Est-il rationnel de vouloir fonder la morale?
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Est-il rationnel de vouloir fonder la morale ?
La morale désigne l'ensemble des règles de conduite tenues pour inconditionnellement valables.
La morale indique
aux hommes ce qu'il faut faire, la manière dont ils doivent agir, et ce qui est bien et mal.
La morale ne désigne pas
une morale particulière à tels ou tels individus, ou à telle ou telle société, mais la morale en général- le concept de
morale.
Fonder la morale serait l'établir sur une base solide : le fondement d'une chose ou d'une idée est ce qui lui
donne sa raison d'être, ce qui lui confère son existence.
Vouloir fonder la morale reviendrait à appliquer sa volonté à
donner sa raison d'être à l'ensemble des règles de conduite tenues pour inconditionnellement valables.
Est-il
rationnel, conforme à la raison, logique de vouloir donner la raison d'être de ce qui dicte ce qu'il nous faut faire ? En
somme, est-il rationnel de vouloir fonder la morale ? Vouloir fonder la morale, est-ce une ambition irrationnelle,
absurde ? N'est-il pas possible de donner la raison d'être de la morale ? Cette raison est-elle inaccessible à la raison
humaine ?
I- Il semblerait tout d'abord qu'il ne soit pas rationnel de vouloir fonder la morale parce que la morale n'a
pas nécessairement à être fondée.
1- Le fondement de la morale n'est pas nécessairement rationnel.
Quel est le rapport entre raison et morale ?
Texte de Bergson
La vie morale sera une vie rationnelle.
Tout le monde se mettra d'accord sur ce point.
Mais de ce qu'on aura
constaté le caractère rationnel de la conduite morale, il ne suivra pas que la morale ait son origine ou même son
fondement dans la pure raison.
La grosse question est de savoir pourquoi nous sommes obligés dans des cas où il ne
suffit nullement de se laisser aller pour faire son devoir.
Que ce soit alors la raison qui parle, je le veux bien ; mais si
elle s'exprimait uniquement en son nom, si elle faisait autre chose que formuler rationnellement l'action de certaines
forces qui se tiennent derrière elle, comment lutterait-elle contre la passion ou l'intérêt ? Le philosophe qui pense
qu'elle se suffit à elle-même et qui prétend le démontrer, ne réussit dans sa démonstration que s'il réintroduit ces
forces sans le dire [...].
La prétention de fonder la morale sur le respect de la logique a pu naître chez des
philosophes et des savants habitués à s'incliner devant la logique en matière spéculative et portés ainsi à croire
qu'en toute matière, et pour l'humanité tout entière, la logique s'impose avec une autorité souveraine.
Mais du fait
que la science doit respecter la logique des choses et la logique en général si elle veut aboutir dans ses recherches,
de ce que tel est l'intérêt du savant en tant que savant, on ne peut conclure à l'obligation pour nous de mettre
toujours de la logique dans notre conduite, comme si tel était l'intérêt de l'homme en général ou même du savant en
tant qu'homme.
Notre admiration pour la fonction spéculative de l'esprit peut être grande ; mais quand des
philosophes avancent qu'elle suffirait à faire taire l'égoïsme et la passion, ils nous montrent - et nous devons les en
féliciter - qu'ils n'ont jamais entendu résonner bien fort chez eux la voix de l'un ni de l'autre.
2- Nous connaissons toujours déjà la morale, nous n'avons pas à chercher ce qui en rend possible l'existence.
Texte de Rousseau
Exister pour nous, c'est sentir ; notre sensibilité est incontestablement
antérieure à notre intelligence, et nous avons eu des sentiments avant des
idées.
Quelle que soit la cause de notre être, elle a pourvu à notre
conservation en nous donnant des sentiments convenables à notre nature ;
et l'on ne saurait nier qu'au moins ceux-là ne soient innés.
Ces sentiments,
quant à l'individu, sont l'amour de soi, la crainte de la douleur, l'horreur de la
mort, le désir du bien-être.
Mais si, comme on n'en peut douter, l'homme est
sociable par sa nature, ou du moins fait pour le devenir, il ne peut l'être que
par d'autres sentiments innés, relatifs à son espère ; car, à ne considérer que
le besoin physique, il doit certainement disperser les hommes au lieu de les
rapprocher.
Or c'est du système moral formé par ce double rapport à soimême et à ses semblables que naît l'impulsion de la conscience.
Connaître le
bien, ce n'est pas l'aimer : l'homme n'en a pas la connaissance innée, mais
sitôt que sa raison le lui fait connaître, sa conscience le porte à l'aimer : c'est
ce sentiment qui est inné.
Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle
et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et
libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu,
c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans
toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste
privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle
et d'une raison sans principe.
Grâce au ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de philosophie : nous
pouvons êtres hommes sans être savants ; dispensés de consumer notre vie à l'étude de la morale, nous avons à
moindres frais un guide plus assuré dans ce dédale immense des opinions humaines.
Avez-vous compris l'essentiel ?.
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