Est-il souhaitable que la raison mène la monde ?

« Introduction: Le calcul rationnel de son propre intérêt peut mener quelqu'un à des actes immoraux.

Si nous raisonnons sur ce qui est souhaitable pour le monde, nous ne pensons généralement pas qu'il faille que les hommes se fassent du mal les uns aux autres à cause de leurs calculs rationnels respectifs. Il est tout à fait différent d'envisager une raison qui gouverne le monde d'une multiplicité d'individus rationnels qui se confrontent ou s'accordent dans le monde.

Nous prendrons ici la raison en tant qu'elle est l'accord des individus rationnels. La raison se développe dans la science, elle formule des lois et des connaissances qui correspondent aux faits du monde. Dans ce sens elle est soumis aux faits et elle ne gouverne pas tant le monde qu'elle est gouvernée par lui. Mais d'autre part, la raison peut s'appliquer à des idées qui ne sont pas l'ordre du fait mais l'ordre du droit.

Peut être que la raison est alors la seule faculté apte à formuler une finalité vers laquelle mener le monde. Problématique: La raison découvre l'ordre du monde de fait, mais est il souhaitable que le monde suive cet ordre? I: La raison se retrouve dans le monde 1.

Le monde est l'ensemble des objets liés par des rapports intelligibles.

La raison découvre cet ordre, elle le connaît de mieux en mieux à travers la science.

En ce sens, elle ne mène pas le monde, elle lui est soumise, elle le reflète dans notre esprit. 2.

La science et la technique sont les deux faces de la raison, sa face théorique et sa face pratique.

Avec la technique, la raison développe les possibilités enfouies dans les choses.

La techniques est donc la part active de la raison, à travers la technique, la raison mène le monde en tant qu'elle développe ses possibilités, décide de son devenir. 3.

La raison se développe à travers la civilisation techno-scientifique.

D'une part elle est soumise à l'ordre de fait, à la connaissance des choses, et d'autres part, elle développe cet ordre, elle l'effectue.

L'orientation qu'elle donne à ce développement est celle de la soumission aux faits.

Elle mène le monde en tant qu'il se développe à travers elle, nos souhaits n'ont rien à faire là dedans. II: Le monde de la vie n'est pas le monde de la raison 1.

Il convient de distinguer le monde de la nature.

Si la nature est l'ensemble des objets sous des lois, en revanche, le monde est un environnement, un milieu de vie.

Le monde est plus organisé par des valeurs concrètes, perceptibles, que par des lois rationnelles abstraites.

Le monde correspond à nos sensations, nos émotions en tant qu'elles sont vécues et non en tant qu'elles sont expliquées théoriquement. 2.

Pour que la raison mène le monde, il faut que le monde de la vie devienne totalement le monde techno-scientifique.

Il faudrait que le monde concret disparaisse derrière le monde abstrait des explications scientifiques.

Par exemple, l'amour ne serait plus un sentiment et une expérience riche, mais seulement les explications psychologiques et physiologiques que nous en avons. 3.

Nous ne souhaitons qu'à travers le monde de la vie, où nos désirs se rattachent à des objets réels.

En tant que le monde de la vie configure nos souhaits, il n'est pas souhaitable que la raison mène le monde.

En effet, si nos souhaits se rapportent à des valeurs et que la raison est l'intelligence détachée de toute valeur, alors elle ne peut pas avoir rapport à nos souhaits. III: La raison comme faculté des idées 1.

Distinguons la raison de l'intelligence.

L'intelligence est la faculté de l'ordre et de la connaissance qui se rapporte toujours aux faits, la raison est la faculté des idées, qui ne portent pas directement sur les faits.

C'est avec la raison que nous réfléchissons sur le sens de nos actes, que nous élaborons nos motivations.

L'intelligence ne développe que nos moyens, la raison seule peut réfléchir sur les fins. 2.

Le monde n'est de fait pas satisfaisant, en droit, nous espérons un monde meilleur.

Or il ne semble pas que ce soit le progrès de l'intelligence techno-scientifique qui améliore seule le monde, il faut toujours que cette intelligence soit guidée par la raison. 3.

L'idée que la raison peut réaliser un monde des fins, c'est à dire un monde du droit peut nous laisser souhaiter que la raison mène le monde.

On peut dire avec Kant que le plus grand problème que l'humanité ait à résoudre est de parvenir à une société civile administrant universellement le droit. Conclusion: Il est bien souhaitable que la raison mène le monde, mais à condition que l'on comprenne la raison comme faculté des fins et non pas seulement intelligence des moyens.. »