ESTHETIQUE La question du jugement de gout Kant
Publié le 15/02/2024
Extrait du document
«
ESTHETIQUE
La question du jugement de gout
18ième siècle, domaine français, mais on tiendra pas ces bornes.
Le premier lieu commun qu’on va examiner c’est le problème du jugement de gout.
Même lorsque
Platon établit des règles pour l’admission de tel genre de musique ou de spectacle et le rejet de tel
autre, ce n’est pas du jugement de gout.
On a tendance à considérer cette question comme
substantiellement lié à l’invention de l’esthétique, ce n’est pas faux mais si on se contente de ça on
ne pose pas du tout le problème.
De plus, cette question doit être réanimée même si on la pense
comme liée au 18ième siècle.
A plusieurs auteurs est apparu que cette notion est la plus pertinente
pour analyser leur expérience esthétique.
Réfléchir sur le jugement de gout, c’est s’ouvrir un
nouvel accès aux œuvres elles-mêmes, comprendre d’une certaine façon comment on doit s’y
rapporter, ce qu’on doit considérer.
Malraux parle de musée imaginaire en désignant le fait que, grâce à la reproduction
photographique en couleurs, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité les œuvres des
très nombreuses civilisations et époques nous sont d’une certaine manière contemporaines.
Par
exemple, la grande peinture chinoise n’était rien pour l’Occident jusqu’au XXème siècle, c’est avec
ce musée imaginaire que tous les arts de tous les temps nous deviennent contemporaines.
Cela
entraine une illusion, celle d’une contemporanéité.
Le premier travail que nous devons faire, car
nous vivons dans le musée imaginaire, c’est de restituer de chemins dans ce musée, d’appréhender
les distances (historiques surtout) telles qu’elles ont lieu.
C’est une contribution en ce sens qu’on
va avoir en parlant du jugement de gout.
Deuxième lieu commun, au 18ième siècle on passe d’une
philosophie de la beauté à une théorie de gout : le problème c’est pas le beau mais le gout, ou la
beauté relativement à un sujet.
On parle du beau mais en fonction de la structure de l’expérience
d’un sujet.
C’est un glissement capital.
Ces deux lieux communs n’ont pas été clarifiés.
[On fait comme si les auteurs dialoguaient souverainement depuis leur principe les uns avec les
autres, c’est une erreur (autre erreur pas comprise)].
On reprend la question du jugement de gout.
Il est vrai que l’invention de l’esthétique c’est
l’invention de ce problème.
Après tout, l’idée de jugement de gout devrait nous surprendre car ce
n’est pas naturel du tout.
On peut se dire qu’on parle de jugement de gout car il s’agit d’une
évaluation « ceci est beau ».
Ce n’est pas du tout une réponse, ce n’est pas la raison fondamentale
pour laquelle il est question de jugement de gout (par exemple, Platon produit maintes fois des
évaluations, mais ce n’est pas une théorie de jugement de gout et ce n’est pas de gout qu’il est
question mais de la dimension éthique de l’art).
Par ailleurs, quand on se dit que c’était un
jugement car c’était une évaluation on néglige l’essentiel, ce que c’est qu’une évaluation, qu’un
énoncé axiologique, pour les auteurs de cette époque.
Considérons le cas de la conscience morale,
on la connaît dans sa présentation par Rousseau.
Il est le premier à faire de la conscience un
sentiment, pas le premier à parler de conscience morale, mais avant lui cette conscience morale
(chez St.
Thomas par exemple) était un véritable jugement, c’est-à-dire une inférence, une relation
du général au particulier.
Le général c’est la règle morale inscrite dans mon âme, le particulier
c’est le cas, la conscience morale c’est le jugement par lequel j’applique la règle au cas.
Autrement
dit, c’est une inférence.
Le vrai problème consiste à parler de l’expérience esthétique dans les
termes d’une inférence.
Cela consiste à juxtaposer un sentiment, une émotion, le plus souvent c’est
un plaisir, et une véritable inférence.
En réalité on associe quelque chose de presque indéfinissable
avec la structure même de la connaissance.
Mais ça ne va pas du tout de soi.
[Quand on commente
un texte, surtout du 18ième siècle, il faut trouver le moment de tension qui y est contenu.
Il faut
atteindre cette ligne de crête, comprendre le point par lequel un texte produit une décision].
On a
donc d’un coté un sentiment dit indéfinissable par beaucoup d’auteurs du 18 ième, le gout
ce serait un « je ne sais quoi » et de l’autre coté un jugement qui est nécessairement une
inférence, c’est une certaine relation du général au particulier.
Tous les auteurs qui vont nous intéresser, ces auteurs classiques, ont comme problème principal le
problème de la relation des idées aux choses.
