Etre libre est-ce être indifférent ?
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Introduction
Au sens vernaculaire du terme, « être indifférent » signifie soit n'éprouver ni affection ni répulsion pour un objet, au
sens où l'on peut être indifférent à quelqu'un, soit n'avoir aucune préférence pour une alternative ou une autre d'un
choix possible.
On peut alors considérer comme étrange d'affirmer qu'être libre serait être indifférent, dans la mesure
où l'on ne voit pas en quoi avoir des préférences, qu'elles soient rationnelles ou non, pour quelque chose contredirait
la liberté.
Mais ne peut-on soutenir que les passions empêchent l'âme d'exercer librement ses décrets, l'assujettissant ainsi au
corps ? Dès lors, être indifférent ne permettrait-il pas d'atteindre à cette « liberté du sage » définie par certains
courants de la philosophie antique, tels que le stoïcisme ou le scepticisme, comme ataraxie (absence de troubles) ?
Ou faut-il soutenir au contraire que l'indifférence ne marque pas tant un triomphe de la volonté sur le corps et les
passions qu'elle « fait plutôt paraître un défaut dans la connaissance qu'une perfection dans la volonté », comme
l'affirme Descartes dans la IVe Méditation métaphysique ?
Première partie
- Selon les sceptiques, l'epokhê (concept d'origine stoïcienne) désigne la suspension de l'assentiment qu'on atteint
en opposant deux jugements contraires l'un à l'autre, permettant ainsi un équilibre de ces jugements opposés tel
qu'on ne soit porté de préférence ni vers l'un, ni vers l'autre.
En ce sens, l'epokhê est pour les sceptiques un moyen
privilégié d'atteindre l'ataraxie, état où l'on n'éprouve ni plaisir ni peine (Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhonniennes,
livre I, 4 [8]).
L'indifférence du jugement permet donc, pour le scepticisme, d'atteindre un état de bonheur véritable
et témoigne de la « liberté du sage » envers les événements mondains.
- Le terme grec « Epokè » (arrêt, suspens) est spécifique à la philosophie des Sceptiques antiques, dont le
fondateur est Pyrrhon d'Elis (365-275 av.
J-C).
Ce n'est pas une remise en cause du monde extérieur.
Elle met
simplement en doute l'exactitude des représentations.
L'Epokè est un véritable suspens, une interrogation infinie
dans la recherche de la vérité.
Ce n'est pas un arrêt de la recherche, mais un refus de se prononcer sur la nature
d'une chose.
L'expression sceptique « ou mallon » désigne qu'une chose n'est pas plus ainsi qu'autrement.
Le
sceptique fait dès lors un aveu d'impuissance face à la contrariété que l'esprit ne peut pas dominer.
Comme on ne
peut pas décider, on se réduit à l'indifférence.
Et le résultat fondamental de ce mode de penser et de vivre est
l'ataraxie, ou absence de troubles, permettant à l'esprit d'être totalement en repos, et non plus inquiété par les
contradictions qui jalonnent le savoir et le monde.
- Le scepticisme utilise la raison pour la dénoncer.
Elle utilise les armes de ses adversaires (la raison dogmatique)
pour les retourner contre eux.
En montrant la permanence de la contradiction, la méthode sceptique purifie la raison
de toute prétention dogmatique, de tout préjugé propre à la spontanéité de l'esprit humain.
Toute la force du doute
réside dans la présentation de l'impuissance de l'homme à déterminer la vérité d'une chose.
Et c'est là toute la
critique des sceptiques envers les philosophes dogmatiques.
Il faut prendre « la vie pour guide non philosophique »
(Sextus Empiricus, Contre les Moralistes, 165).
Ainsi l'action elle-même ne peut être soumise au doute.
C'est l'idée
qu'introduira au 17e siècle Descartes, quand il affirmera que « nous ne devons point user de ce doute pour la
conduite de nos actions » (Principes de la philosophie, I, 1 et I, 3).
Pascal dira de son côté que « le pyrrhonisme est
le vrai », puisque l'intérêt du scepticisme pour lui c'est de forcer la raison à s'humilier (permet à Pascal de fortifier la
foi).
- critique du doute sceptique : le doute sceptique aurait pour conséquence une misologie (haine de la raison)
fondamentale.
La misologie est un danger pour la philosophie (Platon, Phédon, 89d) : le misologue représente une
personne qui renie la raison toute entière puisque déçue par quelques raisonnements.
En Métaphysique gamma,
Aristote compare les sceptiques à des légumes.
Car étant dans l'incapacité de décider, ils restent dans un état
végétatif.
Le sceptique illustre le mieux le plaisir de la recherche intellectuelle dans son infini examen de la raison : «
Je vais parler, mais sans rien affirmer ; je chercherai toujours, doutant le plus souvent et me défiant de moi-même »
(Cicéron, De Divinatione, II, 3).
- Mais l'indifférence peut aussi être considérée d'un point de vue négatif.
Ainsi, dans la IVe Méditation
métaphysique, Descartes qualifie la « liberté d'indifférence » de « plus bas degré de la liberté ».
Selon lui, celle-ci
témoigne de l'état d'indécision de la volonté dans laquelle elle se trouve plongée suite à la capacité finie de
l'entendement, qui ne parvient pas à connaître le bien et le vrai.
Dès lors, cette « liberté d'indifférence » « fait
plutôt paraître un défaut dans la connaissance qu'une perfection dans la volonté ».
Etre indifférent, en ce sens,
n'est pas être véritablement libre.
Seconde partie
- Faut-il dire alors que, loin de marquer la maîtrise de la volonté, l'indifférence est la marque du caractère fini de
notre entendement ? Cependant, même chez Descartes cela n'est pas évident, car il faut distinguer d'une part une
indifférence négative, telle que décrite ci-dessus, et une indifférence positive, qui marque elle, au contraire, le
caractère infini de la volonté et la capacité à choisir librement le bien ou le mal.
Ainsi, si l'entendement incline la
volonté, de sorte que l'indifférence au sens négatif témoigne du « plus bas degré de la liberté », la volonté peut en.
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