En quoi pouvons-nous parler d'une loi scientifique ?
Extrait du document
«
A.
Sens divers du mot loi.
1° au sens général, règle obligatoire, exprimant la nature idéale d'un être ou d'une fonction, la norme à laquelle il
doit se conformer pour se réaliser (telles les « lois de l'esprit » ou axiomes fondamentaux, les « lois de la morale »,
les « lois de l'art »).
2° Au sens spécial et scientifique (lois dites constatives ou positives), formule générale telle qu'on puisse en déduire
d'avance les faits d'un certain ordre, ou plus exactement ce que seraient ces faits s'ils se produisaient à l'état
d'isolement ; par exemple ,« la loi de Mariotte », «la loi d'Ohm», « la loi de réfraction » (Lalande).
En ce dernier sens,
le mot se dit exclusivement des lois de la nature, suggérées et vérifiées par l'expérience et des lois de la vie
psychologique, considérées comme analogues aux précédentes, ainsi, « la loi de l'habitude », « la loi de l'oubli ».
Parmi ces dernières lois expérimentales, il en est qui sont purement inductives, qui se bornent à formuler les
résultats immédiats de l'observation et de l'expérimentation qualitative : ce sont des lois empiriques par exemple, la
loi physique, « le son a pour cause les vibrations de l'air s, la loi chimique, « l'eau est un composé d'oxygène et
d'hydrogène D.
— Il en est, au contraire, qui sont déduites d'autres lois (dérivées), et qui expriment la mesure des
phénomènes et de leurs rapports : ce sont des lois mathématiques (par exemple, les lois de corrélation et de
causalité, les lois de structure, etc.).
— Enfin, ces dernières, lois mathématiques, peuvent être elles-mêmes
considérées soit comme des lois déterninantes, soit comme des lois statistiques, suivant qu'elles expriment ou des
constantes absolues ou des moyennes.
Dans les sciences physiques, les théories cherchent à expliquer, de la manière la plus unifiée et avec la plus grande
précision possible dans le langage mathématique, l'univers.
ainsi, par exemple, la théorie de Newton réalise
l'unification des lois planétaires de Kepler et de la loi de la chute des corps de Galilée, expliquant le trajet elliptique
des planètes autour du Soleil comme une chute indéfiniment retardée.
Cette théorie rend compte de phénomènes
divers comme la variation de la pesanteur selon la latitude ou encore le mouvement des marées.
Toute théorie dans les sciences physiques permet la découverte de phénomènes nouveaux.
Ainsi, par exemple, c'est
à partir de calculs résultant des lois planétaires de Kepler que Le Verrier a découvert l'existence de la planète
Neptune.
Constatant que l'orbite réelle d'Uranus différait de son orbite théorique, Le verrier a été amené à supposer
l'existence d'une planètes inconnue exerçant une attraction sur Uranus.
Cette hypothèse a pu ensuite être vérifiée
expérimentalement.
Au pouvoir explicatif et à la formalisation mathématique de ces théories s'ajoute en principe leur capacité de
prédiction.
Ainsi, par exemple, connaissant la position et la vitesse d'un mobile à un instant donné, il est possible
dans la mécanique newtonienne de calculer sa vitesse et sa position à un autre instant.
B.
Transformations et valeurs.
D'après la conception classique (Descartes, Newton), les lois scientifiques sont, non seulement générales, mais
encore vraiment nécessaires ; soumises à un déterminisme absolu, sans limites ni exceptions, elles ne peuvent être
qu'absolues ; elles possèdent donc une vérité a priori parfaite, incontestable et incontestée.
Si devant n'importe
quel phénomène naturel l'esprit a tendance à se demander « pourquoi », parvenu à la maturité scientifique, il réduit
ses exigences.
Il cherche seulement « comment » se produisent les phénomènes, autrement dit selon quelles lois,
dans quel ordre.
La loi est le « rapport nécessaire entre les phénomènes ».
On a dit que l'idée de loi naturelle est «
tombée du ciel sur la terre » ce qui signifie que l'idée de loi vient de l'astronomie.
C'est en effet ans le domaine de
l'astronomie qu'on s'aperçoit d'abord que les phénomènes naturels se produisaient d'une façon ordonnée, régulière,
ce qui permit de prévoir exactement certaines manifestations comme les éclipses.
Citons par exemple la première loi
de Kepler énoncée en 1609 dans son « Astronomia nova » : « chaque planète décrit dans le sens direct une ellipse
dont le soleil occupe un des foyers ».
Le génie de Galilée a consisté à introduire l'idée de loi en physique.
Galilée ne
se demande pas pourquoi les corps tombent mais comment ils tombent.
Autrement dit il décrit la chute des corps
par une formule algébrique, ce qui permet de calculer, par exemple, un corps étant lâché dans le vide à l'instant T0
ce que sera sa vitesse à l'instant T1.
La loi a une grande importance pratique et technique puisqu'elle permet de
prévoir.
Elle rend l'univers intelligible puisqu'elle enchaîne les phénomènes dans un réseau d'équations
mathématiques.
Le principe du déterminisme actuel revient à dire que « l'apparition d'un phénomène est strictement
déterminée par des conditions d'existence bien définis.
Le phénomène ne se produit que si elles sont réalisées mais
alors il se produit nécessairement.
»
Cet idéal est-il toujours et partout accessible ? La constitution des sciences morales a pertinemment montré que
non.
Dès que les phénomènes étudiés deviennent complexes, confus, nombreux, le déterminisme se révèle plus
imperceptible, en tout cas moins rigoureux.
D'où une première transformation de l'ancienne conception de loi : ces
lois statistiques ou de moyennes ne visent pas à mettre en évidence le déterminisme intérieur des phénomènes, qui
se dérobe, elles mettent en évidence la régularité de ses manifestations extérieures, se contentent, par suite, d'un
résultat global qui relève du calcul des probabilités.
Les recherches et les précisions de la microphysique ont eu pour
conséquence immédiate l'introduction des lois statistiques et de la probabilité dans les sciences physiques.
L'incertitude, qui paraît accompagner toute loi statistique a, par voie de conséquence, amené à une nouvelle
conception de la valeur des lois scientifiques.
Cette valeur, pourrait-on dire, est en raison inverse de la complexité
des phénomènes sur lesquels elles portent.
Même dans le domaine physique, lorsque la science porte sur des
phénomènes trop complexes, les lois qu'elle réussit à formuler ne peuvent être qu'a posteriori portant sur des
moyennes et donc relatives.
Brunschvicg notait justement (L'Expérience humaine et la causalité, p.
513) que
l'expérience de Cavendish ne nous donne une « loi en soi » qu'en fonction de la théorie newtonienne de la.
»
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