Est-il contradictoire de reconnaître des différences et de désirer l'égalité entre les individus ?
Extrait du document
«
Les hommes sont des êtres originaux.
On ne peut pas trouver deux êtres humains absolument semblables.
La difficulté s'accroît entre des individus issus
de traditions, de cultures et de vie totalement différentes.
De nos jours, cette différence est reconnue et même jugée indispensable.
La diversité du genre
humain fait sa richesse.
Reconnaître les différences, c'est selon le sens du mot l'action d'admettre quelque chose qui était d'abord méconnu ou nié.
C'est
donner une position sociale et humaine à la diversité des êtres humains.
Dès lors comment accorder une égalité à tous les humains ? Parler de
contradiction, c'est dire que l'on soutient en même temps une proposition et son contraire, deux choses qui ne peuvent pas être vraies en même temps.
Il
s'agit alors ici s'il est possible de parler dans un même temps de différence et de qualité.
Le terme « égalité » est un terme complexe ; ses acceptations
varient et ses domaines d'application sont multiples.
Le concept provient à l'origine des mathématiques.
Il signifie un certain rapport entre des grandeurs en
vertu duquel elles peuvent être substituées l'une à l'autre.
Or, en ce qui concerne les êtres humains, ils ne semblent nullement substituables puisque mon
individualité est unique.
Pourtant n'y a-t-il une base commune à l'humanité ? L'égalité ne concerne-t-elle pas seulement le domaine moral et de droit ? De
plus, parler de différences ne présuppose pas, comme pour Aristote, un fond commun, une certaine identité ?
Les différences rendent impossibles la stricte égalité entre les hommes
- Nous l'avons dit l'égalité, en son sens originel, désigne deux objets mathématiques équivalents.
Dans le vocabulaire technique et critique d'A ndré
Lalande, l'équivalence est posée quand les deux objets ne diffèrent en rien.
Dans une formule mathématique, est égal ce qui peut se substituer.
Or, l'être
humain est une réalité unique.
Chacun manifeste, en effet, sa subjectivité qui est la sienne propre.
Dès lors, je ne peux pas être égal, substituable par mon
voisin ou mon ami.
Ma différence, ma singularité est intrinsèque même à mon essence.
- De plus, affirmer ou désirer l'égalité, c'est vouloir niveler les différences et en définitive les nier.
Ce contre quoi Nietzsche s'élèvera de manière virulente :
en effet, pour lui affirmer que tout être humain se vaut, c'est étouffer l'humanité dans la médiocrité et ne pas laisser au
génie le moyen de s'exprimer.
Il dit dans Zarathoustra, « […] c'est ainsi que la justice me parle à moi : « les hommes ne
sont pas égaux.
»/ Et il ne faut pas non plus qu'ils le deviennent ! ».
Déclarer l'égalité de tous, c'est accorder la même
valeur à tous alors que pour Nietzsche, rien n'est plus important que la reconnaissance du génie et des personnalités
fortes, surtout dans le domaine culturel.
- Enfin, le désir d'égalité amène à une dissolution des valeurs.
Pour Sartre, les hommes sont ce qu'ils font.
Or, dire qu'ils
se valent, c'est donner une même valeur à des types d'actions et de vie totalement opposés.
C'est leur permettre alors
de faire n'importe quoi.
A ristote nous enseignait déjà pourtant qu » à des gens différents, il est juste et mérité qu'il
revienne quelque chose de différent.
» Demander l'égalité, c'est pour chacun s'exposer au fait que ses actes et mérites
ne valent plus rien et soient récompensés par la même chose que les actions d'autres qui font moins d'effort.
L'égalité se base sur un fond commun de l'espère humaine et ne concerne que la dignité
- Pourtant, il faut bien comprendre que l'égalité qui prévaut dans le domaine humain n'est pas la stricte égalité
mathématique.
Les hommes ne désirent pas que les individus soient considérés comme égaux et substituables dans
tous les domaines.
Ce qu'il faut, c'est affirmer la communauté qui fonde l'humanité.
Celle-ci est bien une espèce
distincte dans la nature, basée sur une certaine ressemblance fondamentale.
Sinon, pourquoi la classer dans une
catégorie et une classe à part ?
