En y mêlant de la fantaisie romanesque, Rabelais nous a donné dans l'abbaye de Thélème son idéal de vie. Des gens « libères, bien nés et bien instruits » y font « ce qu'ils veulent ». C'est-à-dire qu'ils lisent, étudient, écrivent en vers et en prose, ch
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Un pareil sujet comporte d'abord deux exposés analytiques d'idées: l'analyse de la doctrine de Rabelais dans l'abbaye de Thélème et l'analyse générale de la doctrine de Montaigne. C'est en effet après une révision exacte de cette doctrine que vous pourrez la comparer comme il convient à celle de Rabelais. La matière du sujet vous donne l'essentiel pour Rabelais. Dans l'abbaye de Thélème on n'admet que des gens « libères, bien nés et bien instruits ». C'est un point essentiel pour comprendre le « fais ce que veux ». Rabelais est en effet convaincu que chez de pareilles gens, qui n'ont pas à subir les tentations de la misère, la nature est nécessairement bonne ; ils n'auront aucun penchant pour le vice, ni même pour les plaisirs grossièrement sensuels. Ils vivront pour le plaisir, mais pour les plaisirs les plus innocents et les plus bienfaisants du corps (jeux, chasse, danse, etc.) et pour les joies les plus élevées de l'esprit (lecture, conversation, beaux-arts, etc.). Si la doctrine de Rabelais a pu paraître hardie et discutable, c'est parce qu'elle était, en son temps, une protestation contre un idéal de piété ascétique qui condamnait comme dangereuse ou coupable la recherche de tout plaisir, quel qu'il fût; et qui même (comme chez certains moines que Rabelais déteste) prônait l'ignorance.
«
1.
En y mêlant de la fantaisie romanesque, Rabelais nous a donné dans l'abbaye de Thélème son idéal de vie.
Des
gens « libères, bien nés et bien instruits » y font « ce qu'ils veulent ».
C'est-à-dire qu'ils lisent, étudient, écrivent
en vers et en prose, chantent, se donnent des concerts, jouent et chassent, etc.
Vous vous demanderez dans
quelle mesure Montaigne se serait accommodé de la Thélème de Rabelais.
Un pareil sujet comporte d'abord deux exposés analytiques d'idées: l'analyse de la doctrine de Rabelais dans l'abbaye
de Thélème et l'analyse générale de la doctrine de Montaigne.
C'est en effet après une révision exacte de cette
doctrine que vous pourrez la comparer comme il convient à celle de Rabelais.
La matière du sujet vous donne
l'essentiel pour Rabelais.
Dans l'abbaye de Thélème on n'admet que des gens « libères, bien nés et bien instruits ».
C'est un point essentiel pour comprendre le « fais ce que veux ».
Rabelais est en effet convaincu que chez de
pareilles gens, qui n'ont pas à subir les tentations de la misère, la nature est nécessairement bonne ; ils n'auront
aucun penchant pour le vice, ni même pour les plaisirs grossièrement sensuels.
Ils vivront pour le plaisir, mais pour
les plaisirs les plus innocents et les plus bienfaisants du corps (jeux, chasse, danse, etc.) et pour les joies les plus
élevées de l'esprit (lecture, conversation, beaux-arts, etc.).
Si la doctrine de Rabelais a pu paraître hardie et
discutable, c'est parce qu'elle était, en son temps, une protestation contre un idéal de piété ascétique qui
condamnait comme dangereuse ou coupable la recherche de tout plaisir, quel qu'il fût; et qui même (comme chez
certains moines que Rabelais déteste) prônait l'ignorance.
Quelle est maintenant la doctrine générale de Montaigne? Montaigne n'a aucun penchant pour la vie ascétique.
Il a
cherché à vivre heureux sur cette terre et non pas à s'assurer, par le renoncement, les mérites qui seront
récompensés dans la vie éternelle.
Il a goûté deux sortes de plaisirs : ceux du corps, une bonne table, un certain
confort, etc., en s'efforçant d'y observer une sage tempérance; et surtout ceux de l'esprit; il a beaucoup vécu dans
sa bibliothèque, sa « librairie », occupé à lire, à méditer sur ses lectures, à écrire ses Essais.
Personnellement, il a
peu cherché les plaisirs de la vie sociale et de la vie sportive.
Mais l'éducation qu'il donne à son élève dans
l'Institution des enfants montre clairement qu'il savait leur prix.
Au cours de ses lectures il s'est fait une philosophie
qui est, en gros, un « scepticisme ».
Il ne croit pas que l'homme puisse atteindre la vérité; il croit tout au plus à des vérités.
L'essentiel est d'exercer son
esprit et non pas de prétendre construire des systèmes.
Comparons : le fond des doctrines de Rabelais et de Montaigne est le même; ils sont les ennemis d'une religion dure
et fanatique; ils croient qu'il est légitime de chercher un bonheur terrestre et de se fier, pour le trouver, à des
instincts naturels qui, chez un être sain, ne sauraient nous égarer.
Dans le détail cependant, Rabelais, à Thélème,
accorde aux plaisirs de la vie sociale et de la vie « sportive » une place que Montaigne aurait jugée excessive.
D'autre part il n'y a, à Thélème, aucune place pour le scepticisme.
Les Thélémites, comme Rabelais, sont surtout
curieux d'apprendre sans chercher à faire l'examen critique de ce qu'ils apprennent.
Ils découvrent les chemins
oubliés de la pensée sans se demander où ils conduisent.
A Thélème, Montaigne aurait sans doute demandé qu'on lui
aménageât une librairie dans laquelle il se serait enfermé pour annoter ses lectures, pendant que ses compagnons
auraient fait de gaies chevauchées ou conversé aimablement.
Nous avons constaté les ressemblances ou différences.
Nous pouvons compléter cette analyse qui constate par une
explication.
L'explication tient en partie, assurément, au caractère des deux écrivains.
Mais on la trouve aussi dans la différence
des temps.
Près de cinquante ans séparent l'abbaye de Thélème des Essais.
l'optimisme de Rabelais, à sa date, était
celui des écrivains ses contemporains, dans la première ferveur de la Renaissance.
Montaigne écrit en pleines
guerres de religion.
Il se fait moins d'illusions..
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