Être heureux, est-ce ne rien désirer?
Extrait du document
«
Analyse du sujet :
Le sujet lie désir et bonheur.
Il faut s'interroger sur ce lien.
Le bonheur est une quête que vise tout être humain, on pourrait le définir comme un état de satisfaction complète.
Cependant, sa définition reste très
énigmatique, si bien que l'on peut penser, à l'instar de Kant, qu'il n'est qu'un idéal, inaccessible.
Désirer est une activité propre à l'homme.
Elle est la conscience d'un manque que l'on souhaiterai combler.
Le manque étant cause de souffrances, on
pourrait être amené à penser que l'absence de désir serait absence de souffrance, et mènerait donc au bonheur.
Néanmoins, cela paraît tout de même insuffisant, voire impossible à obtenir, car tout désir appelle un autre désir, nous sommes toujours en manque.
Proposition de plan :
I ] L'ataraxie peut être une définition du bonheur :
« Le bonheur ne consiste pas à acquérir ni à jouir, mais à ne rien désirer, car il consiste à être libre.
» Epictète à Le désir rend prisonnier car il aliène celui
qui le ressent, et qui oriente sa vie ans la quête du moyen d'assouvir son désir.
Pour être libre, il faut donc ne plus désirer.
Une fois affranchis de ces désirs
qui empêchent l'esprit de s'épanouir, nous pourrons être heureux.
La théorie épicurienne du bonheur repose sur l'ataraxie, c'est-à-dire l'absence de peine ou de douleur.
Or, pour lui, il convient de se détacher de certains
désirs qui ne mènent qu'à des frustrations et donc des souffrances.
En pensant que réaliser ces désirs inutiles nous nous rendrons heureux, nous nous
fourvoyons et serons forcément frustrés et donc malheureux.
Il n'est pas aussi abrupte qu'Epictète dans ses propos car pour lui, il convient de bien
distinguer les désirs nécessaires et naturels (qui correspondent en fin de compte à des besoins) des autres.
Les premiers doivent être assouvis, les autres
non car ils ne mènent pas au bonheur.
Sigmund FREUD / Le malaise dans la culture (1930) / Quadrige PUF 1995 « Ce qu'on appelle bonheur au sens le plus
strict découle de la satisfaction plutôt subite de besoins fortement mis en stase et, d'après sa nature, n'est possible
que comme phénomène épisodique.
» à Le bonheur ne serait donc qu'une satisfaction momentanée d'un désir.
Il
manque à cette définition une notion essentielle à l'idée de bonheur : celle de durabilité.
En effet, un bonheur éphémère
ne saurait être un vrai bonheur, mais seulement une satisfaction.
Transition : Le problème de ces théories du bonheur comme absence de désir repose sur un dilemme : comment pouvonsnous ne plus désirer ?
II ] Il est impossible de ne plus désirer, est-il impossible d'atteindre le bonheur ?
Nous sommes constamment en état de désir car constamment en manque de quelque chose.
Nous ne pouvons pas ne
pas désirer car cela fait partie intégrante de notre nature d'être humain.
"Tant qu'on désire on peut se passer d'être heureux ; on s'attend à le devenir : si
le bonheur ne vient point, l'espoir se prolonge et le charme de l'illusion dure autant
que la passion qui le cause." Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, 1761.
à Le
bonheur serait l'illusion de l'absence de désir.
Or, une fois un désir comblé, en
survient toujours un autre.
Le bonheur en tant qu'absence de désir est une
illusion, une attente et existe comme tel.
"Le concept du bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu'a
tout homme d'arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement
il veut et il désire...
Le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l'imagination." Kant, Fondements de la
métaphysique des moeurs, deuxième section.
à cet état de satisfaction complète qui distingue le bonheur du plaisir des
sens parce qu'il est toujours accompagné de la certitude de durer semble si difficile à définir qu'on peut le considérer
avec Kant comme un idéal de l'imagination plutôt que comme une fin susceptible d'être rationnellement recherchée.
Si
l'on ne peut définir le bonheur, on ne peut pas l'atteindre.
Il existe seulement dans notre imagination.
III ] Insuffisance d'une définition négative du bonheur :
Il nous est pourtant impossible de considérer le bonheur comme une simple illusion, car il est en effet le moteur de nos
choix.
L'eudémonisme ancien prétend faire du bonheur le souverain bien, la fin dernière de notre activité qu'il
dépendrait de nous de pouvoir atteindre.
(cf Ethique à Nicomaque, Aristote, sur le concept du souverain bien).
D'autre part, nous ne pouvons pas nous contenter de dire que le bonheur est l'absence de désir, car nous n'en aurions
alors qu'une définition négative.
Cela reviendrait à définir la paix comme un état de non guerre : nous ne savons pas pour autant ce qu'est la paix.
Nous
devons réclamer une définition positive de ce qu'est le bonheur, même si elle est impossible à obtenir : ce doit être une exigence morale.
C'est à chacun d'entre nous de définir ce qu'est le bonheur.
C'est sans doute une des voies qui mènent à la sagesse.
Quand bien même nous ne saurions
jamais ce que signifie exactement pour nous « le bonheur », y tendre est déjà, en un certain sens, y toucher.
Conclusion :
Certes, les désirs sont source de souffrance et de frustration puisqu'ils sont le reflet d'un manque, d'une nostalgie de ce qu'on a eu et que l'on n'a plus.
Ils
sont l'expression de la tragédie de l'irréversibilité du temps qui passe.
Pourtant, il nous est impossible de dire que l'absence de désir est le bonheur.
Certes,
ne plus désirer nous amènerait une certaine paix, mais une paix plate, sans relief, une absence de tout.
Or, le vide ne peut pas être le bonheur, qui doit être
au contraire un épanouissement, un sentiment de plénitude intérieure.
De plus, prétendre à un bonheur de cette sorte reviendrait d'entrée à admettre que le
bonheur est une quête sans fin et vaine.
Quand bien même ce serait le cas, nous ne pouvons pas l'admettre pour nous car la quête du bonheur est un moteur
essentiel dans notre vie, un moteur qui motive nos actions et nos choix, alors nous devons le tenir pour accessible..
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