Est-on d'autant plus libre que l'on est indifférent ?
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
INDIFFÉRENCE (n.
f.) 1.
— Absence de préférence ou d'intérêt pour quelqu'un ou quelque chose ; état de
neutralité affective ou intellectuelle.
2.
— Liberté d'indifférence : a) Liberté résidant dans le fait que nous ne
possédons aucune raison de choisir ceci plutôt que cela (« Cette indifférence que je sens lorsque je suis porté [...]
par le poids d'aucune raison, est le plus bas degré de la liberté », DESCARTES), ou simplement que la raison, quand
elle existe, n'est pas nécessitante (LEIBNIZ).
b) Pour DESCARTES, désigne parfois la « faculté positive que nous
avons de nous déterminer à l'un ou l'autre de deux contraires », de donner notre consentement ou non quand bon
nous semble ; indifférence est alors SYN.
de liberté.
L'intitulé fait référence à une phrase de Descartes qui dit qu'on est d'autant plus libre qu'on est moins indifférent.
Voici un extrait des Méditations métaphysiques, IV : "cette indifférence que je sens, lorsque je ne suis point
emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d'aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, et
fait plutôt paraître un défaut de la connaissance, qu'une perfection dans la volonté".
Mais par ailleurs Descartes
montre aussi que notre capacité à choisir sans raison, sans motivations ce qui nous détermine, c'est la preuve de
l'infinité de notre libre-arbitre : quand bien même mon entendement sait que 2+2=4, j'ai le pouvoir de préférer dire
que 2+2=6.
Est-il possible pour l'homme d'être totalement indifférent ? En effet, l'homme est un "être raisonnable et
fini" (Kant), c'est-à-dire raisonnable mais aussi toujours soumis à l'influence de désirs ou d'inclinations sensibles.
Ainsi, le libre-arbitre doit toujours choisir entre les mobiles sensibles (l'intérêt, la passion, l'envie) et la loi morale
dictée, elle, par la raison, et ce de manière catégorique.
Ainsi, être libre, c'est être autonome, c'est-à-dire
littéralement obéir à la loi qu'on s'est soi-même donnée.
On peut aussi, à la limite, extrapoler le sens du mot "
indifférent " à l'absence de connaissance de nos déterminations en général, et faire alors référence à la théorie
freudienne de l'inconscient : la cure psychanalytique vise à nous rendre plus libre en nous faisant prendre
conscience des déterminations psychiques – jusque-là inconscientes — qui nous poussaient à agir, penser, éprouver
certaines émotions sans que nous sachions pourquoi.
Il faut bien insister sur le rapport entre entendement et
volonté, entre libre-arbitre et connaissance, choix et vérité.
Quelle est la spécificité des termes liberté, autonomie,
libre-arbitre ?
« L'indifférence me semble signifier proprement l'état dans lequel se trouve la volonté lorsqu'elle n'est pas poussée
d'un côté plutôt que de l'autre par la perception du vrai ou du bien ; et c'est en ce sens que je l'ai prise lorsque j'ai
écrit que le plus bas degré de la liberté est celui où nous nous déterminons aux choses pour lesquelles nous sommes
indifférents.
Mais peut-être d'autres entendent-ils par indifférence la faculté positive de se déterminer pour l'un ou
l'autre de deux contraires, c'est-à-dire de poursuivre ou de fuir, d'affirmer ou de nier.
Cette faculté positive, je n'ai
pas nié qu'elle fût dans la volonté.
Bien plus, j'estime qu'elle s'y trouve, non seulement dans ces actes où elle n'est
poussée par aucune raison évidente d'un côté plutôt que de l'autre, mais aussi dans tous les autres ; à tel point
que, lorsqu'une raison trés évidente nous porte d'un côté, bien que, moralement parlant, nous ne puissions guère
choisir le parti contraire, absolument parlant, néanmoins, nous le pouvons.
Car il nous est toujours possible de nous
retenir de poursuivre un bien clairement connu ou d'admettre une vérité évidente, pourvu que nous pensions que
c'est un bien d'affirmer par là notre libre arbitre.
» » Descartes.
Ma liberté se manifeste ainsi d'abord à moi comme le pouvoir de choisir entre plusieurs actions possibles : c'est
proprement ce que l'on appelle le libre arbitre, mais cette liberté de choix possède deux degrés que met en avant
Descartes.
¨ Le premier degré : il arrive parfois que je sois confronté à un choix qui me jette dans le plus grand
embarras parce que je n'ai aucune raison de préférer une solution plutôt qu'une autre et un
philosophe du XIV° siècle, Jean Buridan nous invite à méditer sur le cas d'un âne que aurait autant
soif que faim et qui serait placé à égale distance d'une mesure d'avoine et d'un seau d'eau.
Ne
sachant que choisir au point d'en rester immobile, il finit par mourir.
Pour pouvoir prendre une
décision il aurait fallu qu'il soit doué, tout comme l'homme, du pouvoir de se déterminer même quand
aucun motif ne l'emporte.
Cette liberté, qu'on appelle liberté d'indifférence est le plus bas degré de
la liberté parce qu'elle s'exerce toujours à l'occasion de choix insignifiants.
L'indifférence est l'état
dans lequel se trouve la volonté lorsque, confronté à un choix, « elle n'est pas poussée d'un côté
plutôt que de l'autre par la perception du vrai ou du bien » et elle n'est nullement la condition de la
liberté, au contraire, je suis d'autant plus libre que j'ai de bonnes raisons d'agir comme je le fais.
¨ Le second degré : quand je suis confronté à un choix crucial qui engage mon avenir, je ne peux
pas décider de la conduite à tenir.
Je suis alors d'autant plus libre, comme l'affirme Descartes, que je
suis capable de discerner clairement la meilleure des solutions.
Ce n'est donc pas dans l'absence de motifs que réside la liberté, mais dans le pouvoir que possède la volonté
humaine d'arbitrer entre des motifs contraires.
Cette puissance de la volonté que l'on appelle le libre arbitre,
constitue pour Descartes en tout cas, la principale perfection de l'homme car elle le rend maître de ses actions.
En
effet, par sa nature, la volonté consiste en ce que nous pouvons nous déterminer à agir sans être contraint par une
quelconque force extérieure et en cela, elle est absolument sans limite.
Par exemple, même si un mensonge m'est
avantageux, je suis libre de ,ne pas mentir, c'est à dire de donner la préférence au devoir de dire la vérité plutôt.
»
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