissance de la Nature s'exerce et s'exprime en nous, tant pour sa propre conservation que pour la nôtre.

Bien souvent nous croyons être libres, alors que nous ne faisons qu'être mus, par l'existence de causes extérieures : la faim, la pulsion sexuelle, des goûts ou des passions qui proviennent de notre éducation, de notre passé, de notre culture.

Nul homme n'étant coupé du milieu dans lequel il vit et se trouve plongé, nous sommes nécessairement déterminés à agir en fonction de causes extérieures à notre propre nature.

"Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs, et ignorants des causes qui les déterminent." II.

Mais la conscience de la détermination naturelle ne procède pas d'une quelconque connaissance rationnelle, qui constitue le même genre d'illusion que la croyance en la liberté Chez Nietzsche, la liberté est une fiction forgée par la Volonté de puissance présente dans la nature pour tromper le Moi.

Nos choix sont intégralement déterminés par les forces obscures du Soi, qui contiennent les raisons cachées de notre activité.

Ainsi, la volonté apparemment libre de rechercher rationnellement la vérité, chez le philosophe, constitue selon Nietzsche une illusion forgée par la Volonté de puissance pour se retourner contre elle-même.

Être libre procède donc de la même illusion qu'user de sa raison : il s'agit toujours de croire en une volonté libre, pour le philosophe, d'accéder à la vérité, alors même que celle-ci n'existe pas et qu'elle constitue une illusion forgée par la Volonté de puissance, sorte de puissance naturelle qui excède et fonde toute rationalité et toute conscience libre de soi possibles.

Nietzsche radicalise donc le discours de Spinoza en le retournant contre lui-même. ietzsche: Erreur du libre arbitre.

- Il ne nous reste aujourd'hui plus aucune espèce de compassion avec l'idée du « libre arbitre : nous savons trop bien ce que c'est - le tour de force théologique le plus mal famé qu'il y ait, pour rendre l'humanité « responsable à la façon des théologiens, ce qui veut dire : pour rendre l'humanité dépendante des théologiens...

Je ne fais que donner ici la psychologie de cette tendance à vouloir rendre responsable.

Partout où l'on cherche des responsabilités, c'est généralement l'instinct de punir et de juger. »

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