Est-ce sur la confiance que repose toute l'existence de l'homme ?
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La confiance est le pilier de la vie sociale, puisque, loin de représenter pour nous une menace, autrui nous apporte quotidiennement une aide que nous sommes prêts à lui fournir en réciprocité : la société fonctionne alors comme une immense entreprise coopérative. Elle ne se scinde pas en deux catégories bien distinctes d'usagers et de prestataires de service, mais l'ordre social offre l'image d'une combinaison d'actions individuelles dont l'efficacité se mesure à la conscience de chacun d'être à la fois usager et agent. Certes, le dérèglement, même minime, d'un rouage de la machine sociale en bloque le fonctionnement, mais nous mettons immédiatement tous nos efforts à la remettre en marche. On peut s'interroger sur les causes de cette division du travail et de son bon fonctionnement. En fait, c'est par une sorte de seconde nature que nous nous intégrons à l'édifice social, alors même que nous y étions prédisposés : la famille, les enseignants mais aussi tous ceux que nous admirons, nous fournissent des modèles de comportement auxquels nous tendons à nous conformer.
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La confiance est le pilier de la vie sociale, puisque, loin de représenter pour nous une menace, autrui nous apporte
quotidiennement une aide que nous sommes prêts à lui fournir en réciprocité : la société fonctionne alors comme une
immense entreprise coopérative.
Elle ne se scinde pas en deux catégories bien distinctes d'usagers et de prestataires de service, mais l'ordre social offre
l'image d'une combinaison d'actions individuelles dont l'efficacité se mesure à la conscience de chacun d'être à la fois
usager et agent.
Certes, le dérèglement, même minime, d'un rouage de la machine sociale en bloque le fonctionnement, mais nous mettons
immédiatement tous nos efforts à la remettre en marche.
On peut s'interroger sur les causes de cette division du travail et de son bon fonctionnement.
En fait, c'est par une sorte
de seconde nature que nous nous intégrons à l'édifice social, alors même que nous y étions prédisposés : la famille, les
enseignants mais aussi tous ceux que nous admirons, nous fournissent des modèles de comportement auxquels nous
tendons à nous conformer.
Le texte de Bertrand de Jouvenel a été écrit en 1945, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ; on y trouve d'ailleurs
des allusions claires à ce passé récent : « des causes perturbatrices les plus colossales », « les fils que le bombardement
ou l'insurrection ont rompus ».
A cette époque, dans une Europe en ruines, l'ordre du jour était à la reconstruction, à la
coopération de tous pour le redressement économique.
Plus de quarante ans après, le contexte historique et social ayant
considérablement changé, pouvons-nous encore affirmer comme B.
de Jouvenel que « c'est sur la confiance que repose
l'existence de l'homme social » ?
I.
On pourra, dans un premier temps, remarquer qu'en fait la société dans laquelle nous vivons connaît aussi, et très
souvent, une crise de la confiance et adopte des comportements de méfiance avec autrui.
On analysera ainsi,
successivement :
1.
Les comportements de peur :
a) Le développement urbain, la concentration des grands ensembles autour des centres industriels ont favorisé le
développement de la petite délinquance (vols à la tire, vandalisme, vols de voitures, etc.) et de ce fait provoqué la peur
chez les citadins, phénomène compréhensible certes, mais souvent poussé à l'extrême.
b) Les médias jouent un rôle important dans le conditionnement des esprits : la presse parlée et surtout la presse écrite
«à sensation » insistant complaisamment sur l'horreur de tel ou tel fait divers sanglant.
c) Les conséquences de ces phénomènes de peur sont le repli sur soi, à l'abri de sa porte blindée, la crainte de sortir dans
certains lieux ou à certaines heures, voire les réflexes d'autodéfense qui ont pu être meurtriers comme on l'a vu dans
différentes affaires récentes.
2.
Les manifestations de la méfiance.
a) Dans beaucoup de nos actes comportant un échange (en particulier nos achats) nous avons recours à des documents
écrits nous garantissant la loyauté d'autrui : contrats, engagements, garanties...
b) Dans la vie quotidienne, nous sommes soumis à des contrôles, indices d'une méfiance d'autrui, bien que cette méfiance
puisse se légitimer : contrôles d'identité, demande d'ouverture des sacs à l'entrée des magasins ou de certains lieux
publics, surveillance par caméras vidéo ; en période d'insécurité (comme nous l'avons vu récemment lors d'attentats
terroristes), ces mesures sont renforcées et peuvent devenir très pesantes.
c) Enfin, d'une manière plus générale, l'homme moderne manque spontanément de confiance envers l'autre, l'inconnu, le
trop différent.
Les préjugés (raciaux, sociaux, familiaux) peuvent alors jouer un rôle prépondérant : en ce qui concerne la
méfiance, nous avons aussi des modèles de comportement.
II.
Dans un deuxième temps, on pourra montrer que, quoi qu'il en soit, la confiance apparaît bien comme un moteur
essentiel de la société.
1.
Un monde où règne la confiance absolue entre des hommes vertueux représente un vieux rêve de l'Homme.
On se
référera à Rabelais (l'abbaye de Thélème dans Gargantua), à Montesquieu (l'univers des bons Troglodytes dans les Lettres
Persanes), à Voltaire (l'Eldorado dans Candide) ou à l'univers rêvé par Baudelaire dans «j'aime le souvenir de ces époques
nues » (Les Fleurs du Mal).
Dans toutes ces utopies, il n'est nul besoin d'engagement par contrat et chacun concourt
naturellement au bonheur de ses semblables.
2.
La réalité sociale.
a) La confiance représente un argument moral ; quand nous disons à autrui : « Je vous fais confiance », ou quand autrui
nous dit : « Vous pouvez me faire confiance », nous souscrivons avec lui une sorte de contrat moral auquel nous ne
saurions faillir sans nous déconsidérer.
Trahir la confiance de quelqu'un nous apparaît comme une lâcheté, et la justice
connaît même le délit d'« abus de confiance ».
b) La confiance représente même un argument publicitaire : « Faites-nous confiance, disent les annonceurs, "nous sommes
une maison de confiance" ; nous vous proposons des "contrats de confiance"...
» Le mot prend alors une vertu quasi
magique.
c) Enfin, il convient de reprendre l'analyse de Bertrand de Jouvenel sur l'ordre social comme « merveilleuse composition de
millions de trajectoires individuelles ».
Il envisage ici le cas des services publics et du commerce, mais nous pouvons
envisager d'autres domaines comme l'éducation ou la médecine où la confiance réciproque des « usagers » et des
spécialistes joue un rôle prépondérant.
On pourra conclure sur l'idée que la confiance à l'échelle sociale peut sembler une notion quelque peu remise en cause
dans la société actuelle, qu'un homme confiant peut facilement passer pour naïf voire inconscient, mais qu'elle reste et doit
rester un pilier fondamental des relations humaines pour la sécurité et l'épanouissement de chacun..
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