Est-il raisonnable d'avoir peur du progrès technique ?
Extrait du document
«
Demandez-vous pourquoi on pourrait avoir peur du progrès technique, quelles pourraient en être les raisons.
On
pourrait aller jusqu'à se demander s'il y a même une peur qui puisse être raisonnable.
Il ne s'agit pas de dissocier le
sujet dans le plan que vous allez suivre mais d'analyser d'abord ici la question qui vous est posée pour en déterminer
le problème : Certaines personnes ont peur du progrès technique, c'est un fait.
Vous pouvez donc partir simplement
de ce constat en vous demandant pourquoi.
Or, les premiers éléments de réponse semblent simples à établir : on
considère que les avancées de la technique conduisent à une destruction de la nature mais aussi à une
transformation des rapports humains.
Cette peur repose donc sur un double changement, une double
transformation, celui des rapports entre l'homme et l'homme et entre l'homme et la nature.
La technique détruit la
nature mais elle déshumanise également les rapports humains.
Il y aurait donc un danger de la technique.
Pourtant,
il s'agirait de se demander si cette peur est vraiment fondée ? En effet, la technique n'est-elle pas ce qui permet de
régler également de nombreux problèmes ? N'est-elle pas aussi ce qui permet de libérer l'homme de contraintes
multiples ? On peut en effet placer de nombreux espoirs dans le progrès des techniques.
Cette peur ne relève-t-elle
pas d'une ignorance ou d'une forme de nostalgie fantasmée qui tend à nous faire croire qu'un rapport non artificiel,
naturel, à la nature serait un rapport idéal ? Une fois le problème formulé, vous pouvez revenir sur les raisons qui
nous font craindre la technique pour montrer dans un second temps les raisons des espoirs que l'on peut placer dans
la technique.
Pensez ici aux analyses de Descartes, par exemple.
On voit donc que s'opposent deux approches, l'une
qu'on pourrait qualifier de technophobe et l'autre de technophile.
Vous pouvez alors vous demander sic es deux
approches ne rencontrent pas toutes les deux des limites.
Est-ce de la technique dont il faut vraiment avoir peur ?
Un usage de la raison ne doit-il pas nous conduire à dépasser cette dualité ?
[L'homme peut légitimement avoir peur de la technique.
Celle-ci représente un danger réel.]
La technique est inhumaine
Zola a plus d'une fois décrit la machine comme une sorte de monstre broyant sans relâche les vies de ceux qui la
servent.
Que l'on pense à Germinal par exemple.
Il n'est que de se référer aux premières chaînes de montage pour
comprendre en quoi la technique, à mesure qu'elle augmente la production, réduit l'homme à n'être qu'un automate
ignorant la finalité du geste qu'il répète à longueur de journée.
La division du travail qui s'est imposée avec le
développement de la grande industrie, et qui caractérise encore aujourd'hui nombre d'entreprises a vu son utilité
très vite contestée.
Des premières manufactures aux usines modernes, la division technique du travail s'est en effet accentuée jusqu'à
l'extrême parcellisation.
Tant que le travail est divisé en métiers différents, chaque homme de métier peut réaliser un
produit dans son ensemble, et même s'il existe une coopération, chacun est capable d'accomplir toutes les tâches
nécessaires à la réalisation du produit (au Moyen âge par exemple, la fin de l'apprentissage est symbolisée par la
réalisation d'un chef-d'oeuvre).
Avec les manufactures cette capacité à réaliser le produit en entier se perd et, dans
la grande industrie, avec le machinisme, elle disparaît totalement.
A la fin du XVIII ième siècle, l'économiste Smith souligne l'accroissement de productivité apporté par la division du
travail, telle qu'elle se développe dans les manufactures lors de la première révolution industrielle.
« Prenons un exemple dans ne manufacture de la plus petite importance, mais où la division du travail s'est fait
souvent remarquer : une manufacture d'épingles.
Un homme qui ne serait pas façonné à ce genre d'ouvrage, dont la division du travail a fait un métier particulier, ni
accoutumé à se servir des instruments qui y sont en usage, dont l'invention est probablement due encore à la
division du travail –cet ouvrier, quelque adroit qu'il fût, pourrait peut-être à peine faire une épingle dans toute sa
journée, et certainement il n'en ferait pas une vingtaine.
Mais de la manière dont cette industrie et maintenant
conduite, non seulement l'ouvrage entier forme un métier particulier, mais même cet ouvrage est divisé en un grand
nombre de branches, dont la plupart constituent autant de métiers particuliers.
Un ouvrier tire le fil à la bobine, un
autre le dresse, un troisième coupe la dressée, un quatrième empointe, un cinquième est employé à émoudre le bout
qui doit recevoir la tête.
Cette tête est elle-même l'objet de deux ou trois opérations séparées : la frapper est une
besogne particulière ; blanchir les épingles en est une autre ; c'est même un métier distinct et séparé que de piquer
les papiers et d'y bouter les épingles ; enfin l'important travail de faire une épingle est divisé en dix-huit opérations
distinctes ou à peu près qui, dans certaines fabriques sont remplies par autant de mains différentes, quoique dans
d'autres le même ouvrier en remplisse deux ou trois.
J'ai vu une petite manufacture de ce genre qui n'employait que
dix ouvriers, et où , par conséquent, quelqu'uns d'eux étaient chargés de deux ou trois opérations.
Mais quoique la
fabrique fût fort pauvre et pour cette raison, mal outillée, cependant quand ils se mettaient en train, ils mettaient à
bout de faire entre eux environ douze livres d'épingles par jour ; or, chaque livre contient au-delà de quatre mille
épingles de taille moyenne [...].
Mais s'ils avaient tous travaillé à part et indépendamment les uns des autres, et s'ils
n'avaient pas été façonnés à cette besogne particulière, chacun d'eux assurément n'eût pas fait vingt épingles,.
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