Est-ce le droit qui fonde la justice ou la justice qui fonde le droit ?
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VOCABULAIRE:
JUSTICE:
a) Juste reconnaissance du mérite et des droits de chacun.
b) Caractère de ce qui est conforme au droit positif (légal) ou au droit naturel (légitime).
DROIT:
a° Un droit: liberté d'accomplir une action (droit de vote); possibilité d'y prétendre ou de l'exiger (droit au travail,
droit de grève).
b° Le droit: ce qui est légitime ou légal, ce qui devrait être, opposé au fait, ce qui est.
c° Ce qui est permis par des règles non écrites (droit naturel) ou par des règles dûment codifiées (droit positif).
Le droit positif est l'ensemble des règles qui régissent les rapports entre les hommes dans une société donnée.
Le
droit naturel est l'ensemble des prérogatives que tout homme est en droit de revendiquer, du fait même de son
appartenance à l'espèce humaine (droit au respect).
Le droit semble se confondre avec la justice : ce qui est droit est juste, le droit est la réalisation du juste (jus,
juris) à travers un ensemble de lois.
Ce qui signifie aussi que la justice passe forcément par l'élaboration de lois donc
par le droit.
En ce sens, pas de justice sans droit.
S'il n'y a pas de lois, il n'y a pas de justice possible en ce monde
c'est-à-dire pas de respect possible entre les hommes, pas d'harmonie des libertés.
De même, mais inversement cette fois, on se demande si le droit est possible sans le sens même de la justice.
Comment faire des lois justes sans savoir ce qui est juste? Le droit aussi passe donc forcément par la justice.
Dans ce cas, on ne peut que s'interroger sur le rapport entre droit et justice et sur ce qui les fonde respectivement
et réciproquement.
Le droit serait-il antérieur à la justice ou inversement? Faut-il des lois justes pour être juste ou
bien être d'abord juste pour prétendre à des lois justes?
On comprend aussi que ces deux possibilités ne s'excluent pas forcément et que c'est à la fois par le droit (les lois)
et le sens intime de la justice que la société humaine tend à plus de respect et de paix entre les hommes : les lois
seraient nécessaires là où le sens de la justice serait absent, et inversement, le sens de la justice pourrait rectifier
des lois parfois injustes.
Cependant, on ne voit pas bien comment s'entretiennent mutuellement ces deux notions, ni si l'une est première par
rapport à l'autre qui viendrait la redresser en retour.
Ici, on se demande donc si c'est le sens de la justice qui rend d'abord possible le droit (mais dans ce cas alors :
pourquoi des lois?), ou bien si c'est le droit qui rend d'abord possible la justice (mais dans ce cas alors : pourquoi
des lois sont-elles injustes?), le but étant bien sûr de trouver le meilleur rapport possible entre politique et morale
pour que la société humaine progresse en matière de respect des libertés.
On peut tout d'abord poser que c'est le droit qui fonde la justice, au sens ou la morale humaine ne peut voir le jour
que dans une société politique aux lois justes.
En ce sens, ce serait bien les lois qui rendraient les hommes justes,
lesquels, sans elles, ne seraient que dans des rapports de force et de guerre, se menaçant les uns les autres et ne
se respectant pas.
Il est clair que sous cet angle, on ne peut croire en une quelconque bonté humaine, naturelle, essentielle, qui
distinguerait les hommes des bêtes et les mettrait en quelque sorte au-dessus du reste de la nature.
On ne peut
croire qu'à leur inhumaine méchanceté, à des vices, à un égoïsme foncier les mettant tous en guerre les uns contre
les autres pour s'entre-tuer, se voler, se dominer mutuellement.
Si Hobbes emploie volontiers l'image d'un «état de
guerre », ou encore celle des «loups» pour caractériser cet état sans lois qui serait dit «état de nature », on se
demande pourtant si c'est l'homme en lui-même qui est ainsi fondamentalement mauvais, ou bien si ce sont ses
conditions d'existence.
Poser que l'État est nécessaire pour rendre les hommes justes, à travers la mise en place de
lois, c'est en effet suggérer que l'homme seul, de sa propre initiative, est incapable de justice, ou bien aussi que les
conditions de l'état de nature sont telles que la justice y est impossible et impraticable.
Hegel pose ainsi que «l'état
de nature est l'état de violence, de rudesse et d'injustice.
Il faut que les hommes sortent de cet état pour
constituer une société qui soit un État» (Propédeutique philosophique).
Est-ce à dire que les hommes seraient
capables d'être justes par eux-mêmes dans de meilleures conditions (moins de «rudesse ») ? Ou bien qu'ils sont
primitivement injustes, de par leur histoire, laquelle suppose qu'à un moment donné (à l'origine), ils étaient tellement
proches de la nature qu'incapables de justice? C'est donc interroger ce qu'on ne saurait aucunement ni
malheureusement observer, ce mystérieux, fictif et hypothétique «état de nature ».
Et tout devient possible alors
selon que l'on veuille louer ou condamner n'importe quelle société, la société en elle-même, en la comparant avec
cet état premier où les hommes n'étaient guère encore des hommes (d'où la comparaison courante qui ramène
l'homme de cet état à un simple animal).
Dans tous les cas, on pose ici que l'homme primitif est injuste (ou, selon Rousseau, amoral) c'est-à-dire incapable de
respecter son prochain, dont il convoite les biens ou les qualités (pensons à Freud pour qui cet homme primitif se
maintient définitivement dans la pulsion de mort, rendant fragile et inconséquente toute entreprise de civilisation),
et dont il menace non seulement la liberté mais plus encore la vie même.
Le droit devient alors la condition
nécessaire de la justice mais avant tout de la survie même des hommes.
La justice du même coup prend un
caractère complètement artificiel et même secondaire.
On force les hommes à être justes en leur imposant des lois
complètement extérieures ne correspondant à aucun sens qu'ils auraient en eux-mêmes de la justice.
En même
temps, on suppose la nécessité d'un contrat ou d'un pacte social pour que le citoyen comprenne le bien-fondé (la
justice) des lois (du droit) qu'on lui impose : elles sont dans son intérêt, soit pour le maintenir en vie (son droit à la
vie est respecté), soit pour garantir sa liberté (empêcher qu'autrui ne la menace donc l'empêcher lui aussi de.
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