Tout ce qui a lieu dans la tête c’est une idée
(Descartes), le jugement c’est donc une comparaison d’idées, non seulement une inférence.
Il y a
donc une tension très manifeste entre ce qui est le plus explicite et ce qui est le plus enveloppé (le
gout), ce qui est le plus rationnellement structuré (jugement) et ce qui est le plus sensible (gout).
Les tensions qu’on vient de repérer permettent de comprendre les bizarreries de la Critique de la
faculté de juger de Kant (par exemple « schématisme sans concepts » qui ne veut rien dire en
théorie ou « plaisir désintéressé » qui est une expression étonnante).
Tout cela ce sont des effets de
cette tension fondamentale, du fait qu’il paraissait à tout auteur du 18 ième naturel pour décrire son
expérience du beau d’employer la grammaire du jugement de gout.
Il y a une explication sociohistorique soulignant un certain trait de la pensée des Lumières.
C’est une époque des salons, de
l’art de la conversation, on parle beaucoup de l’art.
Dans l’antinomie du jugement de gout, Kant
reprend le lieu commun « on peut discuter du gout » et le brandit pour nous indiquer que le gout
ne peut pas échapper de part en part aux conditions du jugement.
Il y a bien un lien, des
conditions qui font que ce qui paraît le plus pertinent c’est le modèle du jugement, puisqu’on en
parle sans arrêt.
Dire cela c’est considérer que le contenu de tous ces propos là ce sont des
propositions.
Tous ces textes sur l’art et les discussions dont parle Kant ce ne sont pas de
propositions, ce sont des discours.
Il est naïf et faux de présumer qu’il y a une sorte d’homologie
entre le discours et la phrase.
Les discours sont autre chose qu’un agglomérat de propositions.
Considérons le second lieu commun, l’idée qu’on passe du beau au jugement de gout, ce qui n’est
pas faux mais ça n’a jamais été expliqué.
Il ne faut déjà pas considérer seulement le 18 ème siècle
mais au moins tout l’âge classique, car ce passage s’accomplit au 18 ième mais est lié aux processus
qui ont lieu bien avant.
Entre toutes les théories du beau qui précèdent l’âge classique on prend en
considération celle de St Thomas.
La thèse de Thomas d’Aquin est que la proportion, qui est plus
que simple proportion mathématique mais qui la comprend, gouverne la beauté des choses
possibles, c’est une donnée idéale mais c’est elle qui gouverne cette beauté, c’est elle qui permet de
parler d’harmonie à propos des choses du monde mais qui surtout définit aussi la règle du
fonctionnement le meilleur possible du sens (?).
La proportion c’est la structure idéale des beautés
possibles, ce qui fait qu’il y a harmonie dans le monde mais aussi ce qui donne la règle du meilleur
fonctionnement possible du sens (en quel sens meilleur fonctionnement possible ?) (la vue etc.).
Autrement dit, il y a une similitude du sens au sensible parce que les deux possèdent la même
cause formelle qui est la proportion.
On prend un exemple (la quinte, etc.
le fait qu’une proportion
idéale car mathématique produit du plaisir dans le sensible, par exemple écoutant une quinte).
« Le beau consiste dans une juste proportion des choses, car nos sens se délectent dans les
choses proportionnées qui leur ressemblent, en tant qu’ils comportent un certain ordre »,
(Thomas) c’est-à-dire que le plaisir c’est le fait que lorsque le sens s’accorde au sensible, il
actualise en lui-même un ordre qui le gouverne virtuellement.
« Comme la ressemblance concerne
la forme, le beau à proprement parler se rapporte à la cause formelle » (Thomas, « Somme
théologique », première partie, question 5, article 4).
L’harmonie permet de rendre pensable une
continuité rigoureuse entre le phénomène selon sa cause et le phénomène selon son apparaître (en
tant qu’il est phénomène pour un auditeur), il y a continuité entre la cause du phénomène et son
apparaître (?? QUESTION), cette continuité est ce qui s’écoule avec le passage à l’âge classique.
Pour St.
Thomas et pour toutes ces théories du beau, de la beauté, la proportion c’est une
disposition du sens au sensible, le sens se dispose, se règle sur le sensible et ce faisant il
accomplit en lui-même une perfection.
C’est cela l’expérience esthétique.
Autrement dit, la
proportion rend les sens aptes à la sensation selon des critères, parfois mathématiques, dont
l’actualisation procure le plaisir.
« Aristote dit que....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Kant: le jugement de gout et le jugement d'agrément
- La paresse et la lâcheté - KANT, Réponse à la question: Qu'est-ce que les Lumières?
- Kant et le jugement de goût
- Kant: Peut-on postuler une universalité du jugement de goût ?
- Kant: l'art et le beau ou le jugement de goût