Etienne Nicolas Méhul
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Etienne Nicolas Méhul
1763-1817
Méhul naquit le 22 juin 1763 à Givet, bourg perdu des Ardennes qu'un anonyme du XVIIe siècle nous décrit comme le "séjour de la misère
et de ses enfants".
C'est auprès des religieux de son pays que le futur auteur de Joseph reçut sa première éducation musicale.
Un certain
Père Hanser, musicien de valeur, semble-t-il, avait fondé non loin de Givet, à l'abbaye de Laval-Dieu, une petite école de musique.
Méhul
y fut admis et y poursuivit ses études six ans durant.
Peu s'en fallut d'ailleurs que son séjour en cette paisible retraite ne devînt définitif
et que le musicien n'entrât dans l'ordre des Prémontrés auquel se rattachait la communauté de ses maîtres.
Méhul n'avait pas seize ans lorsque à l'automne de 1778 il se rendit à Paris.
La vie musicale de la capitale française était alors dominée
par la puissante figure de Gluck et c'est tout naturellement par elle que l'ambition du jeune musicien fut d'abord fascinée.
L'un des
premiers biographes de Méhul, Eugène de Planard, nous a laissé de la rencontre de celui-ci avec l'auteur d'Alceste un récit romanesque et
quelque peu fantaisiste.
Quoi qu'il en soit, c'est très probablement sur le conseil de Gluck que Méhul s'en fut trouver un musicien
strasbourgeois, Edelmann, auteur des premières transcriptions pour clavecin des Oeuvres de Gluck.
Sous l'influence d'Edelmann, Méhul
produisit les premières compositions que l'on connaisse de lui, des sonates pour piano à côté desquelles il convient de mentionner une
Ode sacrée sur un texte de J.-B.
Rousseau dont l'audition très favorablement accueillie au Concert spirituel révéla son nom au public.
Cependant, de 1782, époque à laquelle parurent les sonates et l'ode de Rousseau jusqu'à 1788, Méhul observa un silence absolu.
Bien
qu'il eût remporté en 1786, lors d'un concours de poèmes lyriques destinés à l'Académie royale, une médaille pour la musique de Cora
(livret de Valadier), ce n'est qu'en 1790 que Méhul se décida à affronter la scène en donnant Euphrosine et Conradin.
L'éclatant succès de
cette Oeuvre et la considération qu'en retira le musicien eurent sur son talent et sur son caractère les plus heureux effets.
Il y puisa une
confiance et un enthousiasme au travail que ne put affaiblir la faveur très inégale avec laquelle furent reçus les ouvrages qui suivirent.
Le
livret d'Euphrosine était dû à la plume d'Hoffmann, l'auteur des Rendez-vous bourgeois.
La collaboration de ce talent aimable et fécond
s'avéra heureuse encore, lorsque deux ans plus tard, le Théâtre Favart créa Stratonice, un acte d'une belle venue et certainement l'une
des partitions les plus intéressantes de Méhul.
Les poèmes d'Arnaud et de Legouvé qui devaient fournir la matière des Oeuvres suivantes sont en revanche d'une telle médiocrité qu'il
n'en est à peu près pas une dont on puisse dire qu'elle eut du succès.
De 1793 à l'automne de 1799 toute une série de pièces voient le
jour qui à peine parues, sont aussitôt abandonnées.
Tel est le sort d'Horatius Coclès, de Mélidore et Phrosine, de Doria, de la Caverne et
du Jeune Henri dont l'ouverture fut fort applaudie mais dont le livret devenu absurde par le fait de remaniements dus à des raisons
politiques, fut proprement sifflé.
Cette période de l'activité créatrice de Méhul offrirait un tableau fort sombre, si nous n'avions à y situer la composition de plusieurs pages
d'inspiration civique et patriotique — le célèbre Chant du départ entre autres — dont les poèmes lui furent généralement fournis par MarieJoseph Chénier.
