Est-ce dans l'hésitation que nous sommes le plus conscient?
Extrait du document
«
Souvent j'agis de manière automatique, mon comportement est bordé par des habitudes, mon agir se meut dans le
déjà-fait, dans la répétition, et finalement la plupart du temps je ne maintiens pas une attention soutenue, bref ma
conscience se détend.
L'idée d'être plus ou moins conscient n'est-elle pas liée à l'intérêt ou mieux à l'importance que
revêt pour moi le moment vécu ? Le fait d'être « le plus conscient » ne correspond t-il pas au concept de lucidité ?
Toutefois, si l'importance du vécu est d'ordre affectif, la passion peut me submerger au point que je n'ai pas le
sentiment d'une très grande lucidité, il faudrait donc trouver le moyen de concilier importance et distance.
Aussi il
paraît légitime de demander si la confrontation à un choix difficile à faire, l'hésitation, n'a pas quelque rapport
privilégié avec un haut degré de conscience.
En effet, le choix n'est-il pas le prélude à toute interrogation et donc à
la racine de la conscience ?
I- La temporalité de l'hésitation.
Nous hésitons parce qu'entre plusieurs choses nous ne savons pas quelle est la plus appropriée ou la
meilleure pour ce que nous allons faire.
Nous hésitons entre deux chemins à prendre parce que nous sommes perdus,
entre diverses attitudes à l'endroit d'un enfant lorsqu'il a commis une bêtise.
A chaque fois nous hésitons parce que
nous ne sommes pas certains de faire le bon choix.
L'hésitation semble rivée à l'action, et renvoyer à un impératif d'urgence (hésitation du médecin dans
l'opération à accomplir, du candidat lors d'un oral entre deux possibilités de traduction, de la jeune fille lorsque
qu'elle est pressée par une demande amoureuse), soit à une coquetterie un peu ridicule.
En effet lorsque l'hésitation
se prolonge elle devient un thème comique : hésitation entre deux robes, deux cravates,...
L'hésitation a donc une
temporalité particulière soit quasi dramatique lorsque l'action exige une initiative rapide, soit que le sujet soit seul
avec lui-même et prolonge l'hésitation qui dès lors devient risible.
Il ne semble pas que la conscience soit particulièrement sollicitée dans le dilemme posé par l'hésitation, au
contraire, la conscience paraît comme embuée dans l'indécision et la lucidité du sujet n'apparaître qu'au moment où
enfin le noeud est tranché.
II- L'hésitation est plus affective qu'intellectuelle.
L'hésitation semble être l'indice d'un manque de connaissance patent, ne correspond-elle pas justement au
détournement de la lucidité par une affection quelconque ? N'est-ce pas parce que je suis pris par une émotion ou
une affection que j'hésite ?
Ainsi l'hésitation du médecin serait motivée par la peur de mal faire, celle du jeune homme qui ne peut se
décider entre deux cravates serait subordonnée à un sentiment d'infériorité, la crainte de ne pas plaire.
L'hésitation
renverrait donc bien à une baisse de la conscience, telle qu'elle serait rongée par l'émotion.
Dans Le discours de la Méthode Descartes montre que l'hésitation peut être handicapante et qu'il faut,
quoique nous ignorons parfois la réalité des choses, faire des choix à l'aveugle et s'y tenir, (c'est ici l'inverse du
doute hyperbolique), par exemple quand on est perdu en forêt il faut choisir une direction et n'en pas changer.
La
lucidité dans l'action c'est donc de se défaire au plus vite de l'hésitation, la lucidité nous commande de choisir,
idéalement en pesant le pour et le contre, mais si cette entreprise débouche sur une hésitation alors cette même
lucidité nous commande de nous en départir au plus vite, sous peine de s'enliser, tel l'âne de Buridan, mort de faim
et de soif avant d'avoir su se décider entre l'eau et l'avoine.
L'exemple de l'âne de Buridan comme preuve de l'absence de liberté d'indifférence chez l'animal.
Le philosophe
Buridan a donné un exemple célèbre, celui d'un âne incapable de choisir entre deux sources de nourriture situées à
égales distances, et finissant par mourir de faim, faute d'avoir su se déterminer.
Cet exemple a pour fonction de
montrer que la liberté d'indifférence fait défaut à l'animal : un homme, lui, aurait fini par choisir par défaut l'une des
deux sources de nourriture.
Ce que Buridan nous montre, c'est que la liberté manque à l'animal : s'il n'est pas
capable de faire preuve de cette liberté minimale qu'est le choix, c'est donc qu'il n'est pas libre.
III- La conscience naît de l'hésitation.
Il faut demander comment naît la conscience en tant que conscience proprement humaine c'est-à-dire.
»
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