En vous appuyant sur votre expérience personnelle, vous commenterez ce propos par lequel Romain Rolland définit le lien entre la lecture et la connaissance de soi : « On ne lit jamais un livre. On se lit à travers les livres, soit pour se découvrir, soit
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« Ce vice impuni : la lecture » déclarait Valéry Larbaud. Les lecteurs ne sont pas des fumeurs d'opium : mais il y a bien une sorte de « toxicomanie » dans cette habitude dont on ne se débarrasse presque jamais. A quoi tient cet amour des livres que pratiquent tant de millions de lecteurs à travers le globe ? Parmi les innombrables hypothèses qui ont pu être proposées par des chercheurs ou des critiques, retenons l'idée de Romain Rolland : « on ne lit jamais un livre ; on se lit à travers les livres... » En somme, il ne s'agit pas tant de sortir de soi-même pour comprendre les autres, mais bien plutôt de s'identifier avec l'auteur en se plongeant dans son ouvrage. Dans quelle mesure peut-on suivre l'auteur de Jean-Christophe dans l'interprétation de la psychologie du lecteur ? Est-il bien certain que l'on se recherche soi-même à travers le livre ? Le lecteur tente-t-il de se confondre en partie avec l'auteur, telles seront les grandes questions que nous allons nous poser. Tentons d'abord d'interpréter ce que Romain Rolland a voulu dire et d'analyser dans quelle mesure il a eu raison de soutenir que le lecteur cherche à s'assimiler à l'auteur, à retrouver l'inspiration même de l'écrivain.
«
En vous appuyant sur votre expérience personnelle, vous commenterez ce propos par lequel Romain
Rolland définit le lien entre la lecture et la connaissance de soi : « On ne lit jamais un livre.
On se lit à
travers les livres, soit pour se découvrir, soit pour se contrôler ».
« Ce vice impuni : la lecture » déclarait Valéry Larbaud.
Les lecteurs ne sont pas des fumeurs d'opium : mais il y a
bien une sorte de « toxicomanie » dans cette habitude dont on ne se débarrasse presque jamais.
A quoi tient cet
amour des livres que pratiquent tant de millions de lecteurs à travers le globe ? Parmi les innombrables hypothèses
qui ont pu être proposées par des chercheurs ou des critiques, retenons l'idée de Romain Rolland : « on ne lit jamais
un livre ; on se lit à travers les livres...
» En somme, il ne s'agit pas tant de sortir de soi-même pour comprendre les
autres, mais bien plutôt de s'identifier avec l'auteur en se plongeant dans son ouvrage.
Dans quelle mesure peut-on
suivre l'auteur de Jean-Christophe dans l'interprétation de la psychologie du lecteur ? Est-il bien certain que l'on se
recherche soi-même à travers le livre ? Le lecteur tente-t-il de se confondre en partie avec l'auteur, telles seront
les grandes questions que nous allons nous poser.
Tentons d'abord d'interpréter ce que Romain Rolland a voulu dire et d'analyser dans quelle mesure il a eu raison de
soutenir que le lecteur cherche à s'assimiler à l'auteur, à retrouver l'inspiration même de l'écrivain.
Nous savons tous la différence entre le thème et la version.
Dans un thème, on va partir de sa propre langue natale
et on va traduire ce texte en latin, en allemand, etc.
L'exercice de la version constitue le contraire : il faut alors
passer d'un texte grec, espagnol, italien, etc., à une version française de ce morceau.
On passe de la « version
originale » comme on le dit pour un film à une traduction en langue française.
Ce que Romain Rolland nous propose,
c'est une idée de base selon laquelle aucun lecteur ne tenterait de chercher à comprendre le livre d'autrui : c'est
trop difficile ; on ne peut jamais arriver à comprendre ce qu'a voulu dire vraiment l'écrivain ; il vaut mieux renoncer à
cette « version ».
(D'ailleurs dans les exercices de ce style, ne commet-on pas des erreurs, des « contre-sens »,
des « faux-sens » des « non-sens » qui ne nous permettent pas de traduire exactement la pensée de l'autre.
Prenons un exemple, soit la tragédie de Shakespeare, Hamlet.
Certes, c'est une pièce difficile et inaccessible à une
grande majorité de lecteurs.
Mais ici ce que Romain Rolland cherche à prouver c'est que personne n'a jamais compris
Hamlet : on ne peut pas vraiment savoir ce que Shakespeare a voulu dire à travers cette pièce.
En revanche,
chaque lecteur doit pouvoir se faire une petite idée de l'œuvre.
Au XXe siècle, on va penser qu'Hamlet est l'image
même de l'angoissé total.
