Est-il possible, dans le domaine des arts, d'avoir tort ou raison lorsqu'on dit: "c'est beau" ?
Extrait du document
«
A partir du XVIIIème sous l'influence de Baumgarten, une nouvelle branche de la philosophie voit le jour :
l'esthétique.
Cette discipline s'intéresse particulièrement à la beauté, à la science du beau, aux sensations, à la
perception.
Dans « Méditation philosophiques » (1735) Baumgarten définit l'esthétique comme étant « la science du
mode de connaissance et d'exposition sensible », puis dans Æsthetica (1750) : « L'esthétique (ou théorie des arts
libéraux, gnoséologie inférieure, art de la beauté du penser, art de l'analogon de la raison) est la science de la
connaissance sensible ».
C'est la première fois que dans le domaine des arts on fait appelle aux émotions pour
émettre un jugement : l'esthétique s'occupe de toute la sphère du beau dans les arts, on l'appelle science du beau
ou alors critique du goût.
Mais comment peut on donner une définition de la beauté, sous quels critères peut on
dire qu'une œuvre et belle ou qu'elle ne l'est pas.
Si l'esthétique prend en compte les perceptions, les sentiments
pour juger du beau, une œuvre relèvera de la beauté pour un certain nombre de personne alors qu'elle s'avérera
laide pour les autres.
Ainsi, est il possible, dans le domaine des arts, d'avoir tort ou raison lorsqu'on dit : « c'est
beau » ?
I : La beauté : une affaire de subjectivité
Qu'est ce que le beau ? Comment peut on dire qu'une œuvre d'art est belle ou non et ce jugement est il forcément
juste ? Autant de questions qui rapproche deux termes : art et beauté.
Pour tenter d'y répondre, il faut tout d'abord
redéfinir ce qu'est l'art et une œuvre d'art en particulier : l'art est le produit d'une activité humaine qui est
désintéressée.
L'artiste ne produit pas en vue d'utilité.
Il crée pour délivrer une émotion, un message.
L'artiste et sa
subjectivité forme ainsi le premier maillon de la chaine : artiste, création, œuvre, réception, homme.
Toute cette
longue chaine vise non pas l'utilité mais la beauté.
En effet, l'œuvre d'art porte en elle la volonté de plaire : on a
cette notion de plaisir inhérente à l'œuvre d'art.
On parle aussi de jouissance esthétique.
Or, cette notion de plaisir
n'est pas conforme à tous les hommes : je n'éprouve pas le plaisir dans les mêmes situations et pour les mêmes
raisons que mon voisin.
Nous sommes conditionnés par nos goût, nos habitude, notre vécu et nous serons plus
réceptif à telle ou telle situation et donc à telle ou telle vision d'un artiste dans les œuvres.
Il s'agit de la
subjectivité.
Ainsi, Kant, philosophe allemand, explique dans sa « critique de la faculté de juger » que la
détermination de l'esthétique relève d'un processus cognitif (c'est-à-dire du domaine de la pensée) subjectif (relatif
à chacun) dans lequel on attribue le prédicat « beau ou « laid » à un objet.
Or, les jugements de goût, selon Kant,
ne doivent pas dépendre de l'intérêt de celui qui l'émet.
Et s'ils doivent être subjectifs, cela suppose qu'ils ne sont
soumis à aucun concept.
De cette manière, Kant soutient que le jugement du beau doit être universel et
nécessaire.
Le beau doit plaire par lui-même.
Le sentiment de beau engendre le plaisir chez celui qui le reçoit.
II : Peut-on juger la beauté ?
Si je veux dire d'une œuvre « c'est beau », je veux forcément juger cette œuvre.
Or, juger c'est chercher à être
juste.
Ce n'est pas comme éprouver.
J'éprouve une sensation et je n'en tire pas de conclusion alors que je juge
quelque chose et j'essaie d'en déduire quelque chose.
L'acte de juger suppose l'idée de trancher entre A et B.
Et ici,
dans les domaines des arts, si je juge une œuvre c'est pour trancher entre : elle est belle, elle est laide.
Ainsi,
avant même d'émettre le jugement je porte en moi cette idée de beau et de laid : ces termes font sens chez moi.
Comme nous l'avons vu, la beauté est une affaire de subjectivité.
Or, cette idée de beauté que nous avons en nous
a priori du jugement, n'est pas identique à celle que pourrait avoir Monsieur X par rapport à moi.
Donc, nous
pourrions dire que j'ai raison par rapport à ma conception de la beauté mais si je veux que ce jugement soit
universel il faut considérer l'objet en fonction de critères de beauté au-delà de ma simple distinction.
Ainsi, le rôle du
critique sera de dire si une œuvre est belle ou non mais sa tâche ne s'arrête pas là et pour faire réfléchir l'autre
sans prétention de le faire fléchir dans son jugement, il dira pourquoi cette œuvre peut être considérée comme belle
ou laide.
C'est parce que le jugement est subjectif que nous gardons une certaine réserve et distance par rapport
aux critiques, car nous savons qu'elle peut être dénuée de sens pour l'autre qui n'émettra pas le même jugement.
Le concept de beauté ne va pas sans l'esprit humain : un paysage est beau parce que mon esprit le juge comme
tel.
Or s'il n'y a pas d'esprit pour le dire, ce paysage n'est ni beau ni laid.
La beauté est un concept tout comme la
vérité.
Conclusion :
J'ai raison lorsque je dis que cette œuvre est belle car je la ressens comme telle.
Mais celui qui s'opposera à cette
idée en émettant que l'œuvre est laide aura autant raison que moi car tout comme moi il aura jugé l'œuvre en
fonction de ses sensations et perceptions.
Or, rappelons que l'esthétique est la science de la perception, du goût.
Chacun nous avons des goûts différents et cette pluralité de goût donne une pluralité de jugement.
Mais, tout
comme la vérité, si nous voulons avoir une conception universelle de la beauté elle ne doit pas s'arrêter à la simple
expérience subjective.
La beauté doit correspondre ainsi à certains critères qui nous touchent universellement.
Il en
est de même pour tout acte de jugement : le juge en justice essaiera de trouver ce qui est juste, ce qui est donc
bien et vrai.
Néanmoins, qu'est ce qui est juste ? Il émettra son jugement en le tournant le plus possible vers ce qui
lui semble le mieux en fonction des critères de bien et de vérité (de justice) qui sont universellement reconnus.
Il en
est de même pour la beauté à partir du moment où nous tentons d'énoncer un jugement.
Certes, nous aurons un
premier jugement subjectif qui nous donne raison par rapport à nos émotions et au degré de jouissance que nous
éprouvons face à l'œuvre mais ce jugement peut être remis en question par rapport à la notion de beauté
universelle.
Ainsi, chercher à savoir si j'ai tort ou raison quand je dis qu'une œuvre est belle n'a pas vraiment de
sens : il faut plutôt dire, j'émets un jugement : je dis que cette œuvre est belle.
De cette manière on remet en
contexte l'énoncé « c'est beau » et on sait qu'il s'agit d'un jugement : jugement qui cherchera à être le plus juste
en sachant néanmoins qu'il sera toujours subjectif..
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