Epicure: Le plaisir est notre bien principal et inné.
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«
PRESENTATION DE LA "LETTRE A MENECEE" D'EPICURE
La Lettre à Ménécée est l'un des rares écrits qui nous restent de l'oeuvre
immense d'Épicure (vers 341-270 av.
J.-C.), que nous connaissons surtout à
travers son disciple Lucrèce.
Le projet du fondateur de l'École du Jardin, à
une époque où la Grèce traverse une grave crise politique, économique et
sociale, est de fonder une sagesse sur une physique matérialiste.
Souvent
mal compris et caricaturé, Épicure ne cessera d'inspirer les philosophes athées
cherchant à penser le bonheur de l'homme ici et maintenant.
Il s'agit de méditer sur les causes du malheur humain et de montrer quels en
sont les remèdes afin d'atteindre l'ataraxie* : la philosophie d'Épicure est une
médecine de l'âme, qui nous enseigne la conduite à adopter à l'égard de nos
craintes et de nos désirs.
Le plaisir est notre bien principal et inné.
Une des constances de la philosophie d'Épicure est de vanter le plaisir.
On
retrouve la formule « Le plaisir est notre bien principal et inné » dans la «
Lettre à Ménécée ».
Mais l'épicurisme ne correspond guère à l'image populaire
que l'on en garde : celle du « bon vivant ».
Dans cette lettre, on lit : « Tout
plaisir est de par sa nature propre un bien, mais tout plaisir ne doit pas être
recherché ».
C'est à une compréhension véritable du plaisir, et à une gestion
rationnelle des désirs que la philosophie d'Epicure nous invite, philosophie des « sombres temps », de l'époque
troublée, violente, des successeurs d'Alexandre le Grand.
La « Lettre à Ménécée » est une description de la méthode apte à nous procurer le bonheur.
Car si tous les hommes
cherchent le bonheur, ils sont, selon le mot d'Aristote, comme des archers qui ne savent pas où est la cible,
incapables de la définir et de l'atteindre.
Epicure commence par expliquer que nous n'avons rien à redouter des dieux, vivants bienheureux qui ne se soucient
pas des hommes, et que la mort n'est rien pour nous.
Débarrassés du souci du jugement divin et de la survie de
l'âme, nous sommes alors aptes à bien vivre notre vie présente.
Bien vivre notre existence veut dire parvenir au
bonheur ici-bas, et cela n'est possible que par un bon usage des plaisirs et des désirs.
L'homme est un être de désir, et selon qu'il parvient ou échoue à satisfaire ses désirs, il est heureux ou misérable.
Or, le bonheur est d'abord l'absence de souffrance physique ou psychologique.
C'est pourquoi Épicure déclare : «
Une théorie non erronée des désirs sait rapporter tout choix à la santé du corps et à la tranquillité de l'âme puisque
c'est là la perfection même de la vie heureuse.
Car tous nos actes visent à écarter la souffrance et la peur.
»
Eprouver du plaisir, c'est d'abord combler un manque : boire quand on a soif, se rassurer quand on a peur.
En soi, un
plaisir est toujours bon, une souffrance, un désir non comblé, toujours mauvais.
Ainsi Epicure nous incite à classer nos désirs, et à adopter face à eux une stratégie telle que nous serons facilement
comblés et rarement insatisfaits.
Il y a d'abord les désirs naturels (dont certains sont naturels et nécessaires et d'autres seulement naturels) ; et
ensuite les désirs vains.
Les désirs naturels et nécessaires comprennent tous les désirs tels que, s'ils ne sont pas
satisfaits, nous mourons (boire, manger, dormir).
Les désirs seulement naturels peuvent être le désir de manger tel
ou tel plat, ou encore le désir sexuel, etc.
Mais il importe de comprendre qu'il y a des désirs vains ; désir de richesse, de gloire, d'immortalité, etc.
Ces désirs
ont une particularité importante ; ils sont insatiables, illimités, ils n'ont jamais de fin.
Quand je connais un désir naturel, il cesse d'être dès qu'il est satisfait.
Une fois que j'ai mangé, je n'ai plus faim.
Ces
plaisirs sont naturels parce qu'ils sont bornés : ils ont une limite naturelle.
A l'inverse, les désirs non naturels
peuvent être dits vains parce qu'ils ne seront jamais comblés ; ils résident dans le principe du « toujours plus »,
l'illimité.
L'homme qui veut être riche, admiré, aimé, n'en a jamais fini de son désir.
Il est facile de comprendre que si je veux parvenir au bonheur, à la santé du corps et à la tranquillité de l'âme, je
dois éliminer les désirs vains.
Le plaisir naît de ce qu'un désir est comblé.
Mais les désirs vains sont par définition
illimités.
Le plaisir que leur satisfaction procure est illusoire et ne sert qu'à les relancer.
A peine comblé, je veux
autre chose, je veux plus ; je ne cesse de désirer, donc de manquer, donc de souffrir.
L'homme des désirs vains, du
« toujours plus », Platon le comparait déjà à un panier percé ; se condamner à ne jamais être comblé.
La première et principale leçon d'Épicure est donc celle-ci : ne pas céder aux désirs vains ; se contenter des désirs
naturels.
Vivre en accord avec la nature consiste d'abord à ne pas céder au vertiges des désirs illusoires.
Épicure les
nomme vains, notre époque parlerait d'une course à la consommation.
Il y a plus.
Certes tout plaisir est un bien en soi.
Mais certains plaisirs peuvent se révéler nuisibles.
Certes toute
souffrance est un mal, mais endurer certaines douleurs peut se révéler utile.
Il ne faut pas rechercher tout plaisir, ni
fuir toute douleur : il faut savoir raisonner, calculer les conséquences.
Il ne faut pas céder à l'attrait de l'immédiat,
mais avoir une certaine intelligence du plaisir.
On voit que nous sommes loin de l'image du « bon vivant », de celui
qui jouit de façon primaire de tous les plaisirs qui s'offrent à lui.
Epicure va même jusqu'à prôner une certaine austérité.
Il faut dit-il « savoir se suffire à soi-même » ; cela veut dire
savoir se contenter de peu.
Car « Tout ce qui est naturel est aisé à se procurer, mais tout ce qui est vain est
difficile à avoir.
»
L'habitude de vivre simplement met à l'abri des coups du sort, tandis que l'habitude de vivre richement y rend plus
vulnérable.
De plus l'habitude, par exemple, d'une bonne table, de mets précieux, transforme ce qui était au départ
un plaisir (manger tel plat raffiné) en habitude voire en besoin.
Privé de ce superflu dont je me suis rendu.
»
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