Est-on responsable de ce dont on n'a pas conscience ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
RESPONSABILITÉ
Obligation de répondre de ses actes devant une autorité.
On distingue la responsabilité morale (je réponds de mes
actes « en mon for intérieur », c'est-à-dire devant le « forum », le tribunal intime de ma conscience morale) et la
responsabilité sociale devant les tribunaux (responsabilité pénale ou civile).
La responsabilité morale suppose deux
conditions : 1° la connaissance du bien et du mal; 2° la liberté.
La responsabilité pénale est liée à la responsabilité
morale (on cherche à punir l'intention délictueuse).
La responsabilité civile met l'accent moins sur la faute que sur le
dommage, et le responsable est celui qui peut payer réparation (d'où le système des compagnies d'assurance).
Des
« personnes morales », une société anonyme, l'État lui-même, peuvent être civilement responsables.
La conscience vient du latin conscientia, qui signifie « accompagné » (cum) de « savoir » (scire).
Être conscient
signifie donc que lorsque l'on sent, pense, agit, on sait que l'on sent, pense ou agit.
Mais il convient de distinguer la
conscience directe ou immédiate, qui accompagne ainsi tous les actes du sujet, de la conscience réfléchie,
conscience qui se saisit elle-même comme conscience.
La première consiste à « avoir conscience », tandis que la
seconde consiste à « être conscient d'avoir conscience ».
Le passage de l'un à l'autre serait le fait de « prendre
conscience ».
DIFFICULTÉS - REMARQUES - APPROCHE DE LA PROBLÉMATIQUE
L'enjeu du sujet est relativement facile à percevoir.
Il porte sur l'étendue de la notion de responsabilité, plus
exactement, sur l'étendue de ma responsabilité.
Le droit a justement pour fonction d'établir précisément l'étendue
de ma responsabilité dans les cas généraux déterminés par les lois ou dans les cas particuliers sur lesquels se
prononcent les décisions de justice.
Mais ici la question du sujet a un sens philosophique et non un sens juridique,
elle semble au premier abord appeler une réponse négative : c'est la conscience qui fonde philosophiquement la
notion de responsabilité, au point que dans la perspective psychanalytique la question n'a pas non plus de sens
puisque, même si la conscience se trouve constamment déjouée par l'inconscient, elle seule peut être dite
responsable (ce point de vue sera développé dans la première partie du devoir).
Mais la question exige une réflexion
sur les limites de la conscience et sur la fonction de «sujet» (sujet juridique, sujet moral...) : si ma conscience est
limitée, ma responsabilité ne doit-elle pas cependant s'étendre parfois à « ce dont je n'ai pas conscience »? Ce dont
je n'ai pas conscience, c'est ce qui m'échappe, ce qui m'est autre ; bref ce qui fait que je suis limité et fini.
Si je
dois être responsable de ce dont je n'ai pas par moi-même conscience, c'est que je le suis devant l'autre, c'est que
l'autre me rappelle à moi-même, et exige de moi que j'élargisse mon champ de conscience en tenant compte de son
existence : c'est là l'idée vers laquelle la réflexion pourra se diriger.
La conscience
La conscience est ce qui constitue l'identité du sujet dans sa relation au monde et à lui-même.
Mais le sujet est en
situation.
Par la conscience, le sujet s'efforce de pénétrer, d'habiter ce qui n'est pas lui.
Mais il reste limité et
toujours confronté à «ce dont il n'avait pas conscience ».
Le devoir, la volonté
La notion de responsabilité renvoie à la notion de devoir : être responsable, c'est devoir être au principe de ses
actes, les assumer pleinement.
De même elle conduit à distinguer les actes volontaires des actes involontaires :
ceux-ci sont perçus comme une limite, voire un défaut, du sujet.
L'inconscient
« Ce dont je n'ai pas conscience », ce pourrait être une définition de l'inconscient.
Mais il faut être sur ses gardes,
distinguer l'inconscience - qui désigne un si faible degré de conscience que la conscience est quasiment absente, et
l'inconscient psychique, qui est constitué par les désirs incompatibles avec la réalité et dont le refoulement assure
justement la structuration du psychisme et permet à l'être humain d'établir des relations « normales » avec la
réalité, d'être responsable de ses actes.
En ce sens, la doctrine freudienne est instructive : je ne peux être
responsable de mes désirs refoulés puisque, originairement, ce refoulement est la condition de l'émergence en moi
d'une conscience responsable, mais je suis responsable de l'expression détournée de ces désirs dès lors qu'elle
s'inscrit dans le réel (cf.
deuxième partie du plan).
L'étude du sujet peut également nous amener à réfléchir sur le désir qui habite l'homme et que l'homme, sans
pouvoir en être responsable, doit savoir convertir et réaliser d'une manière qui soit, elle, responsable.
De même,
l'analyse de la notion de responsabilité pourra introduire une réflexion sur le rôle d'autrui.
Y a-t-il des limites à notre responsabilité ? L'homme est-il ou non responsable de tout ce qu'il pense, de tous ses
actes, même de ceux dont il ne peut répondre ? De quoi est-on responsable ? De soi tout d'abord, de nos actes,
c'est-à-dire d'actes dont on est reconnu l'auteur puisqu'on peut en rendre compte, les justifier.
Nous ne sommes
pas responsables en revanche et dans une certaine mesure (qu'il conviendrait de préciser) des autres et de la
nature, autrement dit de tout ce qui échappe à notre pouvoir.
On peut donc dire que la responsabilité est liée au
pouvoir dont on dispose et l'on est considéré comme responsable lorsque nous sommes la cause consciente et
volontaire de quelque chose.
Nous ne sommes pas responsables de ce qui échappe à notre pouvoir ou de ce qui se
fait malgré nous sans qu'on en ait conscience.
Dès lors il semble évident qu'il y a un lien étroit entre responsabilité
et conscience, puisque nous ne sommes pas responsables de ce qui échappe à notre conscience.
Mais peut-on
négliger une certaine forme d'inconscience volontaire (voir les processus de dénégation dont parle Freud) ou encore
plus simplement le réflexe qui consiste à dire quand on est coupable "je ne savais pas" ? On estimera que quelqu'un.
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