Est-ce bien de perdre ses illusions ?
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Définition des termes du sujet:
BIEN: Ce qui est avantageux ou utile à une fin donnée.
Ce qui possède une valeur morale, ce qui est juste, honnête, louable.
Souverain Bien : norme suprême de l'ordre éthique, que l'homme poursuit en vue de lui-même, et non en vue d'obtenir un
autre bien.
En économie, toute chose qui possède une valeur d'échange et qui est susceptible d'appropriation (exemple : biens de
consommation).
ILLUSION:
1) Toute erreur provenant de l'apparence trompeuse des choses (illusions perceptives).
2) Croyance ou opinion fausse abusant l'esprit par son caractère séduisant et le plus souvent fondée sur la réalisation
d'un désir (Cf.
l'analyse de Freud concernant la religion).
Contrairement à l'erreur, qui peut être corrigée, l'illusion
survit à sa réfutation.
[Introduction]
La philosophie a la réputation de ne pas beaucoup aimer l'illusion, et ses critiques se retrouvent jusque dans le langage
commun : on est « victime » de ses propres illusions, on s'y « perd » ou on s'y « égare » — expressions banales qui
suggèrent que l'illusion n'est pas recommandable, et qu'il convient de s'en débarrasser.
Mais en quoi peut-elle être
dangereuse, ou égarer ? Toute illusion nous lance-t-elle nécessairement loin des exigences de la vie ? Affirmer que c'est un
bien de perdre ses illusions, c'est répondre positivement à cette question.
Mais il semble également possible de considérer
que les illusions nous apportent des éléments positifs, et peut-être, qu'elles nous aident même à vivre.
[I.
L'illusion malsaine]
Lorsque l'ancien prisonnier revient dans la caverne, ses compagnons de captivité sont peu disposés à croire ce dont il les
informe : que ce qu'ils perçoivent n'est qu'un monde d'ombres illusoires, et qu'à l'extérieur existent au contraire des
occasions de connaissance autrement sérieuse.
Platon souligne que les prisonniers tiennent à rester dans l'illusion, parce
qu'elle leur apporte un confort intellectuel et les rassure en quelque sorte.
Face à une telle situation, la tâche du
philosophe qui doit mener les hommes à la vérité n'en sera que plus difficile.
Ainsi l'illusion est-elle volontiers comprise comme nous éloignant nécessairement du « réel » — quelle que soit la définition
que l'on voudra donner de ce dernier.
Elle nous entraîne vers le faux, le trompeur, vers un univers sans doute rassurant et
qui a de quoi nous satisfaire, mais dont le défaut majeur est de nous empêcher l'accès à la vérité.
L'homme qui se fait des
illusions n'a pas les pieds sur terre, il est perdu dans ses rêveries et semble inefficace, il s'imagine autre qu'il n'est.
La
liaison vite établie entre l'illusion, l'imagination et l'erreur renforce la condamnation : on voit décidément mal comment
l'illusion pourrait être positive.
Si l'on s'interroge sur son rôle dans l'accès à la vérité, on doit constater qu'elle apparaît en effet comme un obstacle.
Elle
fournit du monde une version à laquelle un esprit sain ou rationnel n'acceptera pas d'adhérer : il devra s'en défendre, et
faire un effort pour ne pas en être victime — ce qui n'est pas toujours très facile : on sait, par exemple, combien les
illusions d'optique sont persistantes, même une fois qu'on a compris leur fonctionnement.
A un niveau supérieur, c'est la
connaissance en elle-même qui semble interdite par l'illusion : si je reste dans l'illusion (que me suggère ma perception
quotidienne) selon laquelle c'est le soleil qui « se lève » chaque matin, je bascule carrément dans l'erreur et l'absence de
savoir, situation éminemment répréhensible.
[II.
L'illusion et la vie]
L'illusion possède une fonction vitale.
En effet « on ne peut pas vivre avec la Vérité », car découvrir cette vérité, c'est
découvrir que n'existe qu'un flux éternel des choses, un Abîme où toutes s'abîment.
La vie, expression de la Volonté de
Puissance, a donc besoin de falsifier le réel, d'affirmer l'être contre le devenir, d'organiser ce flux, de le contraindre à se
plier aux options vitales du sujet, c'est-à-dire aux valeurs et aux normes définies par la Volonté de Puissance, bref .elfe a
besoin de l'illusion, qu'elle érige en vérité.
C'est pourquoi, même la prétendue vérité objective de la science se réduit en
fait à une croyance, une illusion qui nous est nécessaire pour vivre.
"La vie a besoin d'illusions, c'est-à-dire de non-vérités tenues pour des vérités."
NIETZSCHE
Selon Nietzsche, l'illusion ne résulte pas seulement des rapports sociaux : elle est une
nécessité de la vie, de notre condition d'êtres biologiques.
Les animaux sont eux aussi
victimes de leurres, qui jouent le rôle de stimuli.
Les hommes ont par nature besoin de
croire en des "non-vérités", faute de quoi la vie leur serait insupportable.
Nietzsche,
en fin psychologue, souligne à la fois le désir de la conscience humaine de posséder la
vérité et en même temps son incapacité à accepter lucidement sa condition d'être
mortel.
En d'autres termes, nous désirons tous la vérité et pourtant nous nous
arrangeons le plus souvent avec la réalité.
L'illusion n'est pas, comme on pourrait le
penser nativement, le contraire absolu de la vérité, elle est la vérité telle que nous
pouvons l'accepter tout en étant capable, par un effort sur nous-mêmes d'y renoncer..
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