En quoi les lois sont-elles nécessaires à la liberté ?
Extrait du document
«
En elle-même, la liberté n'a pas besoin de lois pour exister.
Être libre, c'est pouvoir faire ce que l'on veut.
Les lois
politiques, comme les lois de la nature, représentent plutôt des obstacles à la volonté humaine.
Elles sont vécues le
plus souvent comme contraignantes.
Les lois ne peuvent être considérées comme indispensables à la liberté que dans
la mesure où les hommes vivent en société et représentent un danger les uns pour les autres.
Socialement, la liberté
n'est possible que de manière restreinte.
Les lois sont donc nécessaires à la liberté en société.
Mais l'homme libre n'a-t-il pas besoin, lui aussi, de vivre sous
des lois, pour affirmer sa liberté ? C'est un point de vue que l'on peut soutenir en distinguant, au plan individuel cette
fois, l'autonomie de l'indépendance.
Que signifie en effet être indépendant ? C'est ne dépendre de personne, donc ne
dépendre que de soi-même.
C'est donc pouvoir faire tout ce que l'on veut.
Mais est-on vraiment libre quand, indépendant, on satisfait le moindre de ses
caprices, la moindre de ses impulsions ? N'est-on pas alors plutôt esclave de ses désirs ? Indépendance ne veut donc pas forcément dire liberté.
À quelle
condition peut-on alors être libre ? Comment peut-on s'affranchir de ses inclinations ? Si être libre, c'est être maître de soi, alors la condition nécessaire de
la liberté doit consister dans l'existence d'un pouvoir de la volonté sur elle-même, se manifestant par sa capacité à s'imposer des principes ou des lois.
C'est le fait de la moralité qui prouve la véritable liberté de l'homme.
Que les hommes
reconnaissent intérieurement des valeurs qu'ils savent devoir être respectées témoigne du fait qu'il sont capables de s'imposer par eux-mêmes des lois,
autrement dit qu'ils sont autonomes (du grec autos, « soi-même » ; nomos « loi »).
Et d'où peut provenir ce pouvoir d'obéir à ce que dicte la raison, si ce
n'est de la raison elle-même ? Ainsi, l'acte libre est celui qui est accompli, non pas sous l'influence d'un quelconque penchant ou désir, mais par sentiment
du devoir, par obéissance à la raison.
C'est par l'acte moral que l'homme s'accomplit comme être libre.
Il resterait à savoir, pour que cette conception de la
liberté comme autonomie soit pleinement convaincante, si la volonté de ne pas suivre ses inclinations naturelles n'est pas tout autant aveuglément subie et
asservissante que ne le sont ces inclinations qu'elle réprime.
Le désir de ne pas subir sa nature n'est-il pas aussi tyrannique que n'importe quel désir ?
Obéir à la raison, n'est-ce pas autant s'assujettir que de suivre ses désirs ? L'homme moral ou raisonnable n'est peut-être qu'un tempérament, distinct,
mais au fond pas supérieur à l'homme spontané qui suit l'élan de ses inclinations.
Il n'est donc pas sûr que les lois, indispensables à la vie sociale, soient
également nécessaires à la vie morale.
Introduction
-Etre libre, c'est être indépendant par rapport à ce qui peut nous déterminer de l'extérieur.
-Or, cela ne signifie pas que la liberté doive se passer de la soumission à certaines lois, car la liberté n'est pas l'indétermination totale : pour pouvoir être
indépendant par rapport à certaines lois extérieures, il faut obéir à d'autres lois qui nous permettent de nous arracher au déterminisme externe.
-Quelles formes de lois constituent-elles les conditions de l'exercice de la liberté ? Peut-il y avoir une forme de correspondance entre diverses formes de
lois pour pouvoir rendre la liberté possible (celle-ci constituant une forme d'indépendance par rapport à un autre type, encore, de lois) ?
I.
L'obéissance aux lois de la cité constituent la condition de la liberté du tout politique, sous la forme de l'autarcie (Platon).
