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En quoi notre parole nous engage-t-elle ?

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« Parole La parole est nécessairement individuelle, et suppose un sujet actif.

Par elle on s'approprie une langue.

La parole est ce par quoi le sujet exerce sa fonction linguistique. Introduction Ma parole m'engage certes au sens du contrat moral, mais aussi en un autre sens : en elle ma pensée devient accessible, perce au jour.

Dans le premier cas, la question est de savoir si une parole, comme un acte, est quelque chose dont je dois répondre ; dans le second cas, la question porte sur les positions respectives de la pensée et du langage.

Le « en quoi » de l'engagement vise des causes qui tiennent donc à la nature même du langage, de la parole : qu'y a-t-il dans la parole qui me rend responsable de ce que je dis, qu'y a-t-il dans la parole qui m'expose au jour ? Les deux questions sont évidemment liées : si je devais répondre de mes paroles, c'est bien parce qu'elles identifient une certaine position comme étant mienne. Y a-t-il un lien consubstantiel entre ma parole et moi, lien naturel qui expliquerait que prendre parole, c'est toujours s'engager, ou bien au contraire le langage n'est-il qu'un ustensile que j'utilise comme un moyen, un artifice, et vis-àvis duquel une mise à distance est possible, ce qui dissoudrait ou nuancerait le lien entre ma parole et moi ? La parole n'est-elle qu'un moyen qui m'est extérieur, ou suis-je toujours déjà contenu dans mes paroles ? I - Ma parole m'engage parce qu'elle est le lieu d'élaboration de ma pensée a) Ma parole me révèle au sens où elle est l'irruption de ma pensée dans mon discours.

Si ma parole m'engage, c'est parce qu'en elle ma pensée devient accessible, et en quelque sorte je me découvre en elle, je m'expose : par la parole, j'engage non seulement ma responsabilité mais aussi mon être même, parce que ma parole fait de moi celui qui a une position, celui qui s'est découvert, celui qui quitte l'ambiguïté protectrice pour s'ouvrir au monde, prendre parti, et devenir attaquable et vulnérable.

S'il y a des procès en diffamation, c'est bien que l'on considère qu'il y a un lien entre les paroles de celui qui nous a insulté et sa pensée. b) C'est la raison pour laquelle cet engagement peut être vécu par nous comme un inconvénient, comme un défaut du langage.

On peut se référer ici à la conception hégélienne , qui tend à montrer que faire passer sa pensée par l'épreuve du langage, et lui donner par là même une forme accessible et transmissible, ce n'est pas renoncer à une part d'irréductible individualité, qui peut donc affleurer malgré moi.

Il y a un lien consubstantiel entre ma parole et moi. c) Il y a pourtant des cas-limites qui viennent nuancer les conséquences de cette position : le mensonge, la dissimulation, bref tout ce qui nous renvoie à l'utilisation du langage comme moyen.

Quand je mens, peut-on encore dire que ma parole renvoie à un fond, à une intériorité ? Le fameux et insoluble paradoxe logique du crétois (« je mens ») témoigne des limites de cette première thèse. II - Ma parole m'engage comme un acte moral a) La « parole », dans l'emploi courant et métaphorique du mot, est quelque chose qui se « donne » et qui se « tient ».

Il y a donc bien en effet dans la parole quelque chose qui est de l'ordre de l'engagement, de la prise de responsabilité.

L'engagement de la parole, en ce premier sens, c'est le contrat moral.

Cet engagement est fragile : l'oralité de la parole peut par exemple être opposée ici au caractère écrit et officiel du contrat et de l'écrit en général, mais c'est bien dans la mesure où l'engagement de la parole est facile à rompre que son fondement mérite interrogation. La thématique de la promesse, par exemple, porte en elle cette difficulté.

Acte d'engagement par la parole, la promesse assume paradoxalement son statut d'acte en retardant l'effectuation : la promesse est ainsi un acte. »

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