Est-il suffisant de suivre la morale établie pour être moral ?
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«
Introduction :
● Bien définir les termes du sujet :
- « Suffisant » : est suffisant ce qui suffit, ce qui n'a pas besoin d'autre chose que de lui-même.
Ici, il s'agit d'une
condition suffisante – suivre la morale – c'est ce qui se suffit à lui-même pour entraîner une conséquence.
- « Morale établie » : contrairement à l'éthique, les principes devant régir l'action ne sont pas déterminés par le
sujet individuellement, mais par un groupe qui les pose comme un ensemble de règles à suivre.
Autrement dit, « la
morale établie » constitue le code moral social, c'est l'ensemble des règles de conduite admises à une époque
donnée dans un groupe ou une société donné.
- « Etre moral » : c'est ce qu'il s'agit ici de définir, il n'est donc pas possible de donner une définition définitive, mais
cela désigne en général un individu qui agit conformément à des principes qu'il se donne ou qui lui sont donnés.
● Construction de la problématique :
Le sujet nous invite à trouver quelles sont les conditions qui feraient de nous des êtres moraux, et
demande si suivre simplement la morale suffirait.
Mais on voit bien qu'il existe des cas où la morale est suivie par un
intérêt qui lui, échappe totalement à la morale.
Sans compter les cas où la morale se trouve prise elle-même dans
des paradoxes.
è Se pose donc la question de savoir à quelle condition on peut désigner un individu comme étant moral.
Quelles doivent être les caractéristiques de son action pour qu'on puisse le désigner comme tel ?
Plan :
I/ Agir conformément à la loi morale n'est pas être moral :
Il est possible d'agir d'une manière tout à fait conforme à la morale,
d'avoir les apparences de la morale, sans pour autant être moral.
En effet,
certaines actions peuvent sembler morales, mais avoir en réalité un tout autre
intérêt, comme par exemple, passer pour pieux, ou honorable.
● C'est ce qu'explique Kant dans La Critique de la raison pure, où il
distingue la moralité de la légalité.
En effet, selon lui, la légalité consiste en la
simple obéissance extérieure à la loi morale – l'individu agit conformément au
devoir- tandis que la moralité consiste dans une action qui a non seulement
une apparence morale, mais aussi une intention morale – l'individu agit par
devoir.
C'est donc l'intention qui préside l'action qui fait que l'on est ou non
moral, et non pas la forme de cette action.
● Etre moral, c'est donc agir par pure représentation de la loi morale
–c'est-à-dire selon le devoir ; cela constitue l'action bonne par excellence.
Pour être moral, il faut donc que celui qui agit accomplisse l'action par devoir,
et non par inclination.
Il doit aussi faire en sorte que l'action accomplie par
devoir tire sa valeur non du but qui doit être atteint par elle, mais de la
maxime d'après laquelle elle est décidée.
Dernier critère énoncé par Kant, Pour
être moral, l'individu doit accomplir l'action par nécessité d'accomplir une
action par respect pour la loi (et non par pour un autre but)
● Il ne suffit donc pas de suivre en apparence la loi morale pour être moral, il faut être guidé par une
intention morale.
Seule la bonne volonté, cad la volonté d'agir conformément aux prescriptions du devoir moral, vaut absolument.
Certes les talents de l'esprit comme l'intelligence, le jugement, la vivacité d'esprit, ainsi que les qualités de
tempérament comme le courage, la persévérance, l'esprit de décision, sont, sans aucun doute, des choses bonnes
en elles-mêmes.
Le courage, par exemple, ne peut-il pas être mis au service du crime ? Il faut donc conclure qu'elles
ne sont bonnes qu'autant qu'elles sont les instruments d'une bonne volonté.
Ces capacités sont en outre des dons
de la nature ou du hasard.
Il en résulte que si la morale kantienne exige que je mette en œuvre tous les moyens
dont je dispose pour faire mon devoir, elle ne fait pas de la réussite de mon entreprise une condition de la moralité
de mon action.
Autrement dit, l'absence de résultat ne peut rien retrancher à la valeur morale de l'action, pas plus
que la réussite ne peut y ajouter quelque chose.
Une action faite par devoir tire sa valeur morale, non du but qu'elle
doit atteindre, mais de la maxime d'après laquelle elle est décidée.
L'action accomplie par devoir a toute sa valeur en
elle-même, se distinguant par là de toute action intéressée, qui fait du résultat son seul but.
Elle n'a pas non plus à se soucier des résultats qui dépendent des capacités de l'agent et de circonstances
contingentes.
II/ Même avec les meilleures intentions morales, une action peut n'être pas morale :
Chez Kant, cette intention morale qui préside et rend l'action réellement morale, et fait donc de l'individu
qui en est à l'origine un individu moral, peut parfois mener à des incohérences.
C'est ce qu'il est possible d'appeler
les paradoxes de la morale.
C'est lorsque en étant le plus moral possible sur le plan des intentions l'individu en vient
à ne plus l'être sur le plan pratique.
● C'est ce que met en évidence Benjamin Constant dans Du droit de mentir, lettre qu'il adresse à Kant, et
dans laquelle il prend pour exemple une situation délicate où la stricte obéissance à la loi morale n'est pas forcément.
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