-Livre IX des Lois : les lois sont nécessaires, car elles instaurent une hiérarchie entre ce qui est favorable à l'intérêt commun, et ce qui est favorable aux
intérêts personnels.
C es derniers constituent un élément de désunion sociale (c'est la le danger interne de toute démocratie), tandis que la loi, qui vise
l'intérêt commun, en constitue l'élément unificateur.
L'obéissance aux lois permet de maintenir la cohésion sociale.
-Livre III et IV de la République : les hommes doivent collaborer pour subvenir à leurs besoins communs, c'est pourquoi ils constituent un groupe, au sein
duquel chaque membre doit s'occuper d'une tâche particulière qui doit s'articuler organiquement avec toutes les autres tâches particulières traitées par les
autres membres.
C'est au prix d'une telle division des fonctions sociales qu'une société unie peut prendre forme et subvenir à ses propres besoins.
Elle
devient ainsi autarcique, et donc libre.
Et cette autarcie dépend de l'obéissance de chacun des membres de la Cité aux lois qui régissent l'ensemble du
corps politico-social, ces lois étant fixées par l'élite philosophique, qui occupe ainsi une fonction directrice au sein de la Cité.
II.
La légitimité des lois politiques prend sa source dans la légalité formelle de la raison pure pratique (Kant).
-Perspective individuelle : l'homme n'est libre qu'en obéissant à sa propre loi morale : c'est la théorie de l'autonomie, par laquelle l'individu donne à la
maxime de son action la forme pure que lui prête la raison pure dans son usage pratique.
Le sujet peut ainsi s'affranchir du déterminisme universel de la
nature (saisi par l'entendement), et imprimer sur cette dernière la marque de la moralité.
-Perspective collective : l'homme ne saurait jamais obéir toujours à cette loi morale ; il faut donc l'établissement de lois politiques, qui soient l'expression
de cette loi morale, dans son application à des cas concrets.
Ainsi, on ne peut contester une loi, quand sa légitimité tient à la liaison intime entre le droit et
la morale.
III.
La véritable liberté, dans l'état social, c'est l'obéissance aux lois qu'on s'est prescrites : elle suppose donc la forme démocratique de la législation
politique (Rousseau).
-L'homme de la nature est libre et égal aux autres hommes dispersés dans la nature.
A l'occasion du pacte social, les individus s'aliènent entre eux leur
liberté propre, ce qui les constitue comme égaux entre eux, cette égalité constituant le fondement du droit.
-Les lois de la cité doivent être l'expression directe de la V olonté générale, qui détermine les lois qui devront réguler l'activité du vivre-ensemble ; c'est
dans cette auto-régulation que réside la liberté retrouvée, chez l'homme social.
En ce sens, l'égalité du contrat social fonde la possibilité d'une liberté
individuelle retrouvée, au sein d'une égale aliénation de la liberté naturelle de tous envers tous.
Conclusion
-La liberté, c'est avant tout l'autonomie (pour l'individu) ou l'autarcie (pour la collectivité politique) : l'indépendance par rapport aux lois naturelles (les lois
biologiques de la survie, ou les lois déterminées des sciences) suppose donc l'obéissance à une autre forme de légalité, interne au sujet libre, que ce sujet
soit collectif ou individuel.
-La liberté nécessité donc bien l'obéissance à des lois, tant autonomes (internes au sujet individuel) qu'hétéronomes (externes à ce sujet), mais seulement
s'il y a une homogénéité entre ces deux formes de lois.
Seule la forme démocratique de gouvernement, par laquelle le peuple décide des lois mêmes
auxquelles il veut se soumettre, permet de mettre en relation l'autonomie et l'hétéronomie : l'homme est d'autant plus libre lorsqu'il obéit à des lois
extérieures qui sont le reflet de sa propre volonté, celle-ci portant la marque de la forme pure de la raison pure pratique.
Les lois sont ainsi nécessaires à
l'exercice de la liberté, en tant qu'elles nous permettent de nous déprendre de l'influence des lois de la nature..
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