-Pour Proudhon, cette communauté réside dans la possession pour tous de la raison.
Il faut reconnaître dans chaque
homme l'existence de la raison qui lui donne la dignité.
La justice dès lors est pour lui "le respect spontanément
éprouvé" pour la dignité en quelque personne.
" De l'identité de la raison chez tous les hommes, et du sentiment de
respect qui les porte à maintenir à tout prix leur dignité mutuelle, résulte l'égalité devant la justice." (De la justice dans la révolution) Toute vie humaine est
digne.
C 'est sur ce principe de transcendance de la vie humain que se basent les principes actuels de bioéthique, notamment ceux sur l'euthanasie.
- L'égalité est ainsi une égalité de droit tel que l'énonce la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
« Tous les hommes naissent libres et égaux en
droit ».
Ce qui signifie que la justice et les institutions ne doivent pas accorder moins de droits à certains individus sous prétexte qu'ils sont issus d'un
milieu défavorable ou qu'ils sont d'une couleur autre que la dominante.
« Un juge siège comme un arbitre dans un procès civil.
Il ne veut pas savoir si l'un
des plaideurs est riche et l'autre pauvre… Ici, le pouvoir du juge n'est que pour établir l'égalité » (A lain, Propos d'un normand) Dans cette égalité de droit, je
ne déclare pas les individus identiques mais je les traite sans préférence, avec justice.
- L'égalité est alors un fond sur lequel prend naissance la reconnaissance de la subjectivité de chacun et lui donne la liberté de s'affirmer librement.
C'est
donner la possibilité dans une société à chacun de s'épanouir et de révéler son génie.
Les différences n'apparaissent que sur une égalité de fond
- Le désir universel d'égalité en définitive ne pose pas sur la négation des différences, mais sur la critique d'un jugement basé sur ces mêmes différences.
C e jugement de supériorité a mené à des désastres.
Hitler en est sûrement l'exemple le plus criant.
Il a en effet déclaré que les juifs étaient des soushommes, qu'ils n'avaient pas le droit de vivre.
C e qu'il faut reconnaître, c'est qu'il semble imposer d'établir des supériorités entre les hommes et dans leurs
différences.
- Pour Bayle, la nécessité d'affirmation de l'égalité de valeur se justifie par le caractère de la connaissance humaine : nous ne pouvons connaître la vérité, ni
en déterminer les critères absolus.
La multiplicité des points de comparaison semble de toute façon rendre impossible d'affirmer qu'un individu est supérieur
à un autre.
Dès lors, l'égalité a l'avantage de rendre impossible cette ségrégation.
- Enfin, la différence n'exclut pas la ressemblance, la différence apparaît au sein des choses qui ont des éléments identiques.
Aristote définit ainsi la
différence dans la Métaphysique : « Différent se dit des choses hétérogènes qui sont identiques sous quelques points de vue.
» C 'est bien parce que les
hommes partagent une origine commune qu'il est possible de distinguer entre eux des éléments non-identiques.
- Ainsi, si identité et différence s'opposent et s'excluent, l'égalité peut être conciliée avec la différence.
L'égalité admet la différence tant que celle-ci ne
prétend pas être le droit.
La différence est un fait, mais ne mène pas au droit.
L'égalité est donc un principe selon laquelle une similitude est reconnue a des
êtres différents.
A insi, la contradiction entre différence et égalité dépend du sens accordé aux mots mais aussi au domaine dans lequel on se place pour réfléchir.
L'égalité
dans le sens de substitution, d'équivalence stricte nie les différences.
Aucun homme est substituable à un autre du fait même de son unicité, de sa
subjectivité.
Pourtant dans le domaine du droit, l'égalité peut être posée.
Elle stipule seulement qu'il faut reconnaître à tous la dignité puisque chaque être
fait partie de l'humanité.
De plus, elle permet d'exclure les différences de rang pour traiter les personnes avec justice.
Mais il faut bien comprendre que cette
exigence d'égalité se base sur une impossibilité de hiérarchiser les différences et de juger un homme.
Enfin, les différences ne peuvent apparaître que dans
un groupe qui partage certains points en commun.
Dès lors, on peut affirmer la différence quand elle se fait sur un fond de ressemblance et d'égalité..
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