En quoi le théâtre est-il un instrument privilégié de L'argumentation indirecte ?

« Par théâtre, nous entendons diverses choses : le terme désigne en effet l'art de la représentation dramatique, un genre littéraire singulier et le bâtiment lui-même, dans lequel se déroulent les spectacles. Un instrument est le moyen qui sert à réaliser une fin.

Par instrument nous entendons souvent ce qui nous sert à faire advenir quelque chose d'autre de manière efficace.

L'expression « instrument privilégié » signifie que l'instrument en question est celui qui sert le plus systématiquement, celui que l'on préfère à tous les autres en raison de son efficacité propre. Par argumentation, on entend les moyens intellectuels mis en œuvre pour démontrer une thèse.

L'argumentation comprend de nombreuses techniques diverses, telles que de prouver le bien fonde de la thèse avancée en montrant de quelle manière elle est étayée sur des raisons solides, ou de quelle manière elle est conforme aux faits.

Une argumentation sera dite indirecte lorsqu'elle usera abondamment de l'implicite.

En effet, ce type d'argumentation avance masque, en ceci que loin d'annoncer clairement un but argumentatif don et d'avancer les motifs rationnels d'accepter cette argumentation, elle procède au contraire avec beaucoup plus de subtilité, en usant de la suggestion.

C'est ainsi qu'une argumentation peut être dite indirecte, d'une part, lorsqu'elle n'annonce pas le but démonstratif qu'elle poursuit ; et d'autre part, elle sera dite indirecte en raison des moyens qu'elle emprunte, tels que l'allusion, la suggestion. A première vue, nous ne pouvons qu'être étonnes par la question posée par notre sujet, dans la mesure où contrairement a ce qu'il présuppose, le theatre ne semble nullement un instrument privilégie de l'argumentation indirecte.

En effet, le theatre met en place des situations énonciatives d'argumentation directes, l'argumentation indirecte étant plutôt réservée à des genres totalement distincts, tels que l'apologue ou le conte.

Cependant, nous verrons que le theatre est bel et bien un instrument privilégie de l'argumentation indirecte, dans la mesure où il peut cacher sa finalité argumentative derrière l'apparence d'un spectacle agréable et ludique.

Enfin, nous verrons qu'il est a proprement parler un instrument de l'argumentation indirecte, en ceci que la pluralité des énonciateurs peut masquer l'univocité de l'intention argumentative de l'auteur. La question au centre de notre travail sera donc de déterminer si l'argumentation indirecte est une caractéristique intrinsèque de l'art théâtral ou au contraire une démarche étrangère à son fonctionnement propre. I. a. L'argumentation indirecte est constitutivement étrangère à la nature du theatre Le theatre est plutôt l'instrument privilégié de l'argumentation directe Nous commencerons par dire qu'il est tout à fait contradictoire de prétendre que le theatre est un instrument privilégié de l'argumentation indirecte.

En effet, le theatre peut au contraire passer pour le domaine propre de l'argumentation directe, dans la mesure où une série d'énonciateurs se succèdent sur scènes pour défendre des thèses souvent contraires et souvent tenter de se convaincre mutuellement.

Tel est notamment le cas chez Corneille, ou les passages délibératifs sont nombreux, comme c'est le cas dans cet extrait du Cid : « Ô Dieu, l'étrange peine ! Faut-il laisser un affront impuni ? Faut-il punir le père de Chimène ? Père, maitresse, honneur, amour, Noble et dure contrainte, aimable tyrannie, Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie. L'un me rend malheureux, l'autre indigne du jour. Cher et cruel espoir d'une âme généreuse, Mais ensemble amoureuse, Digne ennemi de mon plus grand bonheur, Fer qui cause ma peine, M'es-tu donné pour venger mon honneur ? M'es-tu donné pour perdre ma Chimène ? Il vaut mieux courir au trépas. Je dois à ma maitresse aussi bien qu'à mon père ; J'attire en me vengeant sa haine et sa colère ; J'attire ses mépris en ne me vengeant pas. À mon plus doux espoir l'un me rend infidèle,. »