Est-ce par son travail que l'homme prend conscience qu'il a une histoire ?
Extrait du document
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Travailler, ce peut être s'appuyer sur des techniques, sur une formation, sur une tradition.
Mais la connaissance
de ce passé suffit-elle à fonder une conscience de l'histoire ? Que signifie concrètement pour l'homme prendre
conscience qu'il a une histoire ? Est-ce simplement la connaissance du passé ? Le travail a-t-il pour fonction cette
prise de conscience ? Le travail, c'est aussi l'expérience de la satisfaction différée dans le temps.
C'est une
expérience concrète, tournée vers l'avenir de l'homme existant réellement, et non une connaissance abstraite du
passé.
Que l'homme ait à travailler pour vivre, pour satisfaire son désir, cela signifie que son désir s'ouvre à une
histoire, en ne pouvant être satisfait de manière immédiate (ici et maintenant).
C'est en ce sens précis que l'homme
prend conscience de son être historique par le travail.
C'est une idée originale de Hegel puisqu'elle suppose que la
conscience a une condition pratique, qu'il n'y a pas de conscience purement théorique.
N'y a- t-il pas d'autres
moyens de prendre conscience de l'histoire? On peut penser à l'histoire comme discipline historique, comme
connaissance du passé.
Mais c'est justement ce à quoi s'oppose l'idée de Hegel, car cette histoire n'est qu'une
conscience purement théorique du passé.
Ainsi, l'historien est contraint pour prétendre à une connaissance
objective de l'histoire de s'extraire de son présent, de son histoire à lui, pour en faire la critique.
Pour Hegel, prendre
conscience de l'histoire, ce n'est pas la même chose qu'avoir connaissance de l'histoire.
C'est un vécu, et c'est la
prise de conscience pour chaque homme de son être historique.
Mais le travail, même s'il est prise de conscience de
l'être historique de l'homme (qui travaille pour différer sa satisfaction, qui met le temps et l'histoire dans son désir),
n'oblige-t-il pas à n'avoir qu'une conscience du présent ? L'aliénation à un travail épuisant n'empêche-t-elle pas
toute conscience d'histoire ?
Introduction
Le travail est souvent présenté comme une servitude et l'expression d'une inégalité.
Les salaires ne sont pas
proportionnels au travail et la division du travail, de plus en plus complexe dans un système industriel de type
capitaliste, engendre de nouvelles inégalités et opère de nouveaux partages.
Pourtant le travail n'est pas seulement
un moyen de survivance, coextensif à la culture, tout comme la technique qui le suppose ; le travail est une activité
par laquelle l'homme se distingue totalement de l'animal.
Mais est-ce bien par le travail que l'homme prend
conscience de son histoire ? N'est-ce que par le travail ? Le travail, épuisant les forces de l'homme, n'est-il pas pour
l'homme un obstacle à la prise de conscience de soi ? N'est-ce pas un paradoxe de vouloir penser le travail comme
le moyen de prendre conscience de son histoire ?
I.
L'homme prend conscience de son histoire par le travail (exposition de la thèse de Hegel)
La relation du maître et de l'esclave lie dans l'inégalité deux consciences de soi, habitées par un même désir de
reconnaissance.
L'esclave survit à la lutte à mort originelle en intériorisant sa propre mort, en reconnaissant la
puissance de son adversaire et partant, en abdiquant la liberté.
Le maître, pour être reconnu dans sa dignité
humaine, a risqué sa vie, a affronté la mort.
L'esclave, sous l'effet de la peur et de la discipline, acquiert la maîtrise
du monde et de soi.
En travaillant il fait l'expérience qu'il satisfait, en la personne du maître, les besoins et désirs
d'un autre homme; il est en contact direct avec la matière qu'il façonne.
Il transforme et humanise la nature.
Il
reconnaît dans son ouvrage les traits qu'il y a imprimés.
Pour réaliser son ouvrage, il conçoit un projet qu'il exécute
et apprend la patience et la nécessité de poursuivre résolument ce qui a été entrepris.
Le maître, lui, éprouve, tout
au contraire, une jouissance passive en consommant les objets que l'esclave met à sa disposition et sombre dans
l'oisiveté et l'inculture.
Il devient l'esclave de l'esclave, qui se libère et gagne une incomparable maîtrise.
Par le
travail l'esclave devient persévérant, endurant et ingénieux ; il se sait utile, et se reconnaît comme être social et
temporel.
Les instruments de travail, les objets fabriqués, peuvent se transmettre de génération en génération.
L'esclave s'éprouve ainsi indépendant des objets et source du progrès historique.
Par le travail, l'homme prend conscience qu'il a une histoire.
II.
Réfutation de cette thèse (par la thèse marxiste du travail aliéné)
L'avènement de la grande industrie bouleverse radicalement le système économique antérieur.
Le processus du
travail (relation que l'homme en tant que producteur entretient avec la nature) s'est trouvé lui-même modifié :
L'instrument de travail est la machine.
Le travail s'applique à une matière déjà transformée.
Autrefois le travailleur et
son outil formaient une unité ; désormais, c'est la machine et une matière déjà transformée qui forment une unité.
L'ouvrier est dépossédé de son instrument de travail.
Le travailleur est asservi à la machine, qui commande
désormais l'intervention du travailleur, mais que le travailleur utilise, sans en connaître le fonctionnement.
De plus, le
travailleur n'effectue que des tâches parcellaires et n'éprouve plus la joie de fabriquer un objet ni d'avoir achevé son
travail.
L'ouvrier est contraint, pour survivre, de vendre sa force de travail à ceux qui possèdent les moyens de production,
et exploitent cette force de travail pour en tirer profit.
Le travail est extérieur à l'ouvrier; il n'est pas perçu comme une activité heureuse ; il s'éprouve comme une perte,
une négation de soi (cf.
Marx, Manuscrits de 1844).
"Le travail aliéné renverse le rapport de telle façon que l'homme, du fait qu'il est un être conscient, ne fait
précisément de son activité vitale, de son essence qu'un moyen de son existence." Marx, Manuscrits de 1844.
Marx a décrit dans son oeuvre les mécanismes d'exploitation de l'homme par l'homme.
Il a dénoncé l'aliénation de.
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