Est-ce la raison qui fait l'homme ?
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Est-ce la raison qui fait l'homme ?
Affirmer que la raison fait l’homme c’est concevoir la raison comme étant une caractéristique essentielle de l’être humain. Par raison, il faut entendre une faculté de connaître supérieure qui permet à l’homme de bien juger et de bien agir. Généralement la raison est ce qui nous distingue des autres animaux, elle est la faculté propre à l’homme qui lui confère sa supériorité. Pour bien comprendre ce qui est en question ici, il faut différencier la possession d’une faculté de son usage. Dans la proposition « la raison fait l’homme » est-il fait référence à la raison en tant que faculté ou en tant qu’usage ? La distinction entre les deux manières de comprendre la raison n’est pas évidente.
«
Introduction
Affirmer que la raison fait l'homme c'est concevoir la raison comme étant une caractéristique essentielle de
l'être humain.
Par raison, il faut entendre une faculté de connaître supérieure qui permet à l'homme de bien juger et
de bien agir.
Généralement la raison est ce qui nous distingue des autres animaux, elle est la faculté propre à
l'homme qui lui confère sa supériorité.
Pour bien comprendre ce qui est en question ici, il faut différencier la
possession d'une faculté de son usage.
Dans la proposition « la raison fait l'homme » est-il fait référence à la raison
en tant que faculté ou en tant qu'usage ? La distinction entre les deux manières de comprendre la raison n'est pas
évidente.
En effet, comment savoir si l'homme est doué de raison en dehors de l'usage qu'il en fait ? C'est par
l'usage que l'on différencie les fous des autres hommes.
Mais si la raison doit être comprise comme usage alors qu'en
est-il quand l'homme agit de manière déraisonnable ou pense de manière irrationnelle ? Doit-on en conclure que
l'homme est inhumain dans la mesure où il ne fait pas appel à sa raison ?
Afin de résoudre cette problématique nous procéderons en trois étapes dont la finalité est de répondre aux
questions suivantes : La raison est-elle une caractéristique essentielle de l'homme ? La raison humaine peut-elle
déraisonner ? L'humanité en l'homme est-elle acquise ?
Première partie : La raison est-elle une caractéristique essentielle de l'homme ?
Le but de cette première étape de notre réflexion est de démontrer dans quelle mesure on peut affirmer que
la raison est le propre de l'homme.
La définition large de la raison, ratio en latin et logos en grec, comprend différents sens : faculté mentale
supérieure, raisonnement, concept mais aussi parole.
Ainsi, au début des Politiques Aristote définit l'homme en ces
termes : « l'homme est par nature un animal politique ».
Sa nature est adaptée à la vie dans une cité, dans la
mesure où il est doué de parole et peut donc communiquer avec ses concitoyens, ce qui serait impossible s'il n'était
pas doté de raison.
La démarche consistant à savoir si la raison fait ou non l'homme est une démarche de définition,
il s'agit de déterminer l'essence de l'homme, ce qu'il est.
Or cette démarche consiste par là même à le différencier de
ce qu'il n'est pas, autrement dit de le distinguer des autres animaux.
Au sein de l'analyse aristotélicienne, la
question du propre de l'homme rejoint la question de l'essence de la cité.
« Il n'y a en effet qu'une chose qui soit
propre aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien, du mal, du
juste, de l'injuste et des autres [notions de ce genre].
Or avoir de telles [notions] en commun c'est ce qui fait une
famille et une cité.
» (Ibid.) A la fin de ce passage on comprend que ce qui rend possible l'existence de la cité est le
fait que les hommes soient tous doués de raison.
Par la raison, l'homme se distingue des autres animaux.
La définition d'être humain englobera donc la notion
d'être raisonnable.
La distinction entre l'humanité et l'animalité est fondée sur la raison.
Cependant la frontière entre
les deux est-elle si imperméable ? Dans les Souvenirs de la maison des morts, Dostoïevski nous fait part de son
expérience de forçat.
La description d'un détenu attire particulièrement notre attention en raison de sa
monstruosité.
«Je me souviens de cette créature dégoûtante comme d'un phénomène monstrueux.
[…] Pendant tout
le temps de ma condamnation, il n'a jamais été autre chose à mes yeux qu'un morceau de chair, pourvu de dents et
d'un estomac, avide des plus sales et des plus féroces jouissances animales, pour la satisfaction desquelles il était
prêt à assassiner n'importe qui.
Je n'exagère rien, car j'ai reconnu en A-f un des spécimens les plus complets de
l'animalité qui n'est contenue par aucun principe, par aucune règle.
» Le Quasimodo moral se caractérise par
l'absence de règles.
Or l'on peut comprendre la raison comme étant un principe.
L'animalité ici correspond à
l'absence de raison.
En ce sens agir sans raison c'est déchoir de sa condition d'homme, être inhumain.
Cette première partie nous a permis de démontrer dans quelle mesure la raison pouvait être comprise comme
la caractéristique essentielle de l'homme.
Pour autant si l'absence de raison peut bien être identifiée à l'absence
d'humanité, comment des êtres comme A-f peuvent être encore appelés « hommes » ? En poussant le
questionnement plus loin, une autre interrogation s'impose : comment l'irrationnel ou le déraisonnable sont-ils
possibles si la raison fait l'homme ?
Deuxième partie : La raison humaine peut-elle déraisonner ?
L'hypothèse étudiée dans cette partie est la suivante : la raison, propre de l'homme, peut déraisonner.
Cette
position semble de prime abord paradoxale et avoir des conséquences sur notre définition de la raison.
Parler de raison qui déraisonne ne paraît pas si paradoxal au regard des actions humaines qui sont loin d'être
toutes guidées par la raison.
Ainsi le personnage de Créon dans Antigone de Sophocle, s'exclame à la vue des
événements sordides qui s'abattent sur son existence : « Ah ! raison qui déraisonne ! ».
S'il est difficile de nier le
fait que la raison soit une faculté essentiellement humaine, pour autant il est tout aussi indéniable que l'humain et
l'irrationnel ne s'opposent pas nécessairement.
De ce premier constat, on peut en déduire une distinction entre la raison et le raisonnable.
Ce n'est pas
parce que l'homme est doué de raison qu'il est nécessairement raisonnable.
Quelle est la différence entre ces deux
états ? Pour répondre à cette question, il faut analyser plus avant la notion de faculté, elle apparaîtra sous un autre
jour une fois que la notion de puissance sera exposée.
Mais avant cela, il nous faut distinguer deux manières d'être :
l'acte et la puissance.
« Enfin « Être » et « l'Être » peuvent signifier aussi, tantôt l'Être en puissance, tantôt l'Être.
»
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