Est-il juste que les richesses soient inégalement réparties ?
Extrait du document
«
[Les hommes ne peuvent être égaux qu'en droit.
Pour le reste intelligence, beauté, richesse - il est
normal qu'il y ait des inégalités.
La richesse est la juste récompense du travail et de l'habileté dans les
affaires]
Les talents sont inégaux
Il est juste qu'il y ait des inégalités de richesse parce que les hommes n'ont pas tous la même habileté au
travail et dans les affaires.
Personne ne trouve injuste qu'un génie de l'informatique qui fabrique des produits
uniques dont le monde entier a besoin soit infiniment plus riche qu'un paysan d'Afrique sans formation, qui ne
dispose que de ses mains pour faire un travail que tout le monde peut faire.
La richesse obéit à la loi du marché
a répartition de la richesse n'obéit pas à des principes de morale, mais à la loi du marché et à la loi de l'offre
et de la demande.
Il est normal que celui qui possède des atouts que tout le monde veut posséder soit plus
riche que celui qui n'a aucun talent, aucun avantage, aucune compétence à faire valoir.
L'égalité ne concerne que les droits
D'après John Rawls, la justice, ce n'est pas que tout le monde ait les mêmes biens, mais que tout le monde ait
les mêmes droits.
L'inégalité de richesses est naturelle, non seulement parce que certains individus sont plus
habiles que d'autres, mais aussi parce que tout le monde n'a pas forcément envie d'être riche.
La justice,
c'est que chacun ait les mêmes chances, au départ, de s'enrichir s'il le veut.
Une solution originale a été apportée à cette question par J.
Rawls.
Son livre Théorie de la justice (paru aux
États-unis en 1971) fait date dans l'histoire de la philosophie politique du XX siècle.
Plus personne n'écrit
aujourd'hui en ces matières, sans se référer d'une façon ou d'une autre à Rawls.
La justice s'organise, selon
lui, autour des trois principes suivants:
1 / Chaque personne a un droit égal à un système pleinement adéquat de libertés et de droits de base égaux
pour tous, compatible avec un même système pour tous.
2 / Les inégalités sociales et économiques doivent remplir deux conditions :
a) Elles doivent être attachées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous dans des conditions de
juste égalité des chances.
b) Elles doivent être au plus grand avantage des membres les plus défavorisés de la société.
Le premier principe (1) définit le champ des libertés, le second (2 a) pose la règle de l'égalité des chances, le
troisième (2 b) régit la justice économique.
Ces principes sont liés selon un ordre lexical, ce qui signifie que (1)
prime sur (2), et
que (2 a) prime sur (2 b).
Il faut toujours faire respecter ces principes en suivant cet ordre de priorité.
Le
rapport de (1) à (2) implique que l'on ne peut sacrifier des libertés pour augmenter le bien-être des gens.
On
ne peut restreindre la liberté qu'au bénéfice de la liberté.
De même (2 a) domine (2 b), ce qui veut dire que la
sauvegarde de l'égalité des chances est prioritaire par rapport au bien-être.
Intéressons-nous maintenant au principe qui concerne directement notre question, le principe (2 b), appelé
principe de différence.
C'est lui qui organise les inégalités économiques de la façon la plus juste.
Autrement
dit, l'État tente d'agir sur les inégalités économiques, autant que cela ne remet pas en cause la liberté et
l'égalité des chances.
Rawls en vient à dire qu'il y aura des inégalités justes et des inégalités injustes.
Les
inégalités justes sont celles qui bénéficient aux plus mal lotis.
Par là, Rawls interdit que l'on puisse sacrifier le
bien-être de certains pour le bien commun.
On ne tolérera d'augmenter le bien-être des plus riches que si
celui des plus défavorisés s'accroît également.
Ainsi la justice ne produit pas à proprement parler des inégalités, elle en autorise certaines, qui de ce fait
doivent être reconnues justes.
Du même coup, Rawls résout le problème du mérite.
Le mérite a une signification morale, aussi il n'y a aucun
sens à dire que l'on mérite la position sociale que l'on occupe.
En revanche, il est juste que les talents soient
récompensés, qu'ils viennent de la nature et/ou de la société.
Le salaire, de ce point de vue-là, ne sanctionne
pas.
un quelconque mérite, mais des compétences.
Enfin, les plus talentueux peuvent tirer avantage de leur
situation, mais à condition que ce soit au bénéfice des plus mal lotis.
Par leur capacité, ils sont susceptibles
de produire des richesses qui pourront profiter aux plus démunis.
Voilà résumé le modèle d'une justice solidaire.
Pour finir, il apparaît que la justice peut être inégalitaire, mais encore qu'elle doit l'être jusqu'à un certain
point.
Une société juste se doit de tenir compte de l'avis de ses membres.
On ne conçoit plus aujourd'hui,
dans nos démocraties modernes, l'existence d'une justice idéale et parfaite, coupée de la volonté du peuple.
L'égalitarisme systématique a été le discours de quelques grandes utopies qui ont raisonné sur une idée a
priori de la justice.
Une société rigoureusement égalitariste ne recevra jamais l'adhésion de tous.
La justice nous porte.
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