Est-ce au peuple de faire les lois?
Extrait du document
«
On considère généralement que la démocratie est le meilleur des régimes.
Or, la démocratie se définit par le pouvoir
du peuple.
Estimer que c'est au peuple de faire les lois apparaît comme une exigence démocratique légitime.
Le
peuple étant directement concerné par les lois, c'est bien à lui de décider de leur orientation et des principes qui
vont les animer.
Celui qui soutiendrait que ce n'est pas au peuple de faire les lois seraient rapidement taxé de
despote ou de tyran.
Toutefois, vous pouvez rencontrer immédiatement plusieurs difficultés: tout d'abord, le peuple
peut manquer de compétence pour faire les lois.
En outre, dans le modèle de la démocratie athénienne où les
citoyens se réunissaient pour faire les lois, cela impliquaient que ces citoyens n'étaient pas soumis au travail pénible
quotidien.
Il s'agit donc de remarquer que la présence de représentants peut paraître donc nécessaires.
On parle
ainsi par exemple d'un pouvoir législatif, qu'on distingue du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire.
Or, c'est au
pouvoir législatif qu'il appartient de faire les lois.
Ici, se pose donc le problème de la représentation.
Sur ce point,
vous pouvez vous reporter au dossier indiqué plus bas sur Rousseau et Hobbes.
Mais qu'est-ce que le peuple ? Au
fond, c'est une notion bien floue qu'il convient sans doute ici de préciser.
L'expression faire les lois est finalement
très ambiguë en ce sens qu'elle est assez proche de " faire la loi ".
Or, faire la loi, c'est agir avec la force et la
violence.
Quand le peuple fait la loi, n'est-ce pas le pillage, la sédition, la démesure qui domine ? A quelles conditions
le peuple doit-il donc faire les lois ou contribuer à les faire ? Pourquoi établir une telle nuance ?
1) Une critique de la démocratie par Platon.
"N'est-ce pas le désir insatiable de ce que la démocratie regarde comme son bien suprême qui perd cette dernière ?
Quel bien veux-tu dire ?
La liberté, répondis-je.
En effet, dans une cité démocratique tu entendras dire que c'est le plus beau de tous les
biens, ce pourquoi un homme né libre ne saura habiter ailleurs que dans cette cité (...).
Or (...) n'est-ce pas le désir insatiable de ce bien, et l'indifférence pour tout le reste, qui change ce gouvernement
et le met dans l'obligation de recourir à la tyrannie ? (...).
Lorsqu'une cité démocratique, altérée de liberté, trouve dans ses chefs de mauvais échansons (1), elle s'enivre de
ce vin pur au delà de toute décence ; alors, si ceux qui la gouvernent ne se montrent pas tout à fait dociles et ne
lui font pas large mesure de liberté, elle les châtie (...).
Et ceux qui obéissent aux magistrats elle les bafoue et les traite d'hommes serviles et sans caractère.
Par contre elle loue et honore, dans le privé comme en public, les gouvernants qui ont l'air de gouvernés et les
gouvernés qui prennent l'air de gouvernants.
N'est-il pas inévitable que dans une pareille cité l'esprit de liberté
s'étende à tout ? (...).
Qu'il pénètre, mon cher, dans l'intérieur des familles, et qu'à la fin l'anarchie gagne jusqu'aux animaux ? (...).
Or, vois-tu le résultat de tous ces abus accumulés ? Conçois-tu bien qu'ils rendent l'âme des citoyens tellement
ombrageuse qu'à la moindre apparence de contrainte ceux-ci s'indignent et se révoltent ?
Et ils en viennent à la fin, tu le sais, à ne plus s'inquiéter des lois écrites ou non écrites, afin de n'avoir absolument
aucun maître.
Je ne le sais que trop, répondit-il.
Eh bien ! mon ami, c'est ce gouvernement si beau et si juvénile qui donne naissance à la tyrannie".
PLATON.
(1) Celui dont la fonction est de servir à boire.
I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?
Dans cet extrait, Platon se livre à une critique du régime démocratique, fondé et perverti, à la fois, par le souci de la
liberté.
Le principe de liberté doit être mis en pratique de façon rigoureuse si l'on veut éviter sa dégénérescence en
principe de désordre et d'injustice.
II - UNE DEMARCHE POSSIBLE.
A - LA DEMOCRATIE : UNE ERREUR POLITIQUE.
La première partie pose la question de la liaison causale entre liberté et tyrannie, soulève donc la question de
l'inversion de la démocratie en son contraire.
Début paradoxal, donc, qui contient l'explication de la décomposition de la démocratie.
La réflexion de Platon est à
la fois critique et analytique.
La démocratie, libérale par essence, est articulée autour du besoin de liberté, besoin qui, s'il n'est pas contrôlé,
dépasse toute mesure et éloigne le régime démocratique des normes politiques rationnelles et légitimes que Platon
entend dégager.
B - LA LIBERTE COMME SOURCE DE DESORDRE.
La deuxième partie est constituée d'une démonstration de la thèse énoncée au début du texte.
Le peuple, sensible à l'appel de la liberté, finit par négliger et combattre les autres exigences sociales.
Au regard de
ce besoin pathologique de liberté, tout lui apparaît comme une contrainte intolérable.
La démocratie pourrait donc se définir comme le régime où nul ne supporte d'être gouverné, où règne l'individualisme
le plus radical, ce qui est contradictoire avec l'idée même de société qui implique un ordre, une architecture interne,
une structure collective ayant un but collectif..
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