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Est-il de l'essence de la vérité d'être impuissante ?

Extrait du document

« Introduction L'essence de la vérité postule l'adéquation de la pensée à l'être.

Non seulement le vrai porte l'empreinte du réel, mais surtout l'affirmation d'une réalité que rien ne modifie.

Est vrai tout ce qui nécessaire ou irréfutable.

Est vrai tout ce qui nous interdit de pouvoir penser ou agir autrement.

La vérité donc, en consacrant le réel (l'ordre des choses) le confirme dans sa nécessité indéfectible.

Le vrai ressasserait ainsi l'être dans sa nécessité.

La vérité n'est ce qu'elle est qu'à la condition de revendiquer un ordre du réel qu'elle s'interdit de contrer et qu'elle ne cherche pas à dépasser.

C'est bien le motif de cette impuissance à défier le réel qui constitue le gage de vérité Par essence, la vérité serait-elle alors seulement condamnée à paraphraser la réalité ? Elle serait ainsi une manière de lire l'impuissance humaine confrontée au réel. La vérité ne serait donc pas par essence une interprétation en plus du réel (une façon intelligible de s'y rapporter) mais une lecture en moins de nos propres capacités.

Plus le recours que nous ferons à celles-ci se fera dans un registre étroit, plus elles seront aisément vérifiables.

Voyez, par exemple, comment une chaîne des raisons (catena rationis) à l'oeuvre dans la discursivité mathématique, sert le plus souvent de modèle à la vérité.

En revanche, moins un discours ou une pensée se déploie more geometrico, davantage prend-il de liberté vis-à-vis de lui-même, et davantage est-il douteux.

Est-il donc de l'essence de la vérité de ne jamais pouvoir inventer et toujours de répéter le nécessaire ? 1.

LA VÉRITÉ EST UN DISCOURS, NON UNE PROPRIÉTÉ DU RÉEL Cette distinction est particulièrement riche.

En tant que simple discours ou parole, la vérité n'ajoute rien au réel, elle semble impuissante.

Mais dans la mesure où elle n'est pas une propriété de celui-ci elle ne lui est pas non plus rivée.

Qu'est-ce à dire ? La vérité est une invitation à la compréhension, elle ne se borne pas à décrire la réalité.

La vérité est une saisie par la cause, une explication.

Voir par la pensée est plus que voir par les yeux.

Ce voir est donc un pouvoir. II.

CONNAISSANCE ET PUISSANCE « Nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature.

» À l'instar de Descartes (mais aussi de Bacon, pour lequel la connaissance est un pouvoir) la compréhension des causes et des effets selon des principes clairs confirme la puissance naturelle de l'homme sur la nature, et a-ton envie de dire sur sa nature, avec Spinoza (IVe et Ve parties de l'Éthique).

Les passions ne sont par exemple jamais aussi fortes que par l'ignorance dans laquelle nous sommes de leurs causes véritables. Nous agissons vraiment, nous sommes « actifs », lorsque nous sommes par nous-mêmes la cause de nos actes et de nos sentiments. Nous sommes au contraire « passifs » quand nos actes, nos sentiments ne s'expliquent pas par nous, mais par des causes extérieures. Or, comme toute partie de la nature, nous subissons nécessairement l'action de causes extérieures.

Nous sommes donc nécessairement en proie aux passions : elles sont les affections du corps et les sentiments de l'âme, dont nous ne sommes pas la cause, et qui nous poussent à certains actes. Mais il y a passion et passion.

Toute passion n'est pas mauvaise : si les choses extérieures ont un effet positif sur moi, augmentent ma perfection, ma puissance, j'éprouve une joie.

Si elles restreignent ma puissance, ma capacité de penser et d'agir, j'éprouve une tristesse.

Toute joie, signe d'un perfectionnement, est bonne, toute tristesse, signe d'un amoindrissement, est mauvaise.

Le sage s'efforce donc de favoriser les passions joyeuses et de chasser les passions tristes. Toute passion dans l'âme est passion dans le corps, et toute action dans l'un est aussi action dans l'autre.

Il est donc absurde de penser que l'âme pourrait se perfectionner au détriment du corps. La vérité est un pouvoir.

Mais quel crédit a ce pouvoir en regard d'une nature par ailleurs que nous jugeons répondre à un ordre causal et nécessaire ? III.

LE POUVOIR DU VRAI : DISTINGUER LE DROIT DU FAIT Le pouvoir que la vérité garde sur le réel est celui du doute.

Que sommes-nous en droit de tenir pour certain ? Le doute cartésien est ce procédé par lequel nous voyons la réalité et l'univers chanceler sur leurs bases et ployer sous la plus légère hypothèse et interrogation de vérité.

Le pouvoir de la vérité est d'arracher l'assentiment au fait pour le porter au « droit ».

Cela dépasse naturellement la considération de la première méditation métaphysique. D'une manière générale ou par extension, nous pourrions dire que l'amour du vrai n'est possible que par le maintien d'une norme au réel, irréductible à ce même réel.

La puissance de la vérité tient à sa capacité de conférer une valeur (un droit) à l'existence, à réinvestir la vie d'un sens inassimilable à son seul fait brut et borné.

La vérité renouvelle l'attache de l'homme à l'existence, sous la forme par exemple d'une valeur à vivre. Conclusion La vérité, certes, n'excède pas le réel, sinon nous ne pourrions prétendre à une quelconque vérité-adéquation.

Mais cela n'autorise nullement à dire que la vérité est d'essence impuissante.

Elle est le lien de réconciliation de l'homme à la vie (la vérité rendant libre), elle ne détruit donc pas le réel, ni ne le répète, mais elle l'humanise, à la différence du mensonge qui déréalise l'humain ou l'oppose au réel.

La vérité « ajuste » et guide l'intelligence en la disciplinant à la complexité de la réalité.. »

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