Est-ce par son travail que l'homme prend conscience qu'il a une histoire ?
Extrait du document
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Introduction
Le travail est souvent présenté comme une servitude et l'expression d'une inégalité.
Les salaires ne sont pas proportionnels au travail
et la division du travail, de plus en plus complexe dans un système industriel de type capitaliste, engendre de nouvelles inégalités et
opère de nouveaux partages.
Pourtant le travail n'est pas seulement un moyen de survivance, coextensif à la culture, tout comme la
technique qui le suppose ; le travail est une activité par laquelle l'homme se distingue totalement de l'animal.
Mais est-ce bien par le
travail que l'homme prend conscience de son histoire ? N'est-ce que par le travail ? Le travail, épuisant les forces de l'homme, n'est-il
pas pour l'homme un obstacle à la prise de conscience de soi ? N'est-ce pas un paradoxe de vouloir penser le travail comme le moyen
de prendre conscience de son histoire ?
I.
L'homme prend conscience de son histoire par le travail (exposition de la thèse de
Hegel)
La relation du maître et de l'esclave lie dans l'inégalité deux consciences de soi, habitées par un
même désir de reconnaissance.
L'esclave survit à la lutte à mort originelle en intériorisant sa
propre mort, en reconnaissant la puissance de son adversaire et partant, en abdiquant la liberté.
Le maître, pour être reconnu dans sa dignité humaine, a risqué sa vie, a affronté la mort.
L'esclave, sous l'effet de la peur et de la discipline, acquiert la maîtrise du monde et de soi.
En
travaillant il fait l'expérience qu'il satisfait, en la personne du maître, les besoins et désirs d'un
autre homme; il est en contact direct avec la matière qu'il façonne.
Il transforme et humanise la
nature.
Il reconnaît dans son ouvrage les traits qu'il y a imprimés.
Pour réaliser son ouvrage, il
conçoit un projet qu'il exécute et apprend la patience et la nécessité de poursuivre résolument ce
qui a été entrepris.
Le maître, lui, éprouve, tout au contraire, une jouissance passive en
consommant les objets que l'esclave met à sa disposition et sombre dans l'oisiveté et l'inculture.
Il devient l'esclave de l'esclave, qui se libère et gagne une incomparable maîtrise.
Par le travail
l'esclave devient persévérant, endurant et ingénieux ; il se sait utile, et se reconnaît comme être
social et temporel.
Les instruments de travail, les objets fabriqués, peuvent se transmettre de
génération en génération.
L'esclave s'éprouve ainsi indépendant des objets et source du progrès
historique.
Par le travail, l'homme prend conscience qu'il a une histoire.
II.
Réfutation de cette thèse (par la thèse marxiste du travail aliéné)
L'avènement de la grande industrie bouleverse radicalement le système économique antérieur.
Le
processus du travail (relation que l'homme en tant que producteur entretient avec la nature) s'est
trouvé lui-même modifié :
L'instrument de travail est la machine.
Le travail s'applique à une matière déjà transformée.
Autrefois le travailleur et son outil formaient une unité ; désormais, c'est la machine et une
matière déjà transformée qui forment une unité.
L'ouvrier est dépossédé de son instrument de
travail.
Le travailleur est asservi à la machine, qui commande désormais l'intervention du
travailleur, mais que le travailleur utilise, sans en connaître le fonctionnement.
De plus, le
travailleur n'effectue que des tâches parcellaires et n'éprouve plus la joie de fabriquer un objet ni
d'avoir achevé son travail.
L'ouvrier est contraint, pour survivre, de vendre sa force de travail à ceux qui possèdent les
moyens de production, et exploitent cette force de travail pour en tirer profit.
Le travail est extérieur à l'ouvrier; il n'est pas perçu comme une activité heureuse ; il s'éprouve
comme une perte, une négation de soi (cf.
Marx, Manuscrits de 1844).
Le travail est « aliéné », il diffère de la vraie vie, séparée du travail.
Le travail réduit l'ouvrier à
mener une vie animale en vue d'une satisfaction de ses besoins, séparée du travail.
Le temps libre, octroyé au XXe siècle grâce au développement économique, est souvent utilisé
par les plus pauvres pour un travail supplémentaire dans le but d'améliorer leur niveau de vie.
Les travailleurs se trouvent ainsi tenus à l'écart des loisirs et des plaisirs qu'ils offrent (cf.
J.
Baudrillard, La Société de consommation ).
Le travail abrutit, épuise, consume (cf.
Nietzsche, Aurore) ; il occulte la conscience de soi.
Il ne
peut être pour l'homme le moyen de prendre conscience de lui-même ni par conséquent de son histoire.
III.
Contradiction du travail aliéné et prise de conscience de l'histoire
Cependant, les travailleurs font l'expérience d'une certaine oppression et s'organisent pour lutter contre elle dans l'espoir de
transformer la société, au moyen des grèves, manifestations, organisations syndicales et politiques.
1.
La volonté de transformer les conditions sociales suppose la conscience de l'histoire.
L'histoire se caractérise par les changements,
la nouveauté, la possibilité du progrès (Hegel, Leçons sur la philosophie de l'histoire).
2.
Par ailleurs, on ne peut agir sur les mécanismes d'un système sans savoir dans quelles conditions il a été engendré ni comment il
peut se reproduire.
Ce n'est pas seulement la prise de conscience de l'histoire en tant qu'histoire des classes et de leurs luttes, c'est la
connaissance de l'histoire qui est nécessaire pour transformer les conditions d'existence..
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