Il est en plein malaise philosophique ; il est mal dans sa peau ; il se cherche sans se
trouver ; il s'interroge sans arrêt sur le sens de sa vie et trouve finalement son existence absurde ; il est très
malheureux.
Et le lecteur actuel va pouvoir totalement s'identifier avec le personnage même de Hamlet en jugeant
Shakespeare grand psychologue puisqu'il écrit au XVIe siècle une pièce de théâtre qui, 400 ans après nous paraît
toujours tellement actuelle.
Des phrases très célèbres comme « to be or not to be, that is the question ? » peuvent être interprétées de trente
six façons différentes sans que personne ne soit vraiment certain d'avoir bien compris ce que Shakespeare a fait
dire à Hamlet.
Autre formule célèbre de la même pièce quand Polonius demande à Hamlet ce qu'il y a dans les livres
précisément, on sait que notre personnage répond évasivement : « Words, words, words » (des mots, des mots,
des mots).
Mille traductions, mille interprétations ont été proposées de cette formule sans que personne ne soit
tout à fait sûr d'avoir percé le secret de Shakespeare.
N'empêche que le lecteur moyen s'est fait une petite idée, au
cours de sa lecture de ce que Shakespeare a voulu exprimer en ces termes.
Il s'est reconnu dans l'œuvre.
Il s'est
identifié avec les personnages.
Il s'est retrouvé dans une situation très proche de celle qu'il avait lui-même vécue.
Prenons un auteur très en vogue aujourd'hui comme l'est Frédéric Dard, l'auteur des San-Antonio ou bien Paul-Loup
Sullitzer dont le roman Money a dépassé le million d'exemplaires.
Le problème reste le même.
On ne lit pas le livre à proprement parler, on se réfléchit comme dans un miroir dans ces romans.
L'adolescent dont
la puberté difficile constelle le visage d'acné juvénile va s'identifier avec le beau, le brillant commissaire San-Antonio
qui séduit si facilement toutes les femmes et sort avec brio des situations les plus périlleuses en se jouant des
difficultés.
Notre jeune lecteur va pouvoir s'extasier sur le charme, l'efficacité, les succès de San-Antonio en se «
lisant » à travers les livres, en se reconnaissant dans les divers personnages.
Bien sûr, il préférera être « San-A.
»
que Berrurier (« Berru.
»).
L'un est beau, svelte, séduisant, mince, sympathique ; l'autre est gras, négligé, mal
habillé, bougon, inefficace, maladroit, stupide.
Ça, c'est le voisin : nous sommes tous des San-Antonio, qui
cherchons à faire de nos amis des « Berru » que nous ferons repoussoirs.
Et P.-L.
Sullitzer, en utilisant la recette qui consiste à fabriquer des romans sur mesure qui plaisent exactement aux
lecteurs de son temps, retrouve l'identité remarquable entre le récit et les lecteurs.
Ces derniers n'attendent que
l'histoire d'un enrichissement exceptionnel, la divinisation de l'argent, la description d'une réussite exceptionnelle ! Et
bien, ils sont servis.
On leur en donne pour leur argent.
Mais Romain Rolland a raison de dire qu'on « ne lit jamais un
livre », car nos lecteurs se contentent de « se lire eux-mêmes » à travers les livres, narcissiquement, en se
regardant dans la glace, réfléchissante du texte « le roman est un miroir que l'on promène le long d'une route » :
c'est en ces termes que Stendhal décrivait son œuvre.
Mais sur ce point, le lecteur du dernier quart du XXe siècle
n'a pas franchement évolué.
Il suit le même chemin en regardant dans le miroir sa figure et sa vie qu'il apprécie en
connaisseur.
Romain Rolland pensait qu'à travers les livres, le lecteur cherchait « soit à se découvrir » soit « à se contrôler ».
En
fait, le lecteur moyen est bien incapable d'atteindre ce stade.
Un charmant petit livre de Jean-Jacques Gautier,
académicien français qui joua dans la critique littéraire et dramatique de son temps un rôle tout à fait essentiel,
s'intitulait c'est tout à fait moi.
L'ouvrage était constitué par une série de lettres imaginaires que des soi-disants
lecteurs avaient adressées à l'auteur, en lui reprochant d'avoir usurpé leur existence pour en faire des héros de
roman.
J.-J.
Gautier imaginait que ces lecteurs en se lisant à travers ses livres avaient cru qu'il avait pu rechercher
leur identité et qu'il avait reproduit leurs traits dans les analyses qu'il avait pu faire de ses personnages.
Seul le
lecteur moyen, manquant de moyens intellectuels, dépourvu d'esprit critique, fâcheusement démuni du sens de.
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