En quoi la conscience est-elle temporelle ? (Pistes de réflexion seulement)
Extrait du document
«
La conscience est un critère qui permet de distinguer l'homme de l'animal.
Si l'animal agit instinctivement, l'homme
prend conscience de la situation avant d'agir.
Étymologiquement, la conscience se définit comme présence à mon
savoir : cum scienta( avec savoir).
La conscience peut dès lors se définir comme la connaissance qu'a l'homme de
ses pensées, de ses actes.
On distingue généralement la conscience immédiate qui renvoie à la simple présence de
l'homme à lui-même au moment où il pense, agit,...
et la conscience réfléchie, dans laquelle le sujet se ressaisit luimême comme conscience.
La première distinction de la conscience est la séparation entre objet et sujet.
Ce qui de
prime introduit plutôt un ordre spatial.
Pourtant la conscience n'a-t-elle pas plutôt comme base le temps, puisque
les pensées s'enchaînent? La conscience n'est-elle pas toute entière durée?
La conscience a pour base la succession temporelle
Descartes identifie la conscience comme l'essence, la source de la pensée.
Or comme l'ont remarqué plusieurs philosophes, les pensées s'enchaînent
successivement.
Schopenhauer affirme ainsi que le temps est la première donnée de la
conscience humaine.
Si le temps et l'espace sont des formes a priori, le temps
est intime à la conscience.
Les pensées se succèdent en effet dans le temps,
c'est-à-dire chaque pensée n'existe qu'à condition de chasser la précédente,
pour être détruite à son tour.
Il n'est pas possible d'avoir plusieurs pensées
juxtaposées.
- Bergson reprendra la même idée, en affirmant qu'il n'est pas possible de
découper nos pensées, elles ont un flux continu...
La conscience est intentionnalité, elle vise un objet
Pourtant, Husserl a montré que la principale caractéristique de la conscience
était toujours conscience d'autre chose que d'elle-même : "Toute conscience
est conscient de quelque chose." La conscience ne peut être saisie ni comme
chose, ni comme intériorité pure.
La conscience ne peut donc jamais être
"vide".
On trouve cette citation dans la seconde partie des « Méditations
cartésiennes » (1929).
Husserl (1859-1938) est le fondateur de la
phénoménologie et le précurseur de ce que l'on nomme l'existentialisme.
Le mot d'ordre de la phénoménologie est le retour aux choses mêmes.
Il s'agit de se battre contre une conception
positiviste de la science et contre les faux savoirs, pour s'interroger à nouveaux frais sur la façon dot les choses
nous apparaissent.
Notre citation apparaît dans les « Méditations métaphysiques ».
Le titre dit assez que Husserl entend se
réapproprier le projet cartésien de fonder les sciences.
Mais il tente aussi, dans ce qu'il nomme « les temps de
détresse », de fonder une véritable science de l'esprit, en se battant à la fois contre le « psychologisme » et contre
le modèle des sciences objectives de la nature.
« Partout à notre époque se manifeste le besoin pressant d'une compréhension de l'esprit […] Ma
conviction est que la phénoménologie a fait la première fois de l'esprit en tant qu'esprit le champ d'une expérience
et d'une science systématique, et opéré par-là le retournement total de la tâche de la connaissance.
»
On retrouve donc, au départ de notre texte, la même exigence de rigueur, de radicalité que chez
Descartes.
Husserl aussi pratique une sorte de doute qui consiste à suspendre notre croyance naïve et naturelle
au monde et à son existence.
Lui aussi découvre comme première certitude le « Je pense ».
Mais Descartes était pressé de fonder la science de son temps, et s'il découvrait le dualisme, il faisait de la
conscience une chose qui pense.
Descartes établissait une sorte de parallèle entre la « chose étendue », le corps,
et la « chose qui pense », la conscience.
Husserl reste attentif à une propriété remarquable de la conscience : « Toute conscience est conscience de
quelque chose ».
Chaque fois que je pense, je pense bien à quelque chose.
Cela veut dire que le « Je », la conscience vise toujours
autre chose qu'elle-même.
La conscience, si l'on veut, n'est jamais enfermée en elle-même, elle est toujours le
mouvement de se dépasser vers autre chose, vers un objet.
Que la conscience soit toujours en mouvement vers
autre chose, cela signifie que toute activité psychique est toujours dirigée vers autre chose qu'elle-même.
On ne
peut plus, comme tendait à le faire Descartes, assimiler la conscience à une chose ou à une intériorité.
Précisément, ce qui différencie la conscience de toutes les choses, de tous les objets –qui sont ce qu'ils sontc'est son caractère dynamique, qui fait qu'elle est toujours rapport à autre chose qu'elle-même, dépassement,
mouvement, vers un autre.
La pensée porte toujours un rapport au monde.
Etre conscient, c'est d'abord être
présent au monde.
Les existentialistes (surtout Sartre) seront particulièrement attentifs à ce que Husserl nomme « intentionnalité »,
et qui désigne ce caractère de la conscience d'être toujours conscience de.
Voici comment Sartre commente cette
formule : « Connaître, c'est s'éclater vers », s'arracher à la moite intimité gastrique pour filer là-bas, par delà soi ,
vers ce qui n'est pas soi, là-bas près de l'arbre, et cependant hors de lui .»
La pensée est décrite ici en terme de mouvement, de dynamique, et non plus de « moite intimité ».
Non seulement il n'y a pas de commune mesure entre les propriétés de la matière et celles de la pensée, mais il faut
ajouter que les choses et la conscience n'ont pas la même manière d'être.
L'existence propre de la conscience est.
»
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