Est-ce une marque de sagesse de limiter ses désirs à la mesure de ses besoins ?

« Peut-on désirer autre chose que d'être heureux ? Introduction Qui ne désirerait être heureux ? Nul homme assurément.

Mais cela suffit-il pour affirmer que l'homme ne désire jamais rien d'autre que d'être heureux ? La quête du bonheur suffit-elle à expliquer tous les comportements humains, voire à résumer toutes ses aspirations ? L'homme semble parfois agir de façon altruiste, c'est-à-dire qu'il semble faire passer le bonheur d'autrui avant son propre bonheur.

Il semble aussi parfois agir contre son propre intérêt, mû par une pulsion qui semble le conduire inexorablement à sa propre perte.

Il peut aussi, nageant dans ce qu'il pensait devoir lui apporter le bonheur, faire l'expérience de l'ennui, ou même d'une difficulté d'être qu'il ne sait à quelle cause attribuer, comme s'il était porteur d'une aspiration à laquelle il est incapable de donner nom et contenu.

L'homme ne désire-t-il donc jamais rien d'autre que d'être heureux ? I) Le bonheur résume l'ensemble des aspirations humaines. A) Le désir est spontanément orienté vers le bonheur, de même que l'esprit est orienté vers la vérité. 1) Par définition, le désir est désir de ce qui nous rend heureux. 2) Lors même que l'homme, en agissant, fait son propre malheur, il ne peut agir ainsi que parce qu'il croit tendre au bonheur. (Saint Augustin) 3) La sagesse consiste à savoir comment rechercher le bonheur de manière à l'atteindre.

(Épicure) • La façon irréfléchie dont la plupart des hommes recherchent le bonheur est le principal, voire le seul obstacle au bonheur. (Épicure) B) Lorsque l'homme agit en ayant pour but le bonheur d'autrui, c'est que celui-ci est devenu une condition, voire une partie, de son propre bonheur.

(Stuart Mill) 1) Dans la mesure où l'homme est un être social, le but visé n'est pas seulement le bonheur privé mais également le bonheur collectif. 2) L'action altruiste ne fait donc qu'apparemment exception au principe selon lequel chacun recherche le bonheur. C) Quel type d'homme ne voit pas ce qu'il pourrait désirer d'autre que d'être heureux ? (Nietzsche) 1) Le « dernier homme » = l'homme le plus méprisable n'aspire qu'au bonheur, c'est-à-dire au bien-être, au confort, à la sécurité. 2) Cette aspiration est le symptôme d'une forme de vie affaiblie, décadente, qui n'aspire plus qu'au repos. 3) L'homme qui incarne une forme de vie conquérante ressent l'action comme son état normal, et non comme un effort réalisé en vue de parvenir à un état final, le bonheur, qui ferait cesser cet effort.

Il éprouve dans la tension de l'effort le plaisir de sentir toutes ses forces vitales en action. II) Mais voudrait-on être heureux à n'importe quel prix ? A) Notre aspiration au bonheur n'est jamais inconditionnelle. 1) La figure de l'« imbécile heureux » nous inspire pitié plus qu'envie. 2) Tout bonheur suppose ou entraîne une certaine inconscience du tragique de l'existence. • La lucidité de l'ironiste révèle une conscience douloureuse des contradictions de l'existence humaine.

(Kierkegaard) « La bêtise, c'est l'aptitude au bonheur.

» (Anatole France) 3) La promesse du bonheur peut conduire l'homme à renoncer à ses plus hautes aspirations. • Ex.: la figure du « Grand Inquisiteur » qui promet aux hommes le bonheur en échange de leur liberté.

(Dostoïevski) B) Pour déchiffrer les comportements humains, il faut chercher ce qu'ils fuient et non ce à quoi ils aspirent.

(Schopenhauer) 1) Les hommes fuient la douleur plus qu'ils n'aspirent au plaisir. 2) Là où toute douleur a disparu, c'est l'ennui et non le bonheur qui est au rendez-vous.

L'ennui est le signe que le bonheur est inaccessible, voire n'est qu'une idée creuse. • « Il n'existe qu'une seule erreur innée, celle qui consiste à croire que nous existons pour être heureux.

» (Schopenhauer) 3) La philosophie a pour but, en démystifiant ce « miroir aux alouettes » qu'est l'idée de bonheur, de nous affranchir de tous ceux (partis politiques, religions, sagesses, « philosophies »...) qui, en nous promettant le bonheur, prétendent nous dicter notre conduite. Pour obtenir la suite de ce devoir un second et dernier code PassUp est nécessaire. »