Epicure
Extrait du document
Ces deux points
bien compris, on est prêt pour l'étude des choses invisibles. La
première chose qu'il faut se dire en l'abordant c'est que rien ne
vient du non-être : car si, pour se produire, les choses n'avaient pas
besoin de germer, tout pourrait naître de tout. En second lieu, il faut
savoir que si ce qui disparaît aux yeux se résolvait en non-être,
toutes les choses auraient péri, puisque ce en quoi elles se seraient
résolues serait du non-être. Ajoutons, comme conséquence de ces deux
principes, que l'univers a toujours été et sera toujours ce qu'il
est. Il n'y a rien d'autre en effet en quoi il puisse se changer, ni
rien, non plus, en dehors de lui, qui puisse agir sur lui pour le faire
changer.
L'univers est composé de corps et de vide. L'existence
des corps nous est garantie par-dessus tout par la sensation, car
c'est sur elle que se règlent, comme je l'ai dit, toutes les
conjectures que le raisonnement dirige vers l'invisible. Quant à
l'espace, que nous appelons aussi le vide, l'étendue, l'essence
intangible, s'il n'existait pas, les corps n'auraient ni siège où
résider ni intervalle où se mouvoir, comme nous voyons qu'ils se
meuvent. Hors de ces deux choses, on ne peut plus rien saisir
d'existant, ni sensiblement ni par analogie au sensible ; rien
d'existant à titre de substances complètes, car il n'est pas ici
question de ce que nous appelons les attributs ou accidents de ces
substances. Maintenant, parmi les corps, on doit distinguer les
composés et ceux dont les composés sont faits : ces derniers corps sont
insécables et immuables — et il le faut bien pour que toutes choses ne
se résolvent pas en non-être et pour qu'il y ait des réalités capables
de subsister dans la dissolution des composés ; de plus, ces corps
élémentaires sont essentiellement pleins, de sorte que la dissolution
ne sait par où ni comment les prendre. Et, par là, les éléments des
corps sont des substances insécables.
Epicure
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