Reconnaissante envers le musicien qui avait su mettre sa lyre au service de la patrie en danger, la République l'associa à
l'entreprise naissante du Conservatoire en le nommant au nombre des cinq inspecteurs de cette institution.
C'est vers cette époque
également que Méhul, devenu très mondain, fréquente les salons de La Réveillère et des Récamier et se lie avec Gossec, Jadin,
Boieldieu, Cherubini et Rouget de l'Isle.
Reprenant la collaboration avec Hoffmann, Méhul donne en 1799, à l'Opéra, Adrien, une Oeuvre dont la composition remontait à 1792
mais que son sujet avait fait proscrire par la censure révolutionnaire, puis Ariodant où l'on se plut à retrouver la qualité d'inspiration qui
avait fait l'attrait d'Euphrosine.
D'Ariodant à Joseph, s'étend une période dont il faut malheureusement reconnaître qu'elle n'est guère
moins décevante que celle qui suivit Stratonice.
On y relève cependant une réussite dont l'histoire ne manque pas de piquant, c'est le petit acte intitulé l'Irato.
Dédiée au Premier Consul
qui en aurait inspiré l'idée au compositeur, cette partition écrite dans le goût italien fut donnée au théâtre Feydeau sans nom d'auteur.
Grande fut la confusion de ceux qui avaient coutume de reprocher à Méhul l'excessive gravité de sa musique, lorsque à la fin de la
représentation le nom de l'auteur de cette alerte comédie-parade fut proclamé.
Le genre bouffe n'était cependant pas naturel au génie de
Méhul, l'échec d'Une Folie (1802) en fournit la preuve.
Avec Joseph (1807), Méhul atteint soudain au sommet de son art.
La douceur et la simplicité du sujet semblent avoir éveillé chez le
musicien une inspiration dont la pureté et la noblesse ne se retrouvent que par éclairs dans le reste de son Oeuvre.
C'est pourquoi M.
Henri de Curzon a pu écrire avec raison que Méhul restait "l'auteur d'un chef-d'Oeuvre, un seul, mais unique en son genre, mais sans
rival..."
Ce que fut la production postérieure à Joseph, Cherubini, dans la remarquable notice qu'il consacra à Méhul, le laisse clairement entendre.
"Cet ouvrage, écrit-il à propos de Joseph, est le chant du cygne, car à l'avenir nous n'aurons plus de lui que des travaux qui annoncent
que sa santé, atteinte d'un mal sans remède, qui le minait depuis longtemps, s'affaiblissait par degrés, ainsi que son génie."
Les dernières années de Méhul furent en effet assombries par la maladie, à quoi il faut ajouter une gêne pénible pour un homme dont la
carrière avait été relativement facile.
Sa disposition à la mélancolie trouva de nouveaux motifs à s'accentuer lorsque vint la chute de
l'Empire.
Le musicien, dont la vie conjugale n'avait pas été heureuse et qui, même aux jours les plus brillants de sa carrière, semble avoir
toujours souffert d'un "complexe d'échec" (le choix régulièrement malheureux de ses librettistes est significatif à cet égard) finit ses jours
dans un état de découragement total.
Un discours prononcé sur la tombe de Grétry, en 1813, le laissa si bien voir que ses amis s'en
alarmèrent.
Pressé de prendre du repos, il quitta Paris en janvier 1816 pour Lyon et fit un bref séjour dans le Midi.
Revenu dans la
capitale, il y traîna tout l'été, s'affaiblissant de jour en jour et expira le 18 octobre.
Dans cette École française de la Révolution et de l'Empire que le Romantisme a trop sommairement rejetée dans l'ombre, la figure de
Méhul est, aux côtés de celle de Cherubini et de Gossec, l'une des plus nobles.
Son mérite particulier et son titre le plus sûr à la postérité
est d'incarner dans une époque de bouleversements les traits les plus constants et les plus originaux du génie français : la clarté du
langage, la dignité de l'expression et l'élévation de la pensée..
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