En quoi le langage est-il le propre de l'homme ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
LANGAGE : 1) Faculté de parler ou d'utiliser une langue.
2) Tout système de signes, tout système signifiant,
toute communication par signes (verbaux ou non verbaux).
Le langage désigne aussi la totalité des langues
humaines.
HOMME: Le plus évolué des êtres vivants, appartenant à la famille des hominidés et à l'espèce Homo sapiens («
homme sage »).
• Traditionnellement défini comme « animal doué de raison », l'homme est aussi, selon Aristote, un « animal politique
».
Ce serait en effet pour qu'il puisse s'entendre avec ses semblables sur le bon, l'utile et le juste que la nature
l'aurait pourvu du langage.
Le langage est un moyen d'expression de nous pensées, de nos sentiments, de nos émotions.
Le va-et-vient
de la parole suggère un échange et donc l'interaction entre les individus.
Le langage peut donc être défini
métaphoriquement comme un instrument ou un outil spécifique à l'homme , dont la fonction essentielle est celle de
communication.
Mais si une telle définition attire très utilement l'attention sur ce qui distingue le langage de
beaucoup d'autres institutions, elle ne va pas sans poser de problèmes.
En effet, parler d'instrument ou d'outil, c'est
mettre en opposition l'homme et la nature.
Or, comme le souligne Benvéniste, « le langage est dans la nature de
l'homme qui ne l'a pas fabriqué ».
Mieux encore « le langage enseigne la définition même de l'homme.
»
Nous sommes l'espèce parlante ; le langage –soit, dirait-on aujourd'hui, la faculté d'exprimer des pensées à
l'aide de signes articulés- est le propre de l'homme, à tel point que cette possession exclusive suffit à le différencier
essentiellement des bêtes.
Cette thèse n'a rien que de très traditionnel.
Elle remonte au moins à
Aristote, qui au livre I de ses « Politiques », immédiatement après avoir
signalé que « l'homme est par nature un vivant politique », relève que « seul
entre les vivants, l'homme a un langage » (ce dernier terme étant censé
traduire le grec « logos »).
Ces deux définition de l'homme sont naturellement indissociables.
La
possession du langage par l'homme se marque en effet à ceci, tout d'abord,
qu'il s'adresse à ses semblables, au milieu desquels il vit, et peut aussi voir
son comportement modifié par leurs paroles.
Parler c'est « parler-à » (un
autre que moi).
Avoir le langage, c'est aussi pouvoir être affecté par la parole
de l'autre.
Cette manière proprement humaine de vivre que détermine la
possession du langage serait donc impossible en dehors de la Cité.
En même temps, l'existence politique, qui suppose la délibération en
commun et la persuasion réciproque, la parole adressée en une langue
partagée, n'est à la portée que du vivant parlant.
Certes, des bêtes peuvent
trouver le moyen de signaler par des sons leurs sensations douloureuses ou
agréables.
Mais, souligne Aristote, seuls les hommes, ces vivants qui
contrairement aux autres se tiennent droit, regardent devant eux et émettent
leur voix vers le devant, sont en mesure de se manifester mutuellement
« l'avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l'injuste ».
Ce qui est proprement user de langage.
On pourrait être tenté d'objecter à Aristote, d'une part qu'il est douteux que tous les hommes soient comme
il le prétend « doués de langage » : le « logos » ne fait-il pas défaut aux sourds-muets de naissance, aux fous ? Et
d'autre part que d'autres êtres vivants que l'homme, peut être, communiquent par le moyen de signes.
Commençons par la première objection.
« Pas de langage sans voix », écrit Benvéniste.
Pourtant nous
pouvons parler par gestes ; Descartes avait déjà observé que « les muets se servent de signes en même façon que
nous de la voix », de telle sorte qu'ils parviennent non seulement à communiquer entre eux, mais encore à se faire
comprendre de « ceux qui étant ordinairement avec eux ont loisir d'apprendre leur langue » (« Discours de la
méthode », V).
Ne pourrait-on en revanche refuser le logos aux fous, comme si « perdre la raison » revenait aussi à être
arraché à sa langue ? « Je suis vacant par stupéfaction de ma langue », s'écrie ainsi Arthaud, qui évoque la
souffrance psychisme en toute connaissance de cause.
Et d'ailleurs : « quitte ta langue, ma langue, merde, qui
est-ce qui parle, où es-tu ? Outre, outre , Esprit, Esprit, langues de feu, feu, feu, mange ta langue, vieux chien [...]
j'arrache ma langue ».
Le fou serait-il hors-langue ? Mais c'est en poème que le clame Artaud.
Et sa « langue de
feu » nous affecte sans doute plus profondément que bien des discours « sensés ».
En conséquence, comme le
soulignait déjà Descartes, on peut considérer que le fou a part au logos.
Si désarticulé qu'il puisse être , et « bien
qu'il ne suive pas la raison », le discours de la folie reste un discours.
D'apparence incohérente, il « ne laisse pas
d'être à propos des sujets qui se présentent », conservant donc un rapport à la réalité, tant des objets auxquels il
a trait que de la situation de communication dans laquelle il s'inscrit.
On peut donc conclure provisoirement sur ce
point que le langage est en l'humanité, tout comme la raison peut-être, un instrument universel.
Instrument voué,
en l'occurrence, à la manifestation de la vie de conscience ; au service, donc, du témoignage, et qui ne fait défaut